Claude Gueux/Le Manuscrit de Claude Gueux

Œuvres complètes de Victor Hugo, Texte établi par Gustave SimonImprimerie Nationale ; OllendorffRoman, tome I (p. 769-770).

LE MANUSCRIT
de
CLAUDE GUEUX.


La Bibliothèque nationale ne possède actuellement que la copie, annotée et corrigée par Victor Hugo, de Claude Gueux. Le manuscrit original est en la possession de M. Louis Koch, qui a bien voulu nous le communiquer.

C’est bien là le manuscrit de premier jet, avec des ratures, des ajoutés, des inexactitudes rectifiées ensuite. Le premier alinéa, rayé, présentait le récit comme venant d’un tiers :

Voici des faits qui m’ont été racontés par un témoin digne de foi.

Ce « témoin » aurait été sujet à caution sur quelques points, car, en suivant le manuscrit, nous y voyons une rectification importante ; on en jugera par ces quelques lignes du premier texte :

Il y a un dépôt central de prisonniers à Clermont, il y en a un autre à Troyes. Je ne sais plus dans lequel des deux l’homme fut envoyé faire son temps. Je crois que ce fut à Troyes.

Renseignements pris, ce n’était ni à Clermont, ni à Troyes que Claude Gueux avait été emprisonné, mais à Clairvaux.

Le manuscrit est paginé par lettres alphabétiques ; au feuillet chiffré D, sous l’alinéa finissant par : Claude aimait beaucoup Albin et ne songeait pas au directeur (voir p. 751), on relève cette date, précédant un changement d’écriture :

20 juin 1834.

Une autre date au feuillet O suit cette phrase :

À quoi pensent ceux qui gouvernent s’ils ne pensent pas à cela ?

Fini le 23 juin.

C’est donc sur ces mots que se terminait le manuscrit. À partir de cette ligne, ce n’est qu’une copie. Nous en avons retrouvé l’original sur deux feuillets isolés, qui ne ressemblent au manuscrit de Claude Gueux ni comme papier, ni comme écriture. Le début, encerclé et biffé, semble être fait sous le coup de l’émotion que l’auteur a ressentie en apprenant l’exécution de Claude Gueux :

Encore une exécution[1]  ! Quand donc s’en lasseront-ils ? Est-ce qu’il n’y a pas en France un homme puissant qui en veuille à la guillotine ? Hé, Sire ! on a guillotiné votre père.

Dans la préface du Denier Jour d’un Condamné, préface datée, on s’en souvient, 15 mars 1832, Victor Hugo parle des exécutions de Pamiers, vers la fin de septembre 1831, de Dijon et de la barrière Saint-Jacques ; nous les retrouvons mentionnées dans les deux feuillets isolés qui terminent Claude Gueux :

Il y a un an à peine, la justice vient de déchiqueter un homme à Pamiers. (Voir p. 764.)

Cette phrase indique que ces deux feuillets avaient été écrits vers le milieu de l’année 1832.

Selon nous, ces deux feuillets, antérieurs au manuscrit même, étaient destinés à un article, peut-être à un discours sur l’affaire de Claude Gueux, comme l’indique la note, puis Victor Hugo se sera informé, documenté, et aura trouvé plus utile à la cause qu’il défendait de raconter la vie et la mort de Claude Gueux.

Quand Victor Hugo suppose, dans la Chambre, un interrupteur rappelant les législateurs « à la question », le manuscrit donne des noms propres. Taisez-vous, monsieur Dupin ! Taisez-vous, monsieur Mauguin ! Dans la Revue de Paris, c’est le nom de M. Thiers qui est cité. Quelques alinéas ont été intercalés sur les épreuves.

  1. Affaire de Cl. Gueux. Voir dans la Gazette des Tribunaux du 19 mars 1832. (Note du manuscrit.)