Chine. Largesses impériales à l’occasion de la défaite de Chang-Kihur


CHINE.




MANIFESTE IMPÉRIAL À L’OCCASION DE LA DÉFAITE DE CHANG-KIHUR[1].

Le dixième jour de la dixième lune (1828), on a publié à Pékin un manifeste impérial, afin que le monde entier pût en avoir connaissance, et relatif à la défaite du rebelle Chang-Kihur.

On y fait allusion à l’histoire des ancêtres de ce prince ; on y blâme implicitement la clémence imprudente dont usèrent les empereurs, en ne détruisant point cette race perfide. On y admire la prodigieuse facilité avec laquelle fut réprimée la dernière rebellion, et la conduite des pihkik mahométans, dans le Turkestan, lorsqu’ils prirent le parti des troupes impériales. Viennent ensuite diverses formules exprimant une admiration profonde et une vive reconnaissance envers la nature entière, envers les cercles célestes et la terre carrée, ancêtres sacrés de l’empereur, envers les ponts, qui offrirent un passage aux troupes de Sa Majesté, et les collines qu’elles foulèrent dans leur marche…

Le huitième jour de la onzième lune de la huitième année de Taou-Kwang, continue le manifeste, les rois, les princes, les nobles et les grands officiers de l’état, pour ajouter à l’éclat de cette fête, présentèrent une tablette en pierreries à la mère sacrée du prince, l’impératrice douairière. Cette tablette était couverte de caractères relatifs à ses vertus d’épouse et de mère, son respect pour l’empereur, sa tendresse pour ses enfans, sa chasteté et son affection pour ses peuples.

Suivent dix-huit formules dans lesquelles on doit exprimer sa reconnaissance aux puissances supérieures et son respect à celles d’un ordre inférieur. Sa Majesté envoie des personnages spécialement désignés, pour offrir des sacrifices aux cinq grandes montagnes et aux quatre rivières principales de la Chine. Les mêmes sacrifices auront lieu dans le culte que l’on rend aux tombeaux des princes des générations précédentes, et à Confucius, dans la province de Shantung, lieu de sa naissance. Les gouverneurs des provinces sont chargés de rechercher et de faire réparer les tombeaux des anciens empereurs et rois. Les parens morts, d’officiers civils et militaires, recevront des titres d’honneur. Un pardon général est accordé pour les délits des généraux et des soldats qui ont versé leur sang au service de la patrie. Les étudians qui suivent les cours du collége national auront des vacances d’un mois de durée. Les soldats qui font le service dans la ville de Pékin jouiront, outre leurs appointemens réguliers, d’un mois de leur paie, qu’ils soient Tartares, Mantchous, Manggous ou Chinois, et la police armée de Pékin partagera la même faveur. Tous les magistrats qui ont mérité quelque reproche à l’époque où la grande armée a traversé les lieux confiés à leur administration, obtiendront leur pardon, pourvu toutefois qu’ils aient respecté les munitions appartenant à l’état. Les troupes de Cachgar, qui doivent payer leur habillement, auront trois années pour s’acquitter. Les soldats blessés ou trop vieux recevront une récompense, et ceux que leurs blessures empêchent de servir encore pourront se faire remplacer par un parent, et jouir toujours de leurs appointemens. Le châtiment de tout délit que la loi ne punit pas de la peine capitale sera commué en une autre moins sévère. Les soldats tartares qui auront quitté les drapeaux avant le terme de leurs engagemens, mais sans avoir emporté leurs armes ou emmené leurs chevaux, obtiendront leur pardon. On réparera, aux frais du gouvernement, les routes principales de l’empire. On accordera une attention toute particulière aux hospices où les femmes veuves, les enfans orphelins et les vieillards sans enfans recevront les soins les plus empressés.

Le manifeste se termine par des félicitations sur tous les heureux événemens qui viennent d’avoir lieu, et qui portent la joie et le bonheur dans l’univers entier. L’empereur ordonne ensuite que ces nouvelles soient publiées de telle manière, que tout ce qui habite sous la voûte des cieux puisse en avoir connaissance.

« Ô combien douce, s’écrie ici l’empereur, combien douce est la jouissance de cette paix, de cette tranquillité que j’ai reçue d’en haut ! Partout dans l’univers, qui réunit dans le nombre sacré neuf tout ce qui existe, s’est répandue la gloire de cet empire. J’hérite de la splendeur à laquelle mes illustres ancêtres ont donné naissance, et j’ai été inondé d’un océan de richesses et d’honneurs par la triade des pouvoirs indivisibles, le ciel, la terre, et la lumière du soleil et de la lune[2].


  1. Voyez notre première livraison d’août, tome 1, page 124.
  2. Toute cette idée est rendue dans l’original par les mots San Woo, Trois non. Le ciel est non divisible, la terre est non divisible, et la lumière est non divisible.