Cheikh Nefzaoui - La Prairie Parfumée - 24

La Prairie parfumée où s’ébattent les plaisirs (الروض العاطر في نزهة الخاطر)
Traduction par Baron R***.
(p. 253-255).


Chapitre XVIIe

Déliement des aiguillettes.

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Sache, ô Vizir, que Dieu te fasse miséricorde ! que l’impuissance provient de trois causes :

Premièrement, du nouement des aiguillettes[1] ;

deuxièmement, d’un tempérament faible et mou ;

enfin, troisièmement, d’une éjaculation trop hâtive.

Pour remédier au nouement des aiguillettes, il faut prendre du galanga خولنجان[2], de la cannelle de La Mecque, du girofle قـرنفـل, du cachou de l’Inde[3], de la noix muscade, du cubèbe de l’Inde, de la langue de passereau[4], de la cannelle, du poivre persan فلفـل العجمي, du chardon de l’Inde[5], du cardamome[6], du pyrèthre, des graines de laurier حب غار et des fleurs de giroflée نوار القرنفل. On pile soigneusement ensemble toutes ces substances, et on en absorbe autant qu’on peut matin et soir, dans du bouillon, de préférence dans du bouillon de pigeonneau ; le bouillon de poulet peut néanmoins être employé sans inconvénient. Il faut avoir soin de boire de l’eau avant et après le remède. On peut aussi prendre ce mélange avec du miel, ce qui est, des méthodes, la meilleure et celle qui produit le plus d’effet.

Quant à celui qui a une éjaculation trop hâtive, il doit avaler de la noix muscade et de l’encens (oliban) لـوبان[7], dont il opère le mélange dans du miel.

Lorsque l’impuissance vient de faiblesse, il faut manger, dans du miel, du pyrèthre, de la graine d’ortie زريعة الحرايق[8], un peu d’euphorbe (ou cévadille, voir observation aux notes 139[9] et 140)[10]) فـربيـون, du gingembre vert, de la cannelle de La Mecque et du cardamome[6]. Cette médication fait disparaître la faiblesse et amène la guérison, avec la permission de Dieu très élevé !

Je puis garantir l’efficacité de tous ces médicaments, dont la vertu a été éprouvée.

L’impossibilité de coïter par défaut de raideur du membre est encore due à d’autres causes. Il arrive, par exemple, qu’un homme dont la verge est en érection, la voit devenir flasque au moment où il va se placer entre les cuisses de la femme. Il s’imagine que c’est de l’impuissance, alors que c’est seulement le résultat soit d’un sentiment de respect exagéré pour cette femme, soit d’une pudeur déplacée, soit de la vue d’un objet désagréable, soit d’une impression de mauvaise odeur, soit enfin d’un sentiment de jalousie inspiré par cette réflexion qu’elle n’est pas vierge et a servi au plaisir d’autres hommes.


  1. (149) Il arrive quelquefois que, lors de la rencontre de la femme et de l’homme, ce dernier, quoique animé des désirs les plus ardents, ne peut accomplir l’acte du coït par suite de l’état d’inertie, résistant à toute espèce d’action, dans lequel se trouve son membre. On dit alors de lui que son aiguillette est nouée.
  2. (150) Le galanga est une racine des Indes. Il y en a de deux espèces : le galanga major et le galanga minor.
  3. (151) Le cachou, dont le nom vient de l’Indien Catché ou du Brésilien Cajou, est une substance végétale qui nous arrive de l’Inde toute préparée.

    Observations de l’éditeur. Certains textes donnent Tartre de l’Inde طرطار الهندي ou harehar de l’Inde هرهـار الهندي. Il a été impossible de savoir exactement à quelles substances se rapportent ces deux noms.

  4. (148) La langue de passereau est la stallène passerine et la renouée.

    Observations de l’éditeur. Nous ne partageons pas cet avis. La langue de passereau ne paraît pas être autre chose que la semence du frêne. (Voir les Dictionnaires de Kazimirski et de Beaussier, et l’ouvrage de médecine d’Abd el Rezeug.

  5. (152) C’est le chardon qui croit dans les Indes Occidentales. Prise en décoction, cette plante est pectorale et apéritive.

    Observation de l’éditeur. Les textes consultés ont donné, comme nom de la plante dont l’emploi est recommandé, chelass el henndi شلاس الهندي, nom dont le correspondant en Français n’a pu être déterminé.

  6. a et b (147) Le Cardamome, dont il a déjà été question, est une graine médicinale très aromatique qui vient d’Italie et entre dans la composition de la thériaque. C’est le fruit de plusieurs espèces du genre amome, et en particulier de l’amomum cardamomum.
  7. (153) Il est parlé de l’oliban, dans le Journal Asiatique, à propos du feu grégeois et de l’origine de la poudre à canon par MM. Raynaud et Favet.
  8. (154) La graine d’ortie est considérée par les Arabes comme un remède contre les inflammations du canal de l’urètre.
  9. (139) La chrysocolle est une matière qui servait à souder les métaux et en particulier l’or, et qui serait, suivant toute probabilité, le borax. Le nom de tinkal, qui sert à désigner le borax brut de l’Inde et qui se rapproche beaucoup du mot arabe teunkar, paraît venir de l’Indien. Quant au nom de chrysocolle, il est dérivé du Grec κρισος, or, et κολλα, colle c’est-à-dire colle de l’or.
  10. (140) La valeur d’une graine de moutarde est une expression arabe qui signifie une très petite quantité.

    Observations de l’éditeur sur les notes 139 et 140. Le traducteur pourrait bien avoir été induit en erreur par le texte qu’il avait sous les yeux, car les trois textes consultés ont donné comme sens du membre de phrase : « en mangeant de la chrysocolle et de la graine de moutarde. » Cette dernière substance est assez excitante pour qu’on ne soit pas étonné de la voir recommandée en pareil cas.

    Plusieurs textes, en outre, au lieu de teunkar, chrysocolle. donnent takra تاكرا qui serait, d’après Abd er Razeug, un synonyme de ferbioune فـربيـون et voudrait dire cévadille, fruit pulvérisé du veratrum sabadilla et médicament corrosif et dangereux. Ferbioune voudrait dire aussi euphorbe.