Chansons populaires de la Basse-Bretagne/Si j’avais eu crayon


SI J’AVAIS EU CRAYON
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Si j’avais eu crayon, plume, encre et papier,
Je composerais une chanson pour passer le temps ;

Je composerais une chanson à moi et à ma maîtresse jolie,
Qui m’a planté dans le cœur une fleur de tourment.

Je vois ma maîtresse, en son jardin retirée,
Noyée dans ses larmes, qui plante trois bouquets ;

Qui plante trois bouquets des plus belles fleurs,
Pour faire sa couronne, un jour viendra ;

Et qui en plante trois autres de fleurs nouvelles,
Pour faire la mienne, trois jours après.

Je vois ma maîtresse sous un laurier,
(Elle porte) l’image du crucifix à son cou ;

(Elle porte) l’image du crucifix à son cou,
Elle me fait signe d’aller près d’elle.

— N’est-ce pas vous, ma maîtresse, qui m’aviez dit
Qu’à vingt-cinq ans vous vous fianceriez à moi ?

Qu’à vingt-cinq ans vous vous fianceriez à moi,
Qu’au début de vos vingt-six vous m’épouseriez ?

— Si vous étiez à Paris, procureur ou notaire,
Vous ne jetteriez pas les yeux sur une fille d’aussi petite condition.

— Si j’étais à Paris, empereur ou roi,
Et vous, ma maîtresse jolie, (condamnée) à mendier
____________________________ votre pain de chaque jour,


Que je vous épouserais (encore) avec une amour parfaite !
— Mes parents commencent à vieillir et à devenir caducs,

Et ils seraient ruinés, si je les quittais ;
Il n’est pas juste que je me marie contre leur volonté.

— Ça, ma maîtresse jolie, dites-moi donc,
Après la mort de vos parents, que deviendrez-vous ?

— Si j’avais eu du bien, comme hélas ! je n’en ai pas,
C’est au couvent que j’eusse souhaité d’aller.

— Si c’est au couvent que vous désirez aller,
Je vous ferai religieuse, dans le couvent que vous voudrez ;

Je vous ferai religieuse, sous un habit blanc,
Et je me ferai prêtre, sous une soutane...

Je vais encore une fois jusque chez ma maîtresse,
Et quand j’y perdrais ma peine, je l’ai fait bien souvent !

J’ai été chez ma maîtresse, jusqu’à la porte de son cœur,
Je n’y ai pas trouvé ombre de consolation ;

Un cœur triste et en captivité,
C’est tout ce qu’il y a chez ma maîtresse, quand je vais jusqu’à elle.

Pourtant je peux en toute vérité dire
Que j’ai fait la cour à la fleur des filles ;

Que j’ai fait la cour, sans mépriser personne,
(A une fille telle) que je ne pourrai trouver sa pareille
_____________________________ (nulle part) où je passerai.

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