Chansons populaires de la Basse-Bretagne/Les vêpres des grenouilles


LES VÊPRES DES GRENOUILLES
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I

— Chante bellement, Killoré (?)
— Jolie ? que te faut-il (?)[1]
— La plus belle petite chose que tu saches.
— Un anneau d’argent à Marie.

II

— Chante bellement, Killoré.
— Jolie, que te faut-il ?
— Les deux plus belles petites choses que tu saches,
— Deux anneaux d’argent à Marie,
— Un anneau d’argent à Marie.

III

— Chante bellement, Killoré.
— Jolie, que te faut-il ?
— Les trois plus belles petites choses que tu saches.
— Trois reines dans un palais (?)

Possédant les trois fils Henri,
Jouant, fredonnant (chantant),
Un anneau d’argent avec chacune.
Deux anneaux d’argent à Marie ;
Un anneau d’argent à Marie,

IV

— Chante bellement, Killoré.
— Jolie, que te faut-il ?
— Les quatre plus belles petites choses que tu saches.
— Quatre acolytes (?)
Chantant l’Exaudi,
Trois reines, dans un palais (?)[2]
Possédant les trois fils Henri,
Jouant, fredonnant (chantant),
Un anneau d’argent avec chacune.
Deux anneaux d’argent à Marie,
Un anneau d’argent à Marie.

V

— Chante bellement, Killoré,
— Jolie, que te faut-il ?
— Les cinq plus belles petites choses que tu saches.
— Cinq vaches très noires,
Traversant une tourbière ;
Quatre acolytes,
Chantant l’Exaudi ;
Trois reines dans un palais,
Possédant les trois fils Henri,
Jouant, fredonnant (chantant),
Un anneau d’argent avec chacune ;
Deux anneaux d’argent à Marie,
Un anneau d’argent à Marie.

VI

— Chante bellement, Killoré,
— Jolie, que te faut-il ?
— Les six plus belles petites choses que tu saches.
— Six frères et six soeurs :

— Cinq vaches très noires,
Traversant une tourbière ;
Quatre acolytes,
Chantent l’Exaudi ;
Trois reines, dans un palais,
Possédant les trois fils Henri,
Jouant, fredonnant (chantant),
Un anneau d’argent avec chacune ;
Deux anneaux d’argent à Marie,
Un anneau d’argent à Marie.

VII

— Chante bellement, Killoré.
— Jolie, que te faut-il ?
— Les sept plus belles petites choses que tu saches.
— Sept jours et sept lunes ;
Six frères et six soeurs ;
Cinq vaches très noires,
Traversant une tourbière ;
Quatre acolytes,
Chantant l’Exaudi ;
Trois reines, dans un palais,
Possédant les trois fils Henri,
Jouant, fredonnant (chantant),
Un anneau d’argent avec chacune ;
Deux anneaux à Marie ;
Un anneau d’argent à Marie.

VIII

— Chante bellement, Killoré.
— Jolie, que te faut-il ?
— Les huit plus belles petites choses que tu saches.
— Huit petits batteurs sur l’aire,
Battant des pois, battant des cosses ;
Sept jours et sept lunes ;
Six frères et six soeurs ;
Cinq vaches très noires,
Traversant une tourbière ;
Quatre acolytes,
Chantant l’Exaudi ;
Trois reines, dans un palais,
Possédant les trois fils Henri,

Jouant, fredonnant (chantant),
Un anneau d’argent avec chacune ;
Deux anneaux d’argent à Marie ;
Un anneau d’argent à Marie.

IX

— Chante bellement, Killoré.
— Jolie, que te faut-il ?
— Les neuf plus belles petites choses que tu saches.
— Neuf fils armés,
Revenant de Nantes,
Leurs épées rompues,
Leurs chemises sanglantes,
Le plus terrible fils qui porte haut la tête
S’effraye à les voir ;
Huit petits batteurs sur l’aire,
Battant des pois, battant des cosses ;
Sept jours et sept lunes ;
Six frères et six soeurs ;
Cinq vaches très noires,
Traversant une tourbière ;
Quatre acolytes,
Chantant l’Exaudi ;
Trois reines, dans un palais,
Possédant les trois fils Henri,
Jouant, fredonnant (chantant),
Un anneau d’argent avec chacune ;
Deux anneaux d’argent à Marie ;
Un anneau d’argent à Marie.

X

— Chante bellement, Killoré.
— Jolie, que te faut-il ?
— Les dix plus belles petites choses que tu saches.
— Dix navires sur le rivage,
Chargés de vin, de drap ;
Neuf fils armés,
Revenant de Nantes,
Leurs épées rompues,
Leurs chemises sanglantes,
Le plus terrible fils qui porte haut la tête,
S’effraye à les voir ;

Huit petits batteurs sur l’aire,
Battant des pois, battant des cosses ;
Sept jours et sept lunes ;
Six frères et six soeurs ;
Cinq vaches très noires,
Traversant une tourbière ;
Quatre acolytes,
Chantant l’Exaudi ;
Trois reines, dans un palais,
Possédant les trois fils Henri,
Jouant, fredonnant (chantant),
Un anneau d’argent avec chacune ;
Deux anneaux d’argent à Marie ;
Un anneau d’argent à Marie.

XI

— Chante bellement, Killoré.
— Jolie, que te faut-il
— Les onze plus belles petites choses que tu saches.
— Grognant, dégrognant,
Onze truies, onze pourceaux ;
Dix navires sur le rivage,
Chargés de vin, de drap ;
Neuf fils armés,
Revenant de Nantes,
Leurs épées rompues,
Leurs chemises sanglantes,
Le plus terrible fils qui porte haut la tête,
S’effraye à les voir ;
Huit petits batteurs sur l’aire,
Battant des pois, battant des cosses ;
Sept jours et sept lunes ;
Six frères et six soeurs ;
Cinq vaches très noires,
Traversant une tourbière ;
Quatre acolytes,
Chantant l’Exaudi ;
Trois reines, dans un palais,
Possédant les trois fils Henri,
Jouant, fredonnant (chantant),
Un anneau d’argent avec chacune ;
Deux anneaux d’argent à Marie ;
Un anneau d’argent à Marie.


XII

— Chante bellement, Killoré,
— Jolie, que te faut-il ?
— Les douze plus belles petites choses que tu saches.
— Douze épées mignonnes,
Démolissant avec rage un pignon,
Menu comme son ;
Grognant, dégrognant,
Onze truies, onze pourceaux,
Dix navires sur le rivage,
Chargés de vin, de drap ;
Neuf fils armés,
Revenant de Nantes,
Leurs épées rompues,
Leurs chemises sanglantes,
Le plus terrible fils qui porte haut la tète,
S’effraye à les voir ;
Huit petits batteurs sur l’aire,
Battant des pois, battant des cosses ;
Sept jours et sept lunes ;
Six frères, et six soeurs ;
Cinq vaches très noires,
Traversant une tourbière ;
Quatre acolytes,
Chantant l’Exaudi ;
Trois reines dans un palais,
Possédant les trois fils Henri,
Jouant, fredonnant (chantant),
Un anneau d’argent avec chacune ;
Deux anneaux d’argent à Marie ;
Un anneau d’argent à Marie ;
Les douze plus belles petites choses que je sache.
_____Dis au clerc de venir souper,
Qu’il ne reste pas (plus) longtemps en peine.


Version recueillie à Plouaret.
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COMMENTAIRES ET VARIANTES
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L’auteur du Barzaz-Breiz donne cette pièce comme la plus ancienne et la plus importante de son recueil, au point de vue historique. M. de la Villemarqué croit y voir, en effet, une récapitulation, en douze demandes et douze réponses, des doctrines druidiques sur : le destin, lu cosmogonie, l’astronomie, la géographie, la magie, la médecine, la métempsycose, et autres choses encore. D’autres, — et M. de Penguern était du nombre, — y trouvent l’origine de notre « histoire, la venue des Bretons insulaires. »

Pour nous, nous n’irons pas chercher si loin, car nous n’y voyons tout simplement qu’un jeu pour exercer la mémoire et la langue. Il faut, en effet, une bonne mémoire et une langue bien déliée pour réciter, sans confusion, dans l’ordre voulu et avec la volubilité de prononciation qu’y apportent les plus habiles, ces douze séries de mots, généralement dépourvus de sens raisonnable, et où la rime riche semble seule de rigueur. Quel sens plausible donner, par exemple, à ceci :

________Daouzec cleze mignon
________O tifoueltra eur pignon,
________Ken munut ha brignon,

Que je traduis littéralement :

________Douze épées mignonnes
________Démolissant avec rage un pignon,
________Aussi menu que son ?

Il est évident qu’on n’a cherché là que la rime riche.

Il m’a paru que c’était aussi l’opinion de nos chanteurs populaires, et un de ceux-ci, de qui je venais de recueillir une version de Gousperou ar Râned, et que j’interrogeais sur la signification de certains mots et celle de la pièce en général, en lui avouant que je n’y comprenais rien, me répondit tranquillement : — Il faut que ce soit ainsi. — Comment, il faut que je n’y comprenne rien ? — Oui ; comprenez-vous quelque chose au chant des grenouilles ? — Non. — Eh bien, c’est comme cela aussi pour Gousperou ar Rânéd.

Un autre, en 1868, à la ferme da Kerdonnarz, en Scaër, Louis Olivier, dont le père avait maintes fois chanté à Brizeux la version que je venais de copier sous sa dictée, me dit aussi : — « Mon père chantait cela bien mieux que moi ; dans les réunions de famille et aux repas de noces, on lui demandait toujours Gousperou ar Râned, et l’on s’extasiait sur la sûreté de sa mémoire et la volubilité avec laquelle il psalmodiait la pièce. Il me la fit aussi apprendre, dès mon enfance, parce qu’il prétendait que cela exerçait la mémoire et déliait la langue. »

Et comme je lui demandais la signification de quelques passages inintelligibles, il me répondait : « Je ne sais pas ; je l’ai appris comme cela. »

M. de la Villemarqué intitule la version que nous présente son Barzaz Breiz, avec grand renfort de commentaires et de notes savantes : Ar Rannou, qu’il traduit par : les Séries. Mais c’est à tort, j’en suis convaincu, car partout, invariablement, j’ai entendu prononcer Gousperou ar Râned, avec un â long, et plusieurs versions débutent même ainsi : cân, rân, — « chante, grenouille. » Il est impossible de se tromper sur la signification de rân, plur : râned, qui vient évidemment du latin rana, ranæ, au lieu que rann, plur : rannou, par deux nn, vient du verbe breton ranna, qui signifie partager, diviser.

La seule expression bretonne que j’aie rencontrée dans le peuple et qui semble rappeler le druidisme est celle de Escop derw, Évêque de chêne, ou du chêne. Elle est assez répandue dans le pays de Tréguier, mais on n’a jamais pu m’en donner une explication satisfaisante ; le sens véritable s’en est perdu.

La version du Barzaz-Breiz contient le mot Drouiz, traduit par Druide, et qui suffirait pour donner à la pièce une date très reculée et une importance que je ne lui crois pas. Je n’ai jamais rencontré chez nos paysans bretons le mot Drouiz, ni dans leurs chansons, ni dans leurs contes, et M. de Penguern lui-même n’a pas été plus heureux que moi, sous ce rapport.

Le Gousperou ar Râned est très répandu dans toute la Bretagne bretonnante, mais principalement en Tréguier et en Cornouaille. J’en ai recueilli une vingtaine de versions, un peu de tous les côtés, et presque toutes elles présentent des variantes, souvent locales, mais sans apporter aucune lumière a l’intelligence de la pièce.

Voici quelques-unes de ces variantes :


I

1.
Cân, cân, Killore.
Chante, chante, Killoré.

2.
Càn, rân.
Chante, grenouille.

1.
Petra ganin-me dide ?
Que te chanterai-je?

(Version de Plouaret)

2.
Joaïc gwenn Gillore,
Joaïc, petra faot dide ?

Joaïc (?) blanc Gilloré,
Joaïc, que te faut-il ?

Eur ganaouen diganide.
Petra ganin-me dide ?
Ar gaera dimeus a eur ran.

Une chanson de toi.
Que te chanterai-je ?
Le plus beau de un ran (?)

(Version de Scaër.)

3.
Groac’hic wenn a c’huillere.
Chaouic, petra faot dide ?

Petite vieille blanche a c’huillere (?)
Chaouic (?) que te faut-il ?

(Version de St-Thurien.)

4.
Eur pez arch’ant da vari.
Tremenidi lavar d’in.
Me n’oun met eur ranic.

Une pièce d’argent à Marie.
Passants(?) dites-moi,
Moi je ne suis qu’une grenouillette.

(Version de Plouaret.)

II

1.
Daou bez arc’hant da vari.
Deux pièces d’argent à Marie.

Les nombres un et deux manquent dans la plupart des versions.


III

1.
Tribut arc’hant da vari,
Perc’hen da dri vab Herri.

Tribut d’argent à Marie,
Qui possède trois fils Henri,

(Version de Prat.)

2.
Ter rouantelès Marzinn,
C’hoari war ann tri minn.

Les trois royautés de Merlin,
Jouant sur les trois pierres (?)

(Version de Scaër.)

3.
Ter rouanès er mendi, (er merdi ?)
O c’hoari, o fredoni,
Bizou arc’hant gant peb-hini,
Ha marc’hic cam da c’hoari.

Trois reines, dans le palais (?)
Jouant, fredonnant (chantant),
Anneaux d’argent avec chacune
Et petit cheval boiteux, pour jouer.

(Version de Pluzunet.)

Tri c’hi duf,
O tont euz ar Poulduf.

Trois chiens noirs,
Revenant du Pouldu.

(Version de Melgven.)

IV

1.
Peder c’hazès
O tont a Raguenès ;
Peder mugères en eun ti,
Mab gant peb-hini ;
Bet è mad ar pesked,
Da reï d’ar màgerezed ;
Pevar c’hloarec,
O canan euz ar Vadec (?)

Quatre chattes,
Revenant de Raguenès ;[3]
Quatre nourrices dans une maison,
Fils avec chacune ;
Il a été bon, le poisson[4],
Pour donner aux nourrices ;
Quatre clercs,
Chantant au Vadec (?)

(Version de Melgven.)

2.
Pevar a houidi,
O canan ann essaudi (?)

Quatre canards,
Chantant l’exaudi.

(Version de Penguern.)

Pevar min igolinn,
O c’hoari vyar ann tri minn.

Quatre pierres à aiguiser,
Jouant sur les trois pierres. (?)

(Version de Scaër.)


V

1.
Pemp buc’h duf, sec’h true,
O tremen douar Doue ;
Bug ha clem a-baoue.


Cinq vaches noires, maigres à faire pitié,
Traversant la terre de Dieu,
Depuis, beuglements et gémissements.

(Version de Penguern.)


2.
Pemp buc’h duf, me hen goar,
O listreï dcus ar foar.

Cinq vaches noires, je le sais,
Revenant de la foire.

(Version de Prat.)


2.
Pemp pez war ann enoarf (?).
Eun tol-mean digant he c’hoar.

Cinq pièces sur...
Un coup de pied de sa soeur,

(Version de Scaër.)


3.
Pemp bioc’h duf mouar
Mont d’ar menez, ’raoc ar foar.

Cinq vaches noires comme mûre,
Allant à la montagne, avant la foire.

(Version d’Elliant.)


VI

1.
C’huec’h dez ha c’huec’h loar,
C’huec’h mabic grét en coar.[5]

Six jours et six lunes,
Six petits fils faits de cire.

(Version de Scaër.)

VII

1.
Seiz dez euz a seiz loar,
Seiz breur euz a seiz c’hoar.

Sept jours de sept lunes,
Sept frères de sept soeurs.

(Version de Penguern.)

Partout ailleurs, c’est : seiz dez ha seiz loar.

VIII

1.
Eiz groac’h war al leur,
O torna piz, o torna cleur.

Six vieilles[6] sur l’aire,
Battant des pois, battant des pampres.

(Version de Penguern.)


2.
Eiz eujeun ha million,
Oc’h arad war ann andon,
Gant ar remission (?)

Huit boeufs et un million,
Labourant sur le sillon,
Avec . . . . . . .

(Version de Scaër,)


IX

1.
Nao bèlec armet,
O tond euz ann novet,
Na bâdfe den ho sellet ;


Neuf druides (?) armés,
Revenant de la neuvaine.
Nul n’oserait les regarder.

(Version de Penguern).


2.
Eur vouiz hac he nao forial,
O tond euz ho geval (?) (gerwal)
Sorial, disorial,
Da dal dor ar c’hastal.

Une truie et ses neuf pourceaux,
Venant (la truie) les appeler,
Près de la porte du château.

(Version de Scaër.)


3.
Nao mab barnet,
O retorn euz ann Naonet etc....

Neuf fils jugés (condamnés)
Revenant de Nantes etc....

(Version de Morlaix.)


X

1.
Dec lestrad gwinn afelet (avelet?)
O tonet euz ann Naonet,
Ma vigeac’h bet o welet,
E vigeac’h saouezet.

Dix navires remplis de vin (éventé ?)
Venant de Nantes,
Si vous les aviez vus,
Vous seriez étonné.

(Version de Scaër.)


XI

1.
Eunnec manac’h armet,
Bigoaled da der groec,
Gant ho rochedo goadet.


Onze moines armés,
Enfants de trois femmes,
Avec leurs chemises sanglantes.

(Version de Scaër.)


Ourc’hal ha diourc’hal,
Eunnec gouiz hac hi hanval,
O vonet d’ann tourc’hal.

Grognant et regrognant,
Onze truies semblables
Allant à l’accouplement.

(Version de Penguern.)


3.
Ourc’hel, disourc’hel,
Indan ar wenii avel,
Eunnec gouiz, hac hi hanvel,
O retorn euz ann tourc’hel.

Grognant, regrognant,
Sous le pommier,
Onze truies semblables,
Revenant de l’accouplement.

(Version de Kerambrun, Prat.)


XII

1.
Daouazec cleze mignon :
Tifreusin ar pignon,
Ken munut ha brignon,

Douze épées amies (?)
Démolissant le pignon,
Aussi menu que son.

(Version de Penguern.)


2.
Daouzec cleze mignon,
O scuba d’id da bignon, etc..

Douze épées mignonnes
Te nettoyant ton pignon etc....

(Version de Plouaret.)

3.
Daouzec eleze mignon
O treuzi d’in ma fignon,
Ken munut ha brignon ;
Eur c’hleze gwenn a oa dirennet,
Ma savas ar rân d’he fenn.
Eur velc’houeden croguennec.

Douze épées mignonnes,
Traversant mon pignon,
Aussi menu que son.
Une épée blanche était garnie d’acier,
La grenouille s’éleva jusqu’à son extrémité...
Un limaçon à coquille...

(Version de Pluzunet.)


J’ai cité souvent la version de M. de Penguern. Cette pièce, publiés dans les Mémoires de la Société Archéologique et Historique des Côtes-du-Nord, année 1866, page 54, a été composée a l’aide de nombreuses versions recueillies par M. de Penguern, dans diverses localités, et qu’il a réunies et condensées en une seule version. « Dans le vain espoir, dit-il, de compléter ce chant, dont tous nos Trécorrois savent quelques vers, nous en avons recueilli plus de trente versions. » Sa conclusion est la même que la nôtre, c’est-à-dire que toutes ses recherches n’ont pas abouti à lui procurer une version intelligible, et où l’on puisse entrevoir une exposition quelconque des doctrines druidiques. On sent pourtant qu’il en eût été heureux, à le voir traduire groac’h par druidesse et bélec par druide ; mais, son honnêteté et sa sincérité bien connues ne lui ont pas permis d’aller plus loin, sur cette pente.

Il est bien possible que celle pièce, bizarre et énigmatique, ait eu, à l’origine, un autre objet que celui d’un exercice de mnémotechnie, mais on ne sait à quelle époque la faire remonter, et on n’a même aucune preuve qu’elle soit bien ancienne. Quant à l’attribuer à l’enseignement druidique, rien absolument ne nous y autorise, et je crois qu’il y faut renoncer complètement.

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  1. 1 Qu’est-ce que Killoré et qu’est-ce que Jolie ?
  2. 1. Mendi est probablement pour Mardi, Meurdi, grande maison, palais.
  3. 1 Raguenès, petite île sur la côte, vis-à-vis de la commune de Nevez.
  4. 2 C’est-à-dire : la pêche a été bonne.
  5. 1 Partout ailleurs, c’est invariablement : c’huec’h breur, c’huec’h
    c’hoar ; — six frères, six soeurs.
  6. 1 M. de Penguern traduit ici groac’h par druidesse, comme, dans le
    couplet suivant, bélec, par druide, mais c’est à tort, croyons-nous ;
    groac’h signifie vieille femme, ou fée, et bélec, prêtre, simplement.