Chansons populaires de la Basse-Bretagne/Le tailleur attrapé
Une chanson divertissante, qui a été levée cette année ;
Qui est faite à un jeune tailleur,
Lequel était bien friand.
Il a été attrapé par sa maîtresse, pendant qu’il lui faisait la cour.
Cette fille-ci était proprette, pour une fille en condition,
Elle s’attifait à ravir, en sorte qu’elle plaisait excellemment à tous,
Et au jeune tailleur tout particulièrement.
Elle ne pouvait vaquer à aucune affaire, sans qu’il fût sur ses pas,
L’importunant. Un jour, il lui dit :
— Je voudrais, ma maîtresse, pouvoir vous débaucher,
Coucher avec vous une nuit, puisque je ne l’ai jamais fait.
Je vous donnerai un habit, quatre pistoles en plus,
Ma douce, mon amour, en argent blanc. »
La fille disait, sans se fâcher :
— « Paroles d’homme sont fragiles, je ne puis m’y fier.
Si je tenais l’habit et aussi l’argent,
Alors, nous ferions affaire, jeune petit tailleur...
Entre dix et onze heures nous irons nous coucher ;
Les portes seront closes, vous ne pourrez entrer,
Mais, je trouverai moyen
De vous hisser, à l’aide d’une corde ;
Mon lit se trouve fort haut,
Au quatrième étage. »
Alors, va le tailleur, tout joyeux, en ville,
Pour acheter un habit de la plus belle étoffe.
Quand l’habit est acheté,
Dans une serviette il est empaqueté,
Avec les quatre pistoles,
Tant (le tailleur) pense être sûr de son coup.
Entre dix et onze heures,
Se trouve (au rendez-vous) le tailleur ;
Sa maîtresse, à la fenêtre,
Pour l’attendre, est restée.
— Or ça, donc mon doux (ami), dit-elle, il faudra dévêtir
Vos habits, tout d’abord,
Afin que vous soyez (plus) léger. »
(Il ôte) son justaucorps, son pantalon
Sa chaussure et ses bas,
Et les met dans le panier.
La fille les monte prestement en l’air.
Puis elle le hisse avec grand’peine,
Jusqu’au troisième étage.
— « Mes mains sont engourdies,
Je ne puis tirer davantage.
Si tu ne peux grimper,
C’est toi qui en seras pis. »
Et la voilà d’attacher la corde
A la barre de la fenêtre.
La fenêtre ensuite elle ferma.
Le tailleur reste, tout nu,
Passe la nuit, suspendu,
En chemise, dans le panier,
A embrasser la muraille.
Il était pincé, le tailleur !
Le lendemain matin,
Elle détacha le panier et lui rendit la liberté.
Or, il avait à passer
Par la rue des bouchers ;
Peu s’en fallut que le pauvre homme à nu
Ne fût dévoré par les chiens !