Chansons populaires de la Basse-Bretagne/La femme du tanneur
Autrefois, il y a eu un temps,
Où j’aimais la paroisse de Quimper ;
Où je l’aimais fidèlement,
Parce que j’y avais une maîtresse jolie.
En m’en revenant de Morlaix,
J’ai entendu parler de ma maîtresse ;
J’ai entendu quelqu’un dire :
— La maîtresse de cet homme est mariée ;
Elle est mariée, sa maîtresse jolie,
A un tanneur de Guingamp[1].
Et moi aussitôt de dire
Que j’irais à Guingamp, la voir ;
De dire que j’irais à Guingamp
Voir ma douce jolie...
Quand je fus sur les pavés de Guingamp,
Je vis ma maîtresse dans sa chambre ;
Je vis ma maîtresse dans sa chambre,
Devant elle un miroir ardent.
Et moi de lui dire
Que je n’irais pas dans sa chambre l’entretenir ;
Que si elle voulait descendre sur le pavé,
Je l’entretiendrais, sans délai...
— Ma maîtresse, dites-moi,
Si elle est vraie, la nouvelle que j’ai entendue ?
Si elle est vraie, la nouvelle que j’ai entendue,
S’il est vrai que vous êtes mariée ?
S’il est vrai que vous êtes mariée,
Ma bague, vous me la rendrez,
Car l’argent, l’or jaune
Ne siéent pas à une femme de tanneur.
— Jeune clerc, excusez-moi,
C’est un gentilhomme que j’ai épousé.
— Fût-il gentilhomme et noble,
Sa loge est sur le bord du rivage ;
Sa loge est sur le bord de la rivière,
Toute semblable à celle d’un tanneur.
... La jeune femme disait,
Chez elle, à sa mère, quand elle arrivait ;
— Dame Marie du Folgoat !
Comment mon cœur pourra-t-il résister ?
Comment mon cœur pourra-t-il résister,
A respirer l’odeur de cuir qu’exhalent ses habits ?
— Taisez-vous, ma fille, ne pleurez pas,
Il possède de l’or, celui que vous avez épousé ;
Il possède de l’or et de l’argent,
Et le clerc n’est que joli (garçon) !
... — Le tanneur est parti pour Tréguier,
Je souhaiterais que jamais il ne revînt à la maison !
Elle n’avait pas fini de parler,
Qu’une lettre en sa main a été remise ;
Qu’on lui a remis une lettre, chez elle,
Pour annoncer la mort du tanneur.
... Le jeune clerc disait,
Dans sa chambre d’étude, certain jour :
— Quelque chose de nouveau est survenu ;
Trois feuilles dans mon livre ont pourri ;
Trois feuilles sont tombées à terre,
Elle est devenue veuve, celle qui m’aime !
Allons à Guingamp l’épouser,
Elle est devenue veuve, celle qui me plait !
- ↑ Voilà un pauvre clerc
Dont la maîtresse est mariée ;
Voilà un jeune clerc
Dont la maîtresse jolie est mariée ;
Dont la maîtresse jolie est mariée
A un tanneur de Guingamp