Chansons de Béranger publiées en 1847/Baptême de Voltaire

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Chansons de Béranger publiées en 1847
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BAPTÊME DE VOLTAIRE[1]


Air : Les cloches du monastère. (Air noté )


La foule encombre l’église ;
Les prêtres sont en émoi :
C’est un garçon qu’on baptise,
Fils d’un trésorier du roi.
Le curé court en personne
Dire au bedeau : Sonne ! sonne !
            Dig don ! dig don !

Que n’avons-nous un bourdon !
            Dig don ! dig don !
                    Dig don !

bis.

 
Le curé parle au vicaire :
Ce baptême nous fera
Redorer croix, reliquaire,
Ostensoirs, et cætera.
Même il se peut que j’accroche
De l’argent pour une cloche.
            Dig don ! dig don !
Que n’avons-nous un bourdon !
            Dig don ! dig don !
                    Dig don !

Ah ! crie un chantre, j’espère
Que, nous livrant son cellier,
Cet enfant comme son père
Un jour sera marguillier.
Qu’à son nom l’honneur s’attache
D’un gros marguillier sans tache.
            Dig don ! dig don !
Que n’avons-nous un bourdon !
            Dig don ! dig don !
                    Dig don !

À la marraine un beau prêtre
Dit tout bas : Les jolis yeux !
Madame, vous devez être
Un ange envoyé des cieux.
L’enfant qu’un ange patronne
Est un saint que Dieu nous donne.
            Dig don ! dig don !
Que n’avons-nous un bourdon !
            Dig don ! dig don !
                    Dig don !

De sa mère, ajoute un diacre,
Ce fils aura tout l’esprit.
Qu’à la chaire il se consacre :
Il vengera Jésus-Christ.
Qui sait ? à sa voix peut-être
Plus d’un bûcher doit renaître.
            Dig don ! dig don !
Que n’avons-nous un bourdon !
            Dig don ! dig don !
                    Dig don !


Mais du ciel tombe un fantôme !
C’est Rabelais, grand moqueur,
Qui leur dit : Dans ce vieux tome
J’ai chanté jadis au chœur.
Sur cet enfant qu’on baptise
Dieu veut que je prophétise.
            Dig don ! dig don !
Que n’avons-nous un bourdon !
            Dig don ! dig don !
                    Dig don !

Nous nommons François-Marie
Ce garçon, dit le parrain.
Le fantôme se récrie :
De tels noms ne lui vont brin.
La Gloire, à son baptistère,
Lui donnera nom Voltaire.
            Dig don ! dig don !
Que n’avons-nous un bourdon !
            Dig don ! dig don !
                    Dig don !

Dans ce marmot, tête énorme,
Germe un puissant écrivain
Qui doit, en fait de réforme,
Passer Luther et Calvin.
Sots préjugés, il vous sape.
Gare à vous, monsieur du pape !
            Dig don ! dig don !
Que n’avons-nous un bourdon !
            Dig don ! dig don !
                    Dig don !

Ce Rabelais, qu’on l’arrête !
Dit le curé s’échauffant.
Pour nous un dîner s’apprête
Chez le père de l’enfant ;
De cadeaux il nous accable :
Baptisons, fût-ce le diable !
            Dig don ! dig don !
Que n’avons-nous un bourdon !
            Dig don ! dig don !
                    Dig don !

Le fantôme, qui s’envole,
Crie aux prêtres : Avant peu,
Voltaire, encore à l’école,
En jouant y met le feu.
Ce feu chez vous va s’étendre :
Aux cloches il faut vous pendre.
            Dig don ! dig don !
Que n’avons-nous un bourdon !
            Dig don ! dig don !
                    Dig don !



  1. Voltaire, né en février 1694, était d’apparence si frêle qu’on se contenta de l’ondoyer en famille. Son baptême n’eut lieu qu’en novembre de la même année, à Saint-André des Arts. Son père, notaire d’abord, devint trésorierde la cour des comptes.



Air noté dans Musique des chansons de Béranger :


BAPTÊME DE VOLTAIRE.

Air : Les cloches du monastère.
No 320.



\relative c'' {
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    \tempo 4 = 120
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e d cis b | a4 a8 a | cis a a a 
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\addlyrics {
La foule en -- com -- bre l’é -- gli -- "se ;"
Les prê -- tres sont en é -- "moi :"
C’est un gar -- çon qu’on bap -- ti -- se
Fils d’un tré -- so -- rier du roi.
Le cu -- ré court en per -- son -- ne
Dire au be -- "deau :" son -- "ne !" son -- "ne !"
Dig "don !" dig "don !" dig "don !" dig "don !"
Que n’a -- vons- nous un bour -- "don !"
Dig "don !" dig -- "don !"
Que n’a -- vons- nous un bour -- "don !"
Dig "don !" dig "don !" dig -- "don !"
}

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