Chanson pour Gabrielle d’Estrées

La Chanson française du XVe au XXe siècle, Texte établi par Jean GillequinLa Renaissance du livre (p. 75-76).


CHANSON POUR GABRIELLE D’ESTRÉES

1596


    Charmante Gabrielle,
    Percé de mille dards,
    Quand la gloire m’appelle
    A la suite de Mars,
    Cruelle départie,
        Malheureux jour,
    Que ne suis-je sans vie
        Ou sans amour !

Bel astre, faut-il que je vous quitte !
    O cruel souvenir !
    Ma douleur s’en irrite ;
    Vous revoir ou mourir.
    Cruelle départie, etc..

    Je veux que mes trompettes,
    Mes fifres, les échos
    Incessamment répètent
Ces tendres et tristes mots :
    Cruelle départie, etc.

    L’amour, sans nulle peine,
    M’a par vos doux regards,
    Comme un grand capitaine,
    Mis sous ses étendards.
    Cruelle départie, etc.

    Si votre nom célèbre
    Sur mes drapeaux brillait,
    Jusques aux bords de l’Èbre
    L’Espagne me craindrait.
    Cruelle départie, etc.


    Partagez ma couronne,
    Le prix de ma valeur ;
    Je la tiens de Bellonne,
    Tenez-la de mon cœur.
    Moment digne d’envie,
        Heureux retour,
    C’est trop peu de ma vie
    Pour tant d’amour.

    Je n’ai pu dans la guerre
    Qu’un royaume gagner ;
    Mais sur toute la terre
    Vos yeux doivent régner.
    Moment digne d’envie,
        Heureux retour,
    C’est trop peu d’une vie
    Pour tant d’amour.

(Attribuée à Henri IV.)