Cham - Albums du Charivari/Le Corps législatif pour rire
Arago dans la salle du Corps législatif.
LA CHAMBRE DANS SIX MOIS.
Rochefort ayant fait blanchir toutes les têtes de la droite. |
— Quel cauchemar ! J’ai cru que c’était plus amusant que ça d’être député ! Voilà deux heures qu’il s’occupe à embrouiller mes idées. |
— Toujours à me donner des galops. Si j’étais à la Chambre, il n’y a pas de danger ! La parole lui manque quand il est là-dedans ! |
— Je dîne ici, je couche ici ; je ne sors pas qu’on n’ait validé mon élection ! On n’aurait qu’à ne pas me laisser rentrer. |
— Depuis quand dans votre cave ? — Parbleu ! depuis la nomination de Rochefort. |
— Vous qu’êtes député, quand les séances sont orageuses, ça vous fait-il comme pour les orages ordinaires : vos cors vous font ils souffrir avant ? |
— J’y monterais bien à cette tribune si une fois la-haut on n’était pas obligé de faire un discours. |
À force de les tourmenter, Rochefort pousse tous les présidents de la Chambre à se suicider. |
FORMATION DES BUREAUX.
— On m’a mis de ce bureau. Est-ce que je ne pourrais pas avoir ma femme avec moi ? Je ne prends jamais une décision sans elle ? |
— Mon ami, je suis ici avec une amie ; je t’en prie, va t’asseoir au banc des ministres, ça flattera mon amour-propre. |
DANS UNE TRIBUNE PUBLIQUE.
— Tu connais M. Thiers ? Demande-lui donc s’il ne voudrait pas monter à la tribune nous dire quelques petites choses. |
— Vous ne laisserez pas entrer les idées subversives ni les passions aveugles. — Je les reconnaîtrai au caniche ! |
— Chère amie, calme-toi ; écoutons ce que va dire M. Jules Simon. — Le cordonnier de 93 ? Jamais ! |
— Ah ! sapristi ! je me suis trompé ! J’ai cru mettre mon discours dans ma poche, c’est un devis de mon tapissier. |
M. Raspail finissant par siéger dans sa voiture, ne trouvant aucun banc en rapport avec ses opinions. |
— Messieurs, excusez-moi, mais je demeure si loin et je n’ai pas trouvé de voiture. |
— Mais c’est ma sonnette ! — Ça ne fait rien, monsieur le président, l’honneur de trinquer avec vous |
Ils mordent bien ; seulement ils ne tiennent pas. |
— Mon ami, tu votes demain à la Chambre, viens exercer ta voix. |
— Alphonse, mouche-toi, on ne t’entend plus. |
— Allons, parlez.
— Pardon, monsieur le président, je ne savais pas que c’était la tribune ; j’ai vu un verre d’eau sucrée, j’ai cru que c’était le buffet. |
— Mon bon monsieur Glais-Bizoin, tantôt vous me donnez, tantôt vous ne me donnez pas.
— Je suis l’homme des interruptions ! |
Au moment où la France a les yeux sur vous, s’apercevoir qu’on a oublié son mouchoir de poche ! |
— Diable de tribune, je ne peux jamais arriver jusqu’en haut. Voilà la colique qui me prend ! |
D’anciens amis de son père venant dans la tribune publique applaudir aux discours d’Emmanuel Arago. |
— Déjà de retour de la Chambre ? — Je me suis trompé de costume. J’ai commandé sans m’en douter celui des huissiers, le seul que j’eusse remarqué ! |
Demandant à parler ainsi pour prouver qu’il est à cheval sur la question. |
— Tu emporte ton microscope à la Chambre ? — Je voudrais voir parler M. Thiers. |
Profite du verre d’eau sucré pour rafraîchir ses idées qui commencent s’embrouiller. |
ROCHEFORT ENTRANT À LA CHAMBRE.
— C’est pas le tout de quitter votre chapeau, faut aussi que vous ôtiez votre bonnet à poil ! |
— Messieurs, mon mari est indisposé, mais il m’a raconté si souvent son discours que je vais vous le dire. |
Les candidats faisant désormais battre le rastel pour convoquer leurs électeurs. |
INDISCRÉTION.
— Mais interrompez donc ! — Madame, voulez-vous me laisser tranquille ; je ne vous connais pas ! |
Toutes les dames déposant leurs manchons à côté de M. Raspail, les émanations de camphre étant favorables à la fourrure. |
POUR DISTRAIRE LA CHAMBRE.
La tribune agrémentée d’un dynamomètre à l’usage des orateurs qui frappent en parlant. |
— Mon ami, fais-le taire ; il y a de quoi devenir sourd. — C’est drôle ! depuis que je fais partie de la Chambre je n’entends plus rien ! |
— Monsieur le président, je viens vous souhaiter la bonne année ! — À trois heures du matin ! interrompre même mon sommeil ! |
— Mon ami, un jour de l’an faut bien recevoir des visites. — Je suis député. Chaque fois que j’entends la sonnette, il me semble qu’on me rappelle à l’ordre. |
— Quel cauchemar d’être député ! Encore un couteau de bois qu’on m’apporte pour mes étrennes ! |
— Permettez que je lui offre un verre d’eau pour ses étrennes. — Du tout ; s’il a soif, je veux qu’il monte à la tribune. |
— J’hérite. Paraît que tout est maintenant là-dedans ! C’est à moi à l’en faire sortir. |
Souvenirs et regrets. |
— Il n’aurait pas oublié un bureau de tabac en s’en allant ? |
— Ne fais donc pas aller ton pantin toute la journée devant ton papa ; s’il allait avoir ces gestes-là à la tribune ! |
DÉMÉNAGEMENT DE JANVIER.
— En v’la un aplomb ! Faire son ministre ! |
— Ne se plaignant jamais d’un changement de ministère au mois de janvier. |
— T’es député ? Eh bien, il me va assez ton régime parlementaire. |
NOUVEAU RÈGLEMENT.
L’orateur n’ayant pas tenu compte du troisième coup de sonnette. |
— Trois francs un verre d’eau sucrée ! — Il a augmenté de valeur depuis le régime parlementaire ; on en boira tant à la tribune ! |
Bien faire cirer l’escalier le jour où un orateur de l’opposition doit prendre la parole. |
Complètement rajeunis par le retour au régime parlementaire. |
— En bas la salle des Pas-Perdus. Et ici ? — La salle des paroles perdues. |
Dressant les cheveux de sa perruque pour la mettre en rapport avec l’état des esprits. |
La caricature obligée de tourner le dos à l’horizon pour retrouver son rire. |
Parait qu’il n’y fait pas bon pour lui dans ce cabinet ! |
— Vous avez un cabinet ? — Voilà ! — Je suis difficile, vous savez ! |
À LA TRIBUNE.
— Oh ! pardon ! je n’avais pas vu qu’il y avait quelqu’un ! |
— Imbécile, je t’avais bien recommandé de ne pas mettre de fève dans celui-là ; c’est pour un député de la gauche. |
— Je suis roi ! — Ah ! mon ami, quel gouvernement peu représentatif ! |
— C’est le bonbon de cette année, l’irréconciliable. — Ah ! sapristi ! depuis que j’y ai goûté quelle colique ! — Oui, monsieur, il refuse de s’entendre avec l’estomac ! |