Cham - Albums du Charivari/Le Corps législatif pour rire

Journal le charivari (4p. 165--).


POUR RIRE
ALBUM
DE 60 CARICATURES

PAR
CHAM
Les premiers éclats de voix de M. Emmanuel
Arago dans la salle du Corps législatif.

PARIS
ARNAULD DE VRESSE, ÉDITEUR
55, RUE DE RIVOLI, 55
LA CHAMBRE DANS SIX MOIS.

Rochefort ayant fait blanchir toutes les têtes de la droite.

— Quel cauchemar ! J’ai cru que c’était plus amusant que ça d’être député ! Voilà deux heures qu’il s’occupe à embrouiller mes idées.

— Toujours à me donner des galops. Si j’étais à la Chambre, il n’y a pas de danger ! La parole lui manque quand il est là-dedans !

— Je dîne ici, je couche ici ; je ne sors pas qu’on n’ait validé mon élection ! On n’aurait qu’à ne pas me laisser rentrer.

— Depuis quand dans votre cave ?

— Parbleu ! depuis la nomination de Rochefort.

— Vous qu’êtes député, quand les séances sont orageuses, ça vous fait-il comme pour les orages ordinaires : vos cors vous font ils souffrir avant ?

— J’y monterais bien à cette tribune si une fois la-haut on n’était pas obligé de faire un discours.

À force de les tourmenter, Rochefort pousse tous les présidents de la Chambre à se suicider.

FORMATION DES BUREAUX.

— On m’a mis de ce bureau. Est-ce que je ne pourrais pas avoir ma femme avec moi ? Je ne prends jamais une décision sans elle ?

— Mon ami, je suis ici avec une amie ; je t’en prie, va t’asseoir au banc des ministres, ça flattera mon amour-propre.

DANS UNE TRIBUNE PUBLIQUE.

— Tu connais M. Thiers ? Demande-lui donc s’il ne voudrait pas monter à la tribune nous dire quelques petites choses.

— Vous ne laisserez pas entrer les idées subversives ni les passions aveugles.

— Je les reconnaîtrai au caniche !

— Chère amie, calme-toi ; écoutons ce que va dire M. Jules Simon.

— Le cordonnier de 93 ? Jamais !

— Ah ! sapristi ! je me suis trompé ! J’ai cru mettre mon discours dans ma poche, c’est un devis de mon tapissier.

M. Raspail finissant par siéger dans sa voiture, ne trouvant aucun banc en rapport avec ses opinions.

— Messieurs, excusez-moi, mais je demeure si loin et je n’ai pas trouvé de voiture.

— Mais c’est ma sonnette !

— Ça ne fait rien, monsieur le président, l’honneur de trinquer avec vous

Ils mordent bien ; seulement ils ne tiennent pas.

— Mon ami, tu votes demain à la Chambre, viens exercer ta voix.

— Alphonse, mouche-toi, on ne t’entend plus.

— Allons, parlez.

— Pardon, monsieur le président, je ne savais pas que c’était la tribune ; j’ai vu un verre d’eau sucrée, j’ai cru que c’était le buffet.

— Mon bon monsieur Glais-Bizoin, tantôt vous me donnez, tantôt vous ne me donnez pas.

— Je suis l’homme des interruptions !

Au moment où la France a les yeux sur vous, s’apercevoir qu’on a oublié son mouchoir de poche !

— Diable de tribune, je ne peux jamais arriver jusqu’en haut. Voilà la colique qui me prend !

D’anciens amis de son père venant dans la tribune publique applaudir aux discours d’Emmanuel Arago.

— Déjà de retour de la Chambre ?

— Je me suis trompé de costume. J’ai commandé sans m’en douter celui des huissiers, le seul que j’eusse remarqué !

Demandant à parler ainsi pour prouver qu’il est à cheval sur la question.

— Tu emporte ton microscope à la Chambre ?

— Je voudrais voir parler M. Thiers.

Profite du verre d’eau sucré pour rafraîchir ses idées qui commencent s’embrouiller.

ROCHEFORT ENTRANT À LA CHAMBRE.

— C’est pas le tout de quitter votre chapeau, faut aussi que vous ôtiez votre bonnet à poil !

— Messieurs, mon mari est indisposé, mais il m’a raconté si souvent son discours que je vais vous le dire.

Les candidats faisant désormais battre le rastel pour convoquer leurs électeurs.

INDISCRÉTION.

— Mais interrompez donc !

— Madame, voulez-vous me laisser tranquille ; je ne vous connais pas !

Toutes les dames déposant leurs manchons à côté de M. Raspail, les émanations de camphre étant favorables à la fourrure.

POUR DISTRAIRE LA CHAMBRE.

La tribune agrémentée d’un dynamomètre à l’usage des orateurs qui frappent en parlant.

— Mon ami, fais-le taire ; il y a de quoi devenir sourd.

— C’est drôle ! depuis que je fais partie de la Chambre je n’entends plus rien !

— Monsieur le président, je viens vous souhaiter la bonne année !

— À trois heures du matin ! interrompre même mon sommeil !

— Mon ami, un jour de l’an faut bien recevoir des visites.

— Je suis député. Chaque fois que j’entends la sonnette, il me semble qu’on me rappelle à l’ordre.

— Quel cauchemar d’être député ! Encore un couteau de bois qu’on m’apporte pour mes étrennes !

— Permettez que je lui offre un verre d’eau pour ses étrennes.

— Du tout ; s’il a soif, je veux qu’il monte à la tribune.

— J’hérite. Paraît que tout est maintenant là-dedans ! C’est à moi à l’en faire sortir.

Souvenirs et regrets.

— Il n’aurait pas oublié un bureau de tabac en s’en allant ?

— Ne fais donc pas aller ton pantin toute la journée devant ton papa ; s’il allait avoir ces gestes-là à la tribune !

DÉMÉNAGEMENT DE JANVIER.

— En v’la un aplomb ! Faire son ministre !

— Ne se plaignant jamais d’un changement de ministère au mois de janvier.

— T’es député ? Eh bien, il me va assez ton régime parlementaire.

NOUVEAU RÈGLEMENT.

L’orateur n’ayant pas tenu compte du troisième coup de sonnette.

— Trois francs un verre d’eau sucrée !

— Il a augmenté de valeur depuis le régime parlementaire ; on en boira tant à la tribune !

Bien faire cirer l’escalier le jour où un orateur de l’opposition doit prendre la parole.

Complètement rajeunis par le retour au régime parlementaire.

— En bas la salle des Pas-Perdus. Et ici ?

— La salle des paroles perdues.

Dressant les cheveux de sa perruque pour la mettre en rapport avec l’état des esprits.

La caricature obligée de tourner le dos à l’horizon pour retrouver son rire.

Parait qu’il n’y fait pas bon pour lui dans ce cabinet !

— Vous avez un cabinet ?

— Voilà !

— Je suis difficile, vous savez !

À LA TRIBUNE.

— Oh ! pardon ! je n’avais pas vu qu’il y avait quelqu’un !

— Imbécile, je t’avais bien recommandé de ne pas mettre de fève dans celui-là ; c’est pour un député de la gauche.

— Je suis roi !

— Ah ! mon ami, quel gouvernement peu représentatif !

— C’est le bonbon de cette année, l’irréconciliable.

— Ah ! sapristi ! depuis que j’y ai goûté quelle colique !

— Oui, monsieur, il refuse de s’entendre avec l’estomac !