Cendres et Poussières (1902)/Ressemblance inquiétante

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Cendres et PoussièresAlphonse Lemerre. (p. 63-64).

RESSEMBLANCE INQUIÉTANTE


J’ai vu dans ton front bas le charme du serpent.
Tes lèvres ont humé le sang d’une blessure,
Et quelque chose en moi s’écœure et se repent,
Lorsque ton froid baiser me darde sa morsure.

Un regard de vipère est dans tes yeux mi-clos,
Et ta tête furtive et plate se redresse
Plus menaçante après la langueur du repos.
J’ai senti le venin au fond de ta caresse.


Pendant les jours d’hiver énervés et frileux,
Tu rêves aux tiédeurs des profondes vallées,
Et l’on songe, en voyant ton long corps onduleux,
À des écailles d’or lentement déroulées.

Je te hais, mais ta souple et splendide beauté
Me prend et me fascine et m’attire sans cesse,
Et mon cœur, plein d’effroi devant ta cruauté.
Te méprise et t’adore, ô Reptile et Déesse !