Catéchisme Libertin



Demande.

Qu’est-ce qu’une putain ?

Réponse.

C’est une fille qui, ayant secoué toute pudeur, ne rougit plus de se livrer avec les hommes aux plaisirs sensuels et charnels.

Demande.

Quelles qualités doit avoir une putain ?

Réponse.

Trois qualités essentielles.

Demande.

Quelles sont ces qualités ?

Réponse.

L’effronterie, la complaisance et la métamorphose.

Demande.

Qu’entendez-vous par l’effronterie ?

Réponse.

J’entends qu’une fille qui se dévoue à ce commerce libidineux ne doit avoir honte de rien : toutes les parties de son corps doivent être pour les hommes ce qu’elles seraient pour elle-même en particulier ; c’est-à-dire que ses tétons, sa motte, son cul, doivent lui être aussi indifférents auprès de l’homme inconnu qu’elle amuse, que l’est à l’égard d’une femme honnête la paume de sa main qu’elle ne rougit pas de montrer.

Demande.

Qu’est-ce que la complaisance dans une putain ?

Réponse.

C’est une amorce par laquelle elle sait adroitement conserver l’homme passager, faisant usage de sa douceur naturelle, se prêtant librement aux différents désirs de l’homme ; par ce moyen elle le retient comme dans des filets, et l’oblige, malgré lui, à retourner une autre fois vers l’objet qui a si bien secondé sa passion momentanée.

Demande.

Qu’entendez-vous par la métamorphose ?

Réponse.

J’entends qu’une vraie putain, renfermée dans les ressources de son art doit être comme un Protée, savoir prendre toutes les formes, varier les attitudes du plaisir, suivant le temps, les circonstances et la nature des tempéraments. Une putain recordée et aguerrie doit faire une étude particulière de ces différentes variations qui procurent ordinairement le plaisir aux hommes ; car il y a de la différence entre amuser un homme froid, un blondin, ou un homme poilu et brun ; entre exciter une jeune barbe ou un vieillard sensuel : la nature, plus impérieuse chez les uns et plus modérée chez les autres, exige par conséquent des titillations différentes, des situations plus voluptueuses, des attouchements plus piquants et plus libertins ; et telle putain qui, découvrant seulement son cul à un jeune Ganymède le ferait décharger jusqu’au sang, n’opérerait qu’une sensation ordinaire à l’égard d’un autre ; tandis qu’un tortillement de fesses voluptueusement fait, plongerait l’homme à tempérament dans un torrent de délices, qui causerait la mort au Narcisse fouteur et au paillard décrépit.

Demande.

À quels signes caractéristiques distingue-t-on une putain de celle qui ne l’est pas ?

Réponse.

Son habillement trop peu gazé, son maintien trop peu retenu, ses gestes libres, sa conversation trop enjouée et trop lascive, son regard décidé et sa marche effrontée sont les signes visibles qui la font reconnaître. Il est cependant nécessaire pour son propre intérêt qu’elle en agisse ainsi, car il est des hommes si timides auprès des femmes, que si une putain tranchait avec eux de l’Honesta, ces hommes, qu’on peut comparer à des puceaux, n’oseraient leur faire aucune proposition, et par conséquent elles perdraient l’occasion de faire quelquefois une bonne pratique, pour avoir affecté une modestie malentendue.

Demande.

Mais, n’est-il pas possible qu’une putain imite en tout la décence et le maintien réservé d’une honnête femme ?

Réponse.

Oui, et celles de ce genre sont les plus fines ; elles amorcent par là le nigaud qu’elles veulent duper ; elles paraissent s’effaroucher de ses propositions, mais c’est pour mieux l’enchaîner ; et combien sont pris au trébuchet et s’imaginent aller cueillir la rose sans danger, tandis que l’épine y tient fortement. Ces sortes de putains tirent beaucoup de profit de ce commerce ; mais aussi il n’appartient qu’à celles qui peuvent tenir d’abord un certain ton de jouer ce personnage hypocrite.

Demande.

Toutes les femmes ont-elles un penchant décidé à devenir putain ?

Réponse.

Toutes le sont ou désirent l’être ; il n’y a que les convenances, les bienséances qui retiennent la plupart, et toute fille qui succombe même la première fois, dans un tête-à-tête, est déjà, dès le premier pas, putain décidée ; la chemise, une fois levée, la voilà familiarisée avec son cul, autant que celle qui a joué du sien pendant dix ans.

Demande.

La putain qui procure de la jouissance à l’homme, peut-elle s’y livrer avec tous, sans s’exposer à altérer son propre tempérament ?

Réponse.

Il est un milieu à tout ; il serait très imprudent à une putain de se livrer avec excès au plaisir de la fouterie : une chair flasque et molle serait bientôt le fruit de ce désordre ; mais il est un raffinement de volupté qui tient à la volupté même, et dont une adroite putain doit faire usage. Une parole, un geste, un attouchement fait à propos, offre à l’homme l’illusion du plaisir ; il prend alors l’ombre de la volupté pour la volupté même ; et comme le cœur est un abîme impénétrable, la putain consommée dans son art remplit souvent, par une jouissance factice, les vues luxurieuses de l’homme qui se contente de l’apparence. Les femmes étant plus susceptibles et plus propres que tout autre à ce genre d’escrime, il dépend d’elles de donner le change à l’homme.

Demande.

Une putain doit-elle procurer autant de plaisir à un fouteur de vingt-quatre sous, qu’à celui qui la paie généreusement ?

Réponse.

Il est certain que la putain devant vivre de son métier, et le foutre n’étant pas une substance qui puisse servir d’aliment, elle doit agir avec ce fouteur comme avec le père Zorobabel, et lui dire : nescio vos… (Je vis du con comme vous de l’autel). Cependant le grand art d’une putain qui veut se faire un nom, n’est pas toujours de mettre à contribution les hommes qu’elle raccroche. Il en est qui sont susceptibles de cette délicatesse ; et touchés du désintéressement qu’une putain leur témoigne, ils s’imaginent alors que cette Laïs de rencontre est tout à coup éprise et coiffée de leur physique, bien plus que du numéraire ; leur amour-propre est flatté de cette préférence. Le plaisir, qui ne leur paraît pas acheté, se fait mieux sentir ; son aiguillon est plus mordant, et quelquefois la putain gagne beaucoup à ce manège, au surplus, c’est à elle à discerner et à connaître ses pratiques. Une putain bête ne fera jamais fortune ; la rusée peut essayer d’être dupe une ou deux fois, pour reprendre vingt fois sa revanche avec d’autres.

Il est constant aussi qu’un vieillard cacochyme n’a pas le droit d’exiger qu’une jeune et fraîche putain se harcelle après son chétif engin pour un modique salaire : Hercule et Psyché peuvent quelquefois entrer chez elle pour y faire un coup fourré ; mais

Le forgeron atrabilaire,
Qui de son antre ténébreux,
Tout en boîtant vint à Cythère
Attrister les Ris et les Jeux.
De Vénus salir la ceinture.
Effaroucher la volupté.
Et souiller le lit de verdure
Qui sert de trône à la Beauté,


je ne lui connais point de charmes qui puissent le faire recevoir gratis ; il faut qu’il paye au poids de l’or le plaisir qui le suit : c’est le prix de sa turpitude. Qu’une putain donc le plume, qu’elle en tire pied ou aile, c’est le secret de son art. Il lui doit sans doute ce tribut pour les outrages qu’il fait chaque jour à la volupté.

Demande.

Comment doit se comporter une putain lorsqu’elle a donné dans l’œil à quelque bon fouteur ?

Réponse.

Il faut d’abord qu’elle mette celui-ci à son aise, et qu’elle le soit aussi avec lui.

On sait que le premier compliment d’un luron qui entre chez une fille, est de lui prendre les tétons, et de passer de là lestement au cul, de farfouiller ensuite sa motte. Ces petites agaceries d’usage sont les avant-coureurs et les prémices du plaisir. La fille alors doit, par de lascives caresses, de tendres attouchements, achever la conquête de cet amoureux du moment ; d’une main subtile elle doit faire sauter le bouton de la culotte, tandis que de l’autre elle retient en bride sa pine, irritée déjà par les premiers attouchements. C’est alors qu’elle doit saisir le moment favorable pour demander son salaire, et le fouteur s’empressera de lui donner, pour ne point mettre de retard entre les apprêts du plaisir et l’instant de la jouissance[1].
Demande.

Quels sont les attributs et les ustensiles qui doivent orner la chambre d’une putain ?

Réponse.

Elle doit avoir derrière son miroir deux bonnes verges, l’une ornée d’un ruban rose, et l’autre bleu. Aujourd’hui que tout est à la patriote, que l’on fout même patriotiquement, il suffit d’un ruban aux trois couleurs.

Dans les tiroirs de sa commode il doit y avoir des martinets, des disciplines de cordes à petits nœuds, et d’autres armées d’épingles ; elle doit avoir aussi des lisières et des cordons de résistance ; à côté de sa cheminée doivent se trouver, dans une petite armoire, plusieurs capotes anglaises ; les peintures licencieuses, les estampes les plus voluptueuses et les plus lubriques doivent entourer son lit ; plusieurs glaces opposées l’une à l’autre doivent servir à répéter les attitudes du plaisir.

Demande.

Quels usages doit faire une fille de joie de tous ces petits meubles ?

Réponse.

Lorsqu’il se présente chez elle quelques fouteurs à la glace, qui démontrent par l’attitude paresseuse de leur pine leur impuissance, ou un épuisement de force, la putain, après avoir tenté les voies ordinaires, voyant que l’exercice de sa main ne peut rendre à ce vit son front et sa majesté, doit recourir aux remèdes violents : il en est de très opératifs. Voyant donc qu’elle ne peut, ou faire bander, ou faire décharger son Jean-foutre, elle se saisit d’une bonne verge, et commence d’abord par lui en appliquer une trentaine de coups sur le gras des fesses ; si cet essai ne produit pas un meilleur effet, les martinets, les disciplines épinglées doivent être employés.

Il est même, quelquefois, de l’astuce et de l’adresse d’une putain de deviner le caprice de certains hommes qui, bien qu’ils bandent naturellement, et déchargeraient sans le secours administratif de ces sortes de remèdes, trouvent néanmoins une jouissance plus sensuelle à se faire fouetter ; les abbés surtout ont une propension plus décidée pour la fustigation ; il en est qui se font lier et garotter de part en part, et qui ne sont satisfaits que lorsqu’une putain leur a macéré et écorché le cul, jusqu’au point d’en faire ruisseler le sang le long des cuisses[2].
Demande.

La putain n’a-t-elle pas le droit d’exiger un double salaire pour remplir une fonction aussi fatiguante ?

Réponse.

Oui, sans doute ; car il est sûr que quoique une putain puisse trouver quelquefois un certain délice à flageller un beau cul qu’elle tient en posture, et qui ne peut éviter la grêle des coups qu’on lui applique, que quoiqu’elle décharge souvent en s’acquittant de cette fonction joyeuse, cependant il est de ces paillards capables de fatiguer le bras de la putain la plus vigoureuse et même la plus passionnée pour ce genre de plaisir ; elle peut donc, alors, et elle a le droit d’exiger de l’homme qu’elle sangle, un salaire différent, et se faire payer des balais employés à cette cérémonie tragi-comique.

Demande.

Quel langage doit tenir une putain en fouettant ?

Réponse.

Sa conversation doit être conforme au caractère et à l’humeur du paillard qu’elle fustige : il est de ces bougres-là qui veulent qu’on jure après leur cul comme après un cheval de brancard, qu’on les traite de Jean-foutre, de maquereaux, et qu’on assaisonne ces épithètes d’une dégelée de coups de verges des mieux appliqués ; on peut dire que ceux-ci bandent comme des

bêtes et déchargent de même. D’autres, au contraire, qui ont les passions et les humeurs plus douces, veulent qu’on renouvelle avec eux ces jeux innocents de l’enfance, en feignant d’employer à leur égard ces corrections enfantines, et rien ne les excite plus à décharger que ces mots qui ont tant d’énergie dans la bouche des femmes : « Petit coquin, petit polisson… vous serez fouetté jusqu’au sang… allons, point de grâce… bas les culottes… obéissez vite… » Et mille autres propos de cette nature, qu’une adroite et fine putain sait et peut toujours employer avec succès[3].
Demande.

Qu’entendez-vous par capote anglaise ?

Réponse.

Ce sont de petits sachets ou espèces de fourreaux de peau de mouton, avec lesquels on enveloppe la pine du fouteur, qui craint le danger en foutant une femme de laquelle il n’est pas sûr : au moyen de cette chemise il se garantit des accidents de la vérole. Cette précaution, quoique sage, ne plaît pas beaucoup aux filles chaleureuses dans le coït ; il est vrai que cette jouissance est amortie de part et d’autre, et il faut une imagination très vive pour se faire illusion dans ce genre de fouterie : on peut même comparer la fille qui fout, au malheureux Tantale ; elle est embrasée d’ardeur, et son con bâille au milieu d’un fleuve de foutre qui lui échappe à l’instant où elle croit en arroser sa matrice.

Demande.

Une putain qui a la chaude-pisse ou la vérole doit-elle et peut-elle sans remords baiser avec un homme sain ?

Réponse.

Non : et telle luxurieuse que soit une fille, telle passionnée qu’elle puisse être, elle doit toujours se faire un crime de communiquer sa corruption à un homme ; elle doit préférer plutôt perdre sa pratique que de l’empoisonner, et souvent un aveu naïf de sa part lui gagne l’estime du fouteur, qui se contente alors du plaisir idéal et du service de la main qui supplée à celui du con malade. La fille n’en reçoit pas moins son tribut ordinaire.

Demande.

La fille qui a ses ordinaires peut-elle aussi se laisser baiser ?

Réponse.

Non, car il faut dans la fouterie observer certaine bienséance de propreté et d’usage. Est-il rien en effet qui répugne tant à l’homme que cette maladie périodique des femmes ? Quel spectacle plus dégoûtant qu’une pine barbouillée d’ordinaires ? Je sais que les femmes dans ce temps sont beaucoup plus passionnées, qu’elles bandent avec plus de luxure ; mais il ne faut pas que l’envie de foutre les portent à occasionner aux hommes des regrets cuisants et à s’en faire haïr. Lorsqu’une fille se sera déclarée au fouteur pour être au temps de ses règles, si le satyre veut néanmoins qu’elle fasse le service, que sa pine barbotte alors dans son con, la fille n’a plus rien à se reprocher ; qu’elle profite même de cet instant de rage foutative pour se servir de ce vit enragé comme d’un excellent frottoir pour se débarbouiller la matrice. Cet expédient lui est permis, parce que le fouteur a voulu passer par-dessus les règles. Elle doit néanmoins, après le coup tiré, avoir soin d’offrir un vase et de l’eau à ce laveur de con, afin qu’il puisse décrasser sa pine ; elle doit aussi en faire autant de son côté ; l’empressement qu’elle doit avoir d’être bientôt quitte de cette plaie mensuelle lui en fait naturellement un devoir.

Demande.

Une putain est-elle tenue de foutre avec un homme vérolé ?

Réponse.

S’il ne lui est pas permis de baiser avec un homme sain lorsque elle-même est gâtée, elle a le même privilège de ne point foutre avec celui qui a mal au vit ; c’est à elle à y voir clair et à s’assurer, avant, de la propreté de son foutre : pour vérifier ses reliques, elle doit elle-même décalotter le vit, pressurer le bout du prépuce pour voir s’il n’en sort pas de la matière ; elle doit en outre considérer la chemise, et si elle s’aperçoit que cette chemise ressemble à une carte géographique, c’est un signe visible que la pine est malade et qu’elle ne peut, sans s’exposer au danger, foutre avec un tel homme. Le seul expédient qui lui reste, c’est le service de la main, ou la fouterie en cuisses et en tétons.

Demande.

Une fille peut-elle se servir de toute la finesse de son sexe et de l’art enchanteur qu’elle possède, pour soutirer de son fouteur ou de son miché le plus d’argent qu’elle peut ?

Réponse.

Oui ; quand la supercherie n’est point de la partie, et que la bonne foi guide toutes ses tentatives, elle peut employer l’art des sirènes ; mais il faut qu’elle y joigne aussi l’honnêteté des procédés et point d’escroquerie ; elle ne fait alors que son métier, et l’homme n’a point à se plaindre de la faiblesse qui l’a fait céder à ses instances.

Demande.

Une putain doit-elle se livrer à tous les caprices des hommes ?

Réponse.

Quoique tous les genres de fouterie doivent être familiers à une putain, il en est néanmoins qui répugnent à la délicatesse de certaines filles, l’enculomanie est de ce genre. Une putain peut donc décemment refuser de se prêter au zèle perforique d’un bardache, à moins qu’elle-même n’ait le cul porté au plaisir sodomique.

Demande.

Jusqu’à quel âge une putain peut-elle exercer cet emploi avec honneur et profit ?

Réponse.

Cela peut dépendre du plus ou moins de tempérament : les blondes doivent quitter le commerce avant les brunes, leur chair étant plus sujette à l’affaissement ; on doit néanmoins regarder comme hors de service une putain qui a vécu dans les sérails, et y a atteint l’âge de quarante ans ; il est temps qu’elle pense à la retraite : une décrépitude livide, des rides bourgeonnantes semblent lui en faire un commandement express.

Demande.

Que fera donc une putain qui aura vieilli dans les combats de Vénus, blanchi dans les sérails, sans avoir eu la sage précaution d’économiser une pomme pour la soif ?

Réponse.

Ce défaut, qui est presque celui de toutes les filles de joie, n’est plus réparable alors. Plutus fuit ordinairement les boudoirs que déserte l’amour ; il ne reste donc plus à la vieille garce d’autre alternative que d’être maquerelle ou servante de putain ; car ne devant plus espérer de faire de dupes, son unique emploi doit se borner à tenir souvent la chandelle et à être quelquefois spectatrice endurante de certains plaisirs, dont la réminiscence doit lui causer les plus vifs picotements et les regrets les plus cuisants. Son seul espoir est de pouvoir enjôler quelquefois un vieillard goutteux ou quelque jeune fouteur, à qui Bacchus aura, ce jour-là, blasé le goût ou falsifié la visière ; mais le lendemain, quel regret et quel affront, lorsque le Narcisse ivrogne, revenu de sa léthargie, dira dans sa surprise en voyant cette tête chenue sur l’oreiller :

Ô rage, ô désespoir ! ô ma pine ma mie,
N’as-tu donc tant foutu que pour cette infamie !

La putain au contraire, qui aura su profiter de sa fraîche jeunesse et des circonstances pour se réserver un honnête revenu, jouira encore même sous les rides de la vieillesse ; son argent lui fournira des fouteurs avec lesquels elle aura le plaisir de lancer de temps en temps quelque ancien coup de cul qui, lui faisant pour un moment oublier sa décrépitude, lui retracera le tableau toujours riant et attrayant des voluptueux instants de sa jeunesse. Alors elle pourra espérer ne mourir qu’en foutant ; et quelle mort plus douce peut être comparée à celle d’une garce qui meurt en déchargeant !



  1. Un défaut néanmoins dans la plupart des filles de joie, dont il est bon de dire un mot pour leur gouverne, c’est de n’être jamais contentes de ce qu’on leur donne. Présentez-leur trois livres, elles en demandent six. Si vous cédez, leur importunité augmente ; c’est un ruban qu’il leur faut encore ; c’est une bagatelle qu’elles réclament pour leur guenon ; mais ces contributions importunes leur sont très souvent nuisibles, en ce que l’homme qui veut jouir n’est occupé que de cet objet ; se voyant arrêté dans sa marche, il regrette alors et son argent et son foutre. C’est ainsi que les putains éloignent très souvent d’excellentes pratiques de leurs taudions.
  2. Parmi les bizarreries et caprices dont la fouterie est susceptible, il est bon de rapporter le fait suivant ; je le tiens de la putain à qui cette scène comique est arrivée. Voici comme elle me l’a conté.

    Un soir, me dit-elle, que j’étais à raccrocher dans la rue Saint-Martin, j’abordai un petit homme, dont je ne pus discerner le physique que lorsqu’il fut chez moi. Figurez-vous un vrai polichinelle, bancal, bossu, borgne, une tête grosse comme celle d’un bœuf, âgé au moins de cinquante ans, enfin un vrai remède d’amour ; cependant sa mise honnête fit que je passai légèrement sur ses défauts naturels : enfin il me jeta six francs et me demanda si je voulais satisfaire son caprice. Je tremblai à cette proposition, je crus que j’allais servir d’holocauste pour assouvir la passion de ce vilain crapaud. Mais point du tout, il tire alors de sa poche une belle plume de queue de paon et déboutonne sa culotte, puis se couche le cul en l’air sur mon lit. Il me dit alors de lui insérer le bout de cette plume dans le fondement, ce que je fis ; ensuite de lui caresser le cul avec la main, en prononçant ces paroles : « Ah ! le beau paon ! » Ce que je ne pus faire sans éclater moi-même de rire, enfin ce vieux blafard, à force de se sentir caresser le cul et d’entendre prononcer « Ah ! le beau paon ! » déchargea sur mon lit, en imitant dans le fort de sa passion les cris d’une chouette : ce caprice bizarre devrait bien être observé par les naturalistes.

  3. Les fouteurs de cette espèce peuvent être regardés comme les plus chauds et les plus vifs ; les filles prennent ordinairement plaisir à les fouailler, parce que leurs cris plaintivement modulés, leurs propos enfantins, les pardons, les promesses qu’ils n’en feront plus sont comme autant d’aiguillons qui provoquent la fille à la luxure, et la font décharger malgré elle. Tel est l’empire de la femme sur l’homme quand la passion le maîtrise. Hercule filait aux pieds d’Omphale, Samson dormait sur les genoux de Dalila, Marc-Antoine était l’esclave de Cléopâtre, et je suis sûr que ces robustes paillards ont plus d’une fois déposé leur fierté et leur faste aux genoux de leurs garces, et reçu d’elles, sans se plaindre, de très bonnes et amples fessées dans cette posture humiliante ; ce qui prouve que la fouterie est la seule passion qui rend les hommes égaux en faiblesse ou en vertu.