Catéchisme de l’Histoire du Canada, à l’usage des écoles/Catéchisme



CATÉCHISME
DE
L’Histoire du Canada.




Par qui le Canada fut-il découvert ?

Bien que Leif, Danois, fils d’Éric le Rouge, se fût établi dans cette partie de l’Amérique dans l’onzième siècle, et qu’Éric, évêque du Groënland, y ait prêché l’Évangile en 1121, au moins aux tribus qui portèrent depuis le nom de Crucientaux, à cause du signe de la croix qu’on trouva en vénération parmi eux, on attribue ordinairement la découverte du Canada à Jacques Cartier, hardi navigateur de St. Mâlo.

Quelles sont les principales actions de ce grand homme ?

Dans trois voyages consécutifs en Canada, de 1534 à 1542, Jacques Cartier parcourut une bonne partie du pays, et fit connaissance avec les naturels, dont Stadaconé près Québec, et Hochelaga dans l’île où est maintenant bâtie Montréal, étaient les chefs-lieux. Il construisit le château-fort de Charlebourg Royal au Cap Rouge, conduisit en France Donnacona, le plus marquant des chefs du pays, et revint à son fort où il fut tellement harcelé par les sauvages, qu’il l’abandonna pour retourner en France.

Cartier se proposait-il de revenir en Canada ?

Non, il désespéra de pouvoir fonder une colonie en Amérique avec le peu de moyens mis à sa disposition et à celle de M. de Roberval par François 1er, et mourut peu de temps après.

Cette circonstance ne diminue-t-elle pas de beaucoup son mérite ?

Cartier conserve la gloire d’être le premier navigateur qui ait assez exploré le Canada pour que l’on puisse dire qu’il a frayé le chemin à ses successeurs. Sa mémoire est encore en grand respect parmi les Canadiens.

Quel désastre marqua l’année 1549 ?

Cette année-là, le sieur de Roberval s’étant embarqué avec son frère Achille, brave capitaine, que François 1er surnommait le gendarme Annibal, pour tenter de nouveau d’établir une colonie en Amérique, périt avec toute sa suite.

Ce malheur ne fit-il point perdre de vue le Canada ?

Le désastre arrivé aux frères Roberval fit désespérer pour longtemps de fonder une colonie en Amérique ; mais les rois de France continuèrent à s’attribuer la propriété du pays, et accordèrent à plusieurs navigateurs qui furent assez hardis pour se montrer de temps à autre à l’entrée du fleuve St. Laurent, le monopole de la traite des pelleteries.

À qui fut-il donné de fonder la Nouvelle-France ?

Cet honneur était réservé à Samuel de Champlain, qui fonda Québec en 1608, et les Trois Rivières quelques années plus tard — qui projeta la fondation de Montréal, fit alliance avec les nations sauvages, parcourut en tous sens ces vastes contrées, et donna son nom à un de nos grands lacs.

Les sauvages du pays étaient-ils les mêmes qu’y avait trouvés Jacques Cartier ?

Non, les premiers habitans du pays avaient disparu, soit par une de ces épidémies si communes parmi les naturels, soit par les armes des Iroquois. Lors de l’arrivée de Champlain les principaux peuples du Canada étaient les Algonquins, les Montagnais et les Hurons.

Quand le régime féodal fut-il établi en Canada ?

Ce fut proprement en 1627, lors de la concession du pays par Louis XIII, à la compagnie des Cent Associés, (à la tête de laquelle était le fameux cardinal de Richelieu,) sous la réserve de l’hommage accompagné d’une couronne d’or du poids de huit marcs.

Comment le pays avait-il été gouverné jusqu’alors ?

Le pays avait été depuis 1612 sous la dépendance de quatre vice-rois successivement. Ce furent le comte de Soissons, le prince de Condé, le duc de Montmorency et le duc de Ventadour. Champlain avait agi comme leur lieutenant en Amérique.

Que devint-il lors de la concession du pays aux Cent Associés ?

Il fut du nombre des associés, et la compagnie le choisit pour gouverneur.

Cette fameuse compagnie fut-elle à même de faire grandir la jeune France comme elle se le proposait ?

Elle envoya en Amérique de grands armemens ; mais Sir William Alexander, qui avait obtenu de Charles 1er, roi d’Angleterre, sous le nom de Nouvelle-Écosse, la concession de l’Acadie, pays établi par les Français, s’opposa à leurs progrès. Sir David Kerkt, son lieutenant, fit la conquête de Québec et du Canada, après avoir remporté en mer une signalée victoire sur le Sieur de Roquemont, un des Cent Associés.

L’Angleterre conserva-t-elle le Canada ?

Non, il fut rendu à la France par le traité de St. Germain-en-Laye, l’an 1632, et l’année suivante, la compagnie rentra dans tous ses droits, en partie grâce aux efforts de Champlain, qui fut nommé gouverneur pour la seconde fois.

Quels furent les premiers missionnaires du Canada ?

Ce furent les récollets en 1614 ; mais la compagnie confia les missions de la colonie aux Jésuites, qui y firent merveille, et portèrent l’Évangile aux nations les plus reculées.

Quels services éminens rendirent-ils aux colons ?

Le P. Réné Rohault, fils du marquis de Gamache, fonda à Québec, l’an 1635, un collége pour l’éducation de la jeunesse du pays, et la compagnie de Jésus eut encore le bonheur d’attirer en Canada, l’an 1639, Madame de la Peltrie et les Ursulines, fameuses institutrices, et les sœurs Hospitalières qui établirent l’Hôtel Dieu de Québec, sous les auspices de la duchesse d’Aiguillon. Cette dame obtint de la Compagnie la concession de terres considérables à la seule charge de faire célébrer chaque année une messe du St. Esprit pour prier Dieu qu’il lui plût lui inspirer des résolutions qui tournassent à sa gloire, à l’honneur de la France et au solide établissement de la colonie, le gouverneur et son lieutenant, et les principaux habitants de Québec présens ou invités.

Quelle est l’époque de la mort de Champlain ?

Ce grand homme eut pour tombeau, l’an 1635, le majestueux promontoire sur lequel il avait fondé la ville qui devint plus tard le boulevard de l’Amérique, laissant après lui la réputation d’un grand navigateur, d’un génie infatigable et bien propre à fonder un nouvel état, et d’un écrivain poli pour son siècle.

Quel fut son successeur ?

Ce fut le sieur de Montmagny, chevalier de St. Jean de Jérusalem, connu par les nations sauvages sous le nom d’Ononthio.

Comment lui vint ce surnom ?

Les sauvages qui n’ont que des surnoms, ayant demandé ce que signifiait le nom du gouverneur, on leur dit qu’il signifiait Grande Montagne, ce qui se traduit par Ononthio dans la langue des Hurons et des Iroquois ; ces peuples continuèrent depuis à nommer Ononthio tous les gouverneurs, et à donner au roi de France le nom de grand Ononthio.

Qu’y a-t-il à dire du gouvernement de M. de Montmagny ?

M. de Montmagny, et Delisle, commandant des Trois Rivières, comme lui chevalier de Malte, montraient pour le bon ordre, dit l’histoire, un zèle dont leur fermeté et leur exactitude assuraient le succès. Mais peu soutenu par la Compagnie des Cent Associés, M. de Montmagny ne parvint pas à se faire respecter des Iroquois.

Montréal ne fut-elle pas fondée sous son gouvernement ?

Montréal fut en effet fondée l’an 1642, par le sieur de Maison-Neuve, agissant au nom d’une Compagnie dite de Montréal, qui venait de se former pour la conversion des sauvages, et composée de personnes puissantes, tant ecclésiastiques que laïques, parmi lesquelles on remarque la duchesse de Bullion, M. Ollier, fondateur de St. Sulpice, M. de la Dauversière, M. de Callières et M. d’Aillebout de Musseau. Le sieur de Maison-Neuve débarqua le 17 mai avec le R. P. Vimont, supérieur des Jésuites, Mademoiselle Manse, représentant la duchesse de Bullion, et une petite colonie. Bientôt après une nouvelle recrue arriva de France, puis une seconde l’année suivante. L’établissement reçut le nom de Ville-Marie, prit la forme d’un commencement de ville, et fut entouré d’une palissade en pieux debout, qui eut peine à le défendre contre les attaques d’Oureouati, fameux chef de guerre Iroquois et la terreur des Outaouais, peuple dont on commençait à parler.

Qu’arriva-t-il les années suivantes ?

Elles furent marquées par le martyre des PP. Jogues, Daniel, Garnier, Lallemant et de Brébeuf, de la Compagnie de Jésus. Le P. Bressani fut aussi traité par les Iroquois avec la dernière inhumanité.

À quel projet ces actes barbares donnèrent-ils lieu ?

D’Aillebout, qui, après avoir été gouverneur des Trois Rivières, avait succédé au chevalier de Montmagny dans le gouvernement général, désespérant de pouvoir dompter seul de si féroces ennemis, profita d’une députation envoyée par le gouverneur de la Nouvelle-Angleterre afin de proposer une neutralité perpétuelle entre les deux nations, pour mettre pour condition à ce traité, que les Anglais se joindraient aux Français pour exterminer les Iroquois. Mais cette condition fut rejetée, et les Cinq Cantons ou la confédération Iroquoise étaient destinés à tenir plus tard la balance entre les Anglais et les Français en Amérique.

Quelle barrière les Iroquois parvinrent-ils à franchir vers le même temps ?

Ils détruisirent presque entièrement la grande et puissante nation huronne, dont les restes se réfugièrent en partie à Québec, sous la conduite du grand chef Ahasistari, dans les îles du Lac Huron appelées Manitoulines, dans les forêts de la Pensylvanie et chez les Sioux, nation qu’on ne connaissait pas encore en Canada ; quelques-uns même se donnèrent à leurs vainqueurs.

Les Iroquois s’arrêtèrent-ils là ?

Non, ils détruisirent plusieurs autres peuples, s’avancèrent jusque dans le centre de la colonie, et tuèrent, dans un combat, Duplessis Bochart, gouverneur des Trois Rivières, et dans un autre, de Lauzon, grand sénéchal de la Nouvelle France : la mort de ces deux officiers donna un nouveau relief aux armes de cette redoutable nation.

L’année 1647 n’est-elle pas une grande époque pour l’île de Montréal ?

Ce fut cette année que plusieurs prêtres de St. Sulpice, ayant à leur tête Gabriel de Quaylus, abbé de Loc Dieu, arrivèrent dans l’île, mais seulement en qualité de missionnaires, car ce ne fut qu’en 1663 que la Compagnie de Montréal, dont la communauté de St. Sulpice faisait partie, lui abandonna tous ses droits sur l’île de Montréal. Le Roi confirma en 1677 cet abandon dans des Lettres d’amortissement, et depuis 1663, époque où le gouvernement Royal succéda en Canada au gouvernement féodal, un petit gouvernement purement féodal subsista dans l’île. Les Messieurs du séminaire nommaient ou au moins présentaient le gouverneur de Montréal, et faisaient exercer la justice par un bailli, officier féodal, qui avait ses officiers subalternes. Cet ordre de chose dura jusqu’en 1693. La Compagnie de St. Sulpice se démit alors de la justice entre les mains du Roi, qui établit un siège Royal.

Quels furent les successeurs de M. d’Aillebout ?

Le vicomte d’Argenson succéda en 1658 à M. de Lauzon, qui n’avait fait que paraître. Il montra de la vigueur dans ses relations avec les Iroquois, et leur en imposa pour quelque temps.

Est-ce là ce qui se passa de plus remarquable sous son gouvernement ?

En 1659, Alexandre VII, alors souverain pontife, songea aux besoins spirituels de la Nouvelle France, et résolut d’y envoyer un vicaire-apostolique. Le choix tomba, sur François de Laval Montmorency, d’une des plus illustres maisons de France, qui vint en Canada sous le nom d’évêque de Pétrée. Le Canada fut depuis érigé en évêché, et le siège épiscopal fixé à Québec mais ce ne fut qu’en 1674, parce que le souverain pontife voulut que cet évêché dépendit immédiatement du Saint Siège, et que Louis XIV n’y consentit enfin qu’après quelques années de négociations. — En 1659, année de l’arrivée, de l’évêque de Pétrée, Mademoiselle Manse, qui avait déjà fondé l’Hôtel-Dieu de Montréal, y amena trois religieuses tirées du couvent de La Flèche. La sœur Marguerite Bourgeois y avait fondé dès 1653 la Congrégation de Notre-Dame.

Comment le baron d’Avaugour signala-t-il son administration ?

Le premier soin de ce seigneur, qui succéda au vicomte d’Argenson en 1661, fut de visiter tous les postes de son gouvernement, après quoi il fit d’énergiques représentations à la compagnie des Cent Associés et au Roi sur l’état de faiblesse de la colonie, et députa en France, le sieur Pierre Boucher, gouverneur des Trois Rivières, l’un des premiers historiens de la Nouvelle France, et ancêtre d’une des principales familles du Canada. — Ce citoyen illustre fut bien accueilli en France, et l’on fit passer en Amérique une recrue de plus de quatre cents personnes.

La joie que causa l’arrivée de ce secours ne fut-elle point troublée par quelques dissentions entre les premiers dignitaires de la colonie ?

Les gouverneurs avaient ordre de défendre aux colons de vendre de l’eau-de-vie aux sauvages, et le baron d’Avaugour en particulier, avait décerné les peines les plus graves contre les contrevenans. Mais il se relâcha ensuite tellement, piqué de l’intercession d’un ecclésiastique en faveur d’un délinquant, que l’évêque de Pétrée n’ayant pu le ramener à la raison, passa l’océan pour porter ses plaintes de pasteur au pied du trône. Il eut gain de cause, comme cela devait être, puisqu’il avait pour lui les sages instructions que le Roi et la Compagine avaient cru devoir donner aux gouverneurs. Le baron d’Avaugour fut même rappelé.

Quels phénomènes extraordinaires signalèrent les années 1662 et 1663 ?

Ces années furent remarquables par de violens tremblemens de terre et par divers phénomènes ignés qui jetèrent l’épouvante parmi les colons.

Quand le gouvernement féodal fut-il remplacé en Canada par le gouvernement royal ?

Jusqu’en 1663, le Canada avait été gouverné féodalement par la Compagnie des Cent-Associés, qui fesait rendre la justice par un grand sénéchal, qui résidait à Québec, et qui avait un lieutenant aux Trois Rivières. Elle présentait au Roi le gouverneur de la colonie, qui se fesait assister dans les affaires par un conseil dont le grand sénéchal et le premier supérieur ecclésiastique (qui était, avant l’érection de la Nouvelle-France en vicariat apostolique, le supérieur des Jésuites) étaient membres de droit. Mais la Compagnie, affaiblie par la mort du cardinal de Richelieu, ayant mal rempli ses obligations, le Roi se saisit du pays, et y envoya M. de Mezy en qualité de gouverneur royal, accompagné d’un commissaire chargé de prendre possession du pays en son nom.

Ne se disposait-il pas cependant à reconcéder le pays à une nouvelle compagnie ?

Oui, il concéda le pays à la Compagnie des Indes Occidentales en pleine propriété et justice comme à la précédente compagnie, mais ces prérogatives n’étaient que sur le papier, puisque le lieutenant général civil et criminel nommé par la Compagnie n’empêcha pas que le Roi érigeât au mois de mars 1663 le conseil souverain de Québec, et que ce prince avait résolu d’avoir un intendant dans le pays.

Qu’était-ce que l’intendant ?

L’intendant était un grand officier de la Couronne chargé de voir à la bonne administration de la justice et de la police dans une province, et ordinairement aussi de l’administration financière. Le Canada fut ainsi administré depuis l’an 1663 jusqu’à la conquête par une succession de quatorze intendans, qui géraient les affaires conjointement avec, et quelquefois indépendamment du gouverneur, qui n’avait de pouvoir sans partage que sur l’armée, et représentait les ducs des bas siècles. L’intendant portait le titre de Monseigneur.

Quels furent les premiers intendans ?

Le conseiller Robert, premier intendant, ne vint pas en Canada, et fut remplacé par Jean Talon, conseiller d’état et privé du Roi, de la famille des célèbres jurisconsultes de ce nom, qui parut dans le pays en 1665, et y fut créé baron des Islets, puis plus tard comte d’Orsainville.

Le Canada n’eut-il pas d’autres grands seigneurs ?

Oui, un Castillion fut fait comte d’Orléans et un Robineau, baron de Bécancourt. Son fils aîné devint baron de Portneuf. La baronie de Longueuil fut depuis érigée en faveur d’un membre de la grande et illustre famille des Lemoyne, laquelle se sépara en différentes branches, qui se distinguèrent par les titres de Lemoyne de Longueuil, de Lemoyen d’Iberville, Lemoyne de Bienville, de Ste. Hélène, &c.

Quel était le caractère de l’intendant Talon ?

Ce magistrat illustre, qu’on a appelé à bon droit le Colbert du Canada, porta son attention sur toutes les branches, sur l’organisation judiciaire, sur l’agriculture, sur les ressources du pays et ses mines, sur sa géographie. — Il fit un rapport de main de maître sur le Canada, et conseilla à Louis XIV de ne point abandonner le pays à la rapacité d’une compagnie de commerce. Il fut heureusement appuyé par le grand Colbert, celui de tous les ministres de France qui ait le mieux entendu le système des colonies, et eut assez de crédit pour faire proclamer au moins pour un moment la liberté de commerce pour tous les habitans de la colonie.

Le système judiciaire n’était-il donc pas organisé quand l’intendant Talon vint dans le pays ?

Mr. de Mezy avait désorganisé le Conseil par un coup d’état. Il s’était brouillé avec l’évêque de Pétrée, qui était membre du gouvernement, et avait chassé deux conseillers qu’il ne pouvait remplacer sans son concours. Cette affaire le fit supplanter dans le gouvernement par Daniel de Rémi, sieur de Courcelles. Mais comme le danger de la colonie était grand, Alexandre de Prouville, marquis de Tracy, un des meilleurs officiers du grand Turenne, vint en même temps en qualité de lieutenant-général ou vice-roi, pour informer contre le précédent gouverneur avec Mgr. Talon, et voir à ce que les grands, desseins du Roi fussent exécutés. Mais ces deux grands hommes ayant trouvé M. de Mezy mort, ne s’occupèrent plus que d’organiser le Canada, et s’entendirent habilement, mais sans égards aux droits de la Compagnie des Indes, pour donner les principales seigneuries non concédées aux officiers du fameux régiment de Carignan Salières, suivant en cela la politique des Romains, comme l’avoue Talon dans un projet de règlement pour le gouvernement du Canada, qui mériteroit d’être célèbre. — Ces seigneurs militaires, les de Varennes, de Sarel, de Verchères, de Chambly et autres, inspirèrent à la population cet esprit belliqueux qui a si longtems distingué les Canadiens.

Quelle fut la constitution du Conseil Souverain ?

Ce conseil se composa d’abord du gouverneur, de l’évêque ou du premier supérieur ecclésiastique, de l’intendant, de cinq autres conseillers, que ces dignitaires devaient élire de concert, et d’un procureur-général. Dans la suite, le comte de Frontenac ayant entrepris sur l’intendant le Roi déclara en 1675 que ce magistrat en serait président, et remplirait les mêmes fonctions que les premiers résidens des Parlemens de France. Le nombre des conseillers fut aussi porté à sept. En 1705, il y en eut douze, outre les trois grands dignitaires, dont onze laïcs et un clerc. Enfin, en 1754, pour encourager, comme il est dit, le talent dans les familles du pays, on admit comme assesseurs de jeunes Canadiens qui avaient suivi les conférences du Procureur-Général. Ils avaient des sièges après les conseillers et les soulageaient.

La commission du marquis de Tracy dura-t-elle bien longtems ?

Ce dignitaire ne séjourna que dix-huit mois dans la colonie, et laissa le pays entre les mains de M. de Courcelles, après l’avoir mis en sûreté contre les attaques des Iroquois, par la construction, dans des endroits propices, des forts de Sorel, de Chambly et de Ste. Thérèse.

Un des hommes marquans de la colonie ne tomba-t-il pas encore cependant sous les coups de ces barbares durant son gouvernement ?

En effet, M. de Chazy, neveu du vice-roi lui-même, fut tué par eux. Voici comment cette mort fut vengée. Un chef, fils d’un Hollandais et d’une Iroquoise, et qui introduisit de la Nouvelle-Belgique les armes à feu dans les Cantons, ayant eu dessein de fondre sur la colonie, rencontra M, de Sorel avec des forces supérieures. Il fut alors assez rusé pour l’aborder comme ambassadeur, et fut conduit à Québeo, où le vice-roi l’accueillit bien, et l’admit même à sa table avec les plus marquans de sa suite. Mais le discours étant tombé sur la mort du jeune de Chazy, un chef, sans doute échauffé par le vin, levant le bras, s’écria que c’était ce bras même qui lui avait cassé la tête. « Ce bras ne cassera plus la tête à personne » reprit M. de Tracy, et il le fit sur le champ étrangler par le bourreau, en présence du Baron, le prétendu ambassadeur, ainsi appelé parcequ’il affectait le luxe européen.

De quel éclat s’entourait le vice-roi dans les cérémonies publiques ?

Il se fesait précéder de vingt-cinq gardes portant le même costume que la garde de Louis XIV lui-même ; il marchait quelquefois à pied et le plus souvent à cheval accompagné de son état-major, des employés de la colonie et de quatre pages, et ses valets le suivaient au nombre de cinq.

N’y avait-il aucun espoir de pouvoir jamais vivre en paix avec les Iroquois ?

L’expédition qu’avait faite chez eux le marquis de Tracy n’avait fait sur eux que peu d’impression, et il ne paraissait pas qu’on put les adoucir par la crainte ; — il était aussi peu probable que les Jésuites, quelque incomparables qu’ils fussent comme missionnaires, pussent de longtems pénétrer chez eux. C’est cependant ce qu’ils firent, le plus souvent en qualité d’ambassadeurs, et occasionnellement comme missionnaires. S’ils ne réussirent pas à convertir la nation en masse, ils y eurent durant quelque temps, une mission assez suivie, procurèrent par là beaucoup de répit à la colonie, et établirent en Canada une tribu d’Iroquois chrétiens, que leurs compatriotes payens appelaient pour cela les Iroquois prians, et qui subsiste encore au moment où la fameuse confédération s’éteint entièrement.

Nommez quelques-uns de ces missionnaires ?

Parmi eux furent les PP. Lemoyne, Bruyas, Millet, et De Carheil. — Dans le même temps les PP. Dablon, Marquette, Allouez, visitaient des tribus jusqu’alors inconnues telles que les Miamis, les Saukis, les Illinois, les Christinaux.

N’y eut-il pas quelque personnage considérable d’entre les Iroquois qui se fit baptiser ?

Sous le gouvernement de M. de Courcelles, Garrangula, un des plus fameux orateurs des Cinq Cantons, qui avait frayé le chemin aux missionnaires à Onnontagué, et qui leur avait fait construire une chapelle, choisit l’occasion d’une ambassade à Québec, pour se faire baptiser. On n’oublia rien pour célébrer cet événement avec pompe en présence des députés de tous les peuples alliés de la colonie. L’évêque de Pétrée fit la cérémonie assisté des supérieurs ecclésiastiques, et Garrangula eut pour parrain le Gouverneur-Général, et pour marraine, Mademoiselle de Bouteroue, fille de l’intendant.

Qui succéda à M. de Courcelles dans le gouvernement de la Nouvelle-France ?

Ce fut Louis de Buade, comte de Frontenac, qui vint pour la première fois en Canada l’an 1672.

Quel est le caractère de sa première administration ?

La première administration du comte de Frontenac ne fut pas heureuse. Il se brouilla avec l’évêque de Pétrée au sujet de la traite da l’eau-de-vie, et avec l’intendant Duchesneaux, à propos du système judiciaire, prétendant remplir à son gré les places vacantes au Conseil. Il présuma de faire usage de lettres de cachet comme le monarque lui-même, et exila le procureur-général et deux conseillers. Il fit arrêter le gouverneur de Montréal et l’abbé de Salignac Fénélon, curé de cette ville, et voulut être en même temps leur accusateur et leur juge. Ces actes arbitraires ne tardèrent pas à le faire rappeler.

N’arriva-t-il pas sous son gouvernement un événement bien remarquable ?

Oui, ce fut la découveite du Mississipi, en 1673. — Le P. Marquette et le sieur Joliet, négociant de Québec, qui étaient partis à la recherche de ce fleuve sous les auspices de Talon, l’atteignirent le 17 juin. Quatre sauvages, qui les accompagnaient, saluèrent le Meschassebé ou Père des eaux, en lui offrant à titre d’hommage, des flèches, des calumets, de brillantes fleurs et des épis de maïs. Joliet, déjà seigneur, obtint l’île d’Anticosti en titre de seigneurie avec haute justice, par des lettres qui lui attribuent aussi la découverte du pays des Illinois.

Quelles suites eut cette grande découverte ?

Elle n’eut pas de suite immédiate, parce que Talon n’était plus dans le pays, et que le comte de Frontenac s’était mis hors d’état de s’occuper de cet objet. Mais quelques années plus tard, Cavelier de La Sale, accompagné du chevalier de Tonti, reconnut le Mississipi, prit possession du pays qu’arrosent ses rives, et lui donna le nom de Louisianne en l’honneur de Louis XIV. — À un Canadien était réservé l’honneur de la coloniser.

Qui fut nommé gouverneur et lieutenant-général à la place du comte de Frontenac en 1682 ?

Ce fut M. de La Barre, homme d’une grande science et écrivain distingué, qui s’était signalé dans d’autres colonies.

Son administration du Canada fut-elle aussi heureuse ?

Non, ce gouverneur s’étant engagé dans le centre du pays des Iroquois, pensa y périr avec son armée, et ne la sauva que par une espèce de capitulation, ou du moins par une paix honteuse conclue près de l’anse de Kaihohaigue, appelée depuis par les Français Anse de la Famine, à cause des maux qu’ils y souffrirent.

Quelle fut pour M. de La Barre la conséquence de cette humiliation ?

Il fut rappelé en 1686, et remplacé par René de Brisay, marquis de Denonville.

Par quelle supercherie ce gouverneur signala-t-il son administration ?

Désespérant de vaincre les Iroquois par la force ouverte, il attira leurs chefs au fort de Cataracoui, s’assura de leurs personnes dans un pourparler, et les envoya captifs en France.

Comment cet attentat fut-il vengé ?

Par le trop célèbre massacre de La Chine, en 1689. — Les Iroquois étant descendus au nombre de deux mille dans l’île de Montréal, y firent périr deux cents personnes et en réduisirent un aussi grand nombre en captivité.

Le marquis de Denonville était-il encore à cette époque gouverneur de la colonie ?

Il était encore dans le pays, mais le comte de Frontenac avait été nommé gouverneur et lieutenant-général pour la seconde fois, et il ne tarda pas à débarquer à Québec, où il fut reçu en libérateur à cause du caractère martial qu’on lui connaissait.

Quelles furent les grandes actions qui signalèrent sa seconde administration ?

Il triompha du fameux amiral Phipps, qui vint en 1690, mettre le siège devant Québec, et porta la guerre dans la Nouvelle-Angleterre et dans le centre du pays des Iroquois. Les nations sauvages le regardaient comme un homme plus qu’humain, et les Sioux en particulier, dont on n’avait guère encore ouï parler, lui envoyèrent des ambassadeurs.

Quelle est l’époque de la mort de ce général ?

Il mourut en Canada l’an 1698.

Quel était son caractère ?

Louis de Buade Frontenac était grand de tête et de cœur. On lui a reproché avec droit d’avoir trop aimé à commander, et d’avoir porté trop loin les prétentions du pouvoir, mais ces défauts disparurent avec l’expérience et avec l’âge. Il fut inhumé dans l’église des Récollets, qui n’existe plus, et les noms de Buade, donné à une rue de Québec, et de Frontenac, à un comté du Haut-Canada, sont les seuls souvenirs qui restent de lui dans le pays.

Les Canadiens ne commençaient-ils pas dès lors à se signaler dans les armes ?

Le sieur de Longueil, ancêtre des barons de ce nom, et M. de Ste.-Hélène, que Charlevoix représente comme un parfait chevalier, se distinguèrent fort dans la défense de Québec contre les Anglais. Le baron de Bécancourt eut du commandement dans la grande expédition du comte de Frontenac contre les Iroquois. Le baron de Portneuf, son fils, et le fameux d’Iberville, portèrent la guerre dans la Nouvelle-Angleterre.

Racontez-nous en peu de mots les exploits de ce héros Canadien, d’Iberville, que vous venez de nommer ?

Ce Canadien célèbre fit deux expéditions glorieuses à la Baie d’Hudson, et porta la guerre en Acadie, dans la Nouvelle-Angleterre et dans l’île de Terre-Neuve avec une promptitude surprenante. Ses exploits nombreux dans l’ile de Terre-Neuve, d’où, avec une poignée d’hommes, il chassa presque entièrement les Anglais, étonnent à bon droit M. Bacqueville de La Pothërie, un des historiens de la Nouvelle-France. Dans une de ses expéditions à la Baie d’Hudson, il gagna avec son seul vaisseau, sur trois vaisseaux anglais, un combat qui n’a rien de plus glorieux dans la vie de Jean Barth lui-même. Dans Ces vastes étendues de pays qu’il parcourut l’êpée à la main, il enleva d’emblée un grand nombre de places fortes et St. Jean de Terre-Neuve elle-même. Si l’on considère les moyens avec lesquels il agissait, ses actions sont incroyables nonobstant que Charlevoix remarque avec vérité que ses Canadiens étaient pour lui comme la dixième légion était à César, et prêts à le suivre au bout du monde.

Le Canada n’eut-il pas dans le même temps quelque héroïne célèbre ?

On doit appeler de ce nom Madame et Mademoiselle de Verchères. En 1692, les Iroquois parurent à la vue du fort de ce nom, tandis que tous les hommes étaient dehors occupés pour la plupart aux travaux des champs. Mademoiselle de Verchères, âgée seulement de quatorze ans, en était elle-même à deux cents pas. Elle eut assez de courage pour rassembler quelques hommes et servir elle-même un canon — assez bonheur pour repousser les sauvages. Deux ans auparavant, Madame de Verchères avait eu le même courage et la même fortune. Ces faits sont consignés dans le Dictionnaire des Sièges et Batailles.

Ne s’élevait-il pas alors une nouvelle maison canadienne plus illustre que toutes les autres ?

En 1687, arriva en Canada avec le titre de commandant des troupes, le chevalier de Vaudreuil, ci-devant maréchal des logis des mousquetaires, et qui s’était fort signalé au siège de Valenciennes. Il s’établit en Canada, y épousa une canadienne, et devint gouverneur de Montréal, puis gouverneur-général, comme le fut aussi un de ses fils.

Mais par qui le comte de Frontenac avait-il été remplacé ?

Il avait eu pour successeur Mr de Caîlières, militaire d’un grand mérite, qui avait été gouverneur de Montréal.

Quel événement heureux signala son gouvernement ?

Ce fut la paix de Montréal avec les Iroquois, en 1701. — Elle fut la conséquence de lia paix de Riswick entre Guillaume III et ses alliés d’une part, et Louis XIV.

Cet accord ne devait-il pas avoir l’effet de grossir beaucoup la population par la délivrance d’un grand nombre de prisonniers ?

Sans doute ; mais quand on rappela les captifs, on vit avec surprise qu’un grand nombre préférèrent la vie sauvage à la vie civile. Ils furent nommés « coureurs de bois ». On vit parmi eux des hommes marquans, tels que le baron de St. Castin, qui épousa une Abénaquise, et son fils, qui se rendit célèbre sous le gouvernement de M. de Vaudreuil.

La paix ôta-t-elle aux Canadiens toute occasion de se distinguer ?

Le retour de la paix fournit à d’Iberville de nouvelles occasions de servir son pays natal et la métropole. — Il restait à reconnaître l’embouchure du Mississipi par mer, et à profiter des découvertes que l’on avait déjà faites. Etant passé en France, cet homme capable de fonder comme de détruire, proposa l’expédition à M. de Ponchartrain, ministre de la marine, et en obtint deux vaisseaux. Avec ces faibles moyens, il réussit dans son projet, et fonda la Louisianne, où il bâtit quatre ou cinq forts, entre autres celui de Mobile, qui devint pour un temps le chef-lieu du pays.

M. de Callières gouverna-t-il longtemps la Nouvelle-France ?

Non, il mourut en 1703, avec la réputation d’un bon capitaine, et du plus sage gouverneur qu’eût possédé la colonie. Le marquis de Vaudreuil lui succéda, et M. de Ramzay, d’une illustre maison d’Écosse, et ancêtre d’une des principales maisons canadiennes, passa du gouvernement des Trois-Rivières à celui de Montréal.

La paix régnait-elle encore en Europe ?

Non, la guerre de la succession d’Espagne venait de s’allumer et fit renouveller les hostilités en Amérique. Un Anglais nommé Vetch, traça un plan pour la conquête du Canada ; mais les troupes qu’on lui avait promises ayant été envoyées en Portugal, les efforts des Anglais se bornèrent à deux attaques infructueuses contre l’Acadie, tandis, que les Français, de leur côté, attaquèrent en vain l’île de Terre-Neuve.

Le chevalier d’Iberville vivait-il encore à cette époque ?

Ce grand homme, dont les services avaient été reconnus en France, commençait à figurer dans la guerre de succession, mais il mourut à la Havane, en 1706, après avoir enlevé l’île de Nièvre aux Anglais.


Ne fut-il pas suivi de près au tombeau par un homme non moins remarquable dans son état ?

Oui, le Canada perdit, en 1708, son premier évêque. — Mgr. de Laval Montmorency était un prélat qui marchait en tout sur les traces des pasteurs de la primitive église, et qui mériterait que sa vie fut bien écrite. Il ne se mêla avec ardeur du gouvernement, dont il était membre, que pour le soutien de la morale, mise en péril par le traffic des liqueurs enivrantes. — Il s’était démis de son évêché en faveur de Jean Baptiste de La Croix Chevrières de Saint Vallier, aumônier de Louis XIV, qui fut quelque temps prisonnier des Anglais.

Ceux-ci n’eurent-ils pas quelque chance de conquérir le pays en 1710 ?

Cette année même, le général Nicolson, qui avait servi en Europe sous le fameux Marlborough, fit la conquête de l’Acadie, et marcha contre le Canada, pour agir de concert avec une flotte de 95 voiles aux ordres de l’amiral Walker, portant une seconde armée commandée par le général Hill. Mais cette flotte fit naufrage dans le fleuve St. Laurent, vis-à-vis des Sept îles, et perdit huit gros vaisseaux et 3000 hommes. L’amiral Walker n’osa rien entreprendre après ce désastre, et le général Nicolson, trop faible pour attaquer seul, se vit contraint de se retirer sans avoir lien fait.

Cette expédition ne donna-t-elle pas occasion à la ville de Québec de se signaler de quelque manière ?

Le bruit ayant couru que les Anglais préparaient un nouvel armement, le marquis de Vaudreuil trouva dans la bourse des citoyens de Québec une somme de 50,000 écus pour augmenter ses fortifications.

Comment la guerre se termina-t-elle ?

Elle finit par le fameux traité d’Utrecht, par lequel l’Acadie fut finalement cédée à l’Angleterre, et a toujours porté depuis le nom de Nouvelle-Écosse.

Qu’arriva-t-il en 1717 ?

M. de Vincennes, officier canadien, fonda sur la Rivière Ouabache un établissement qui fut nommé de son nom (Poste Vincennes) et qui est aujourd’hui un poste américain important. La même année, M. Lemoyne de Bienville, frère du célèbre d’Iberville, eut la gloire de fonder la Nouvelle-Orléans, aujourd’hui une des principales villes de l’Amérique.

N’y eut-il dans ces temps-là que les Canadiens qui se distinguèrent ?

Non, le célèbre P. Lafitau, bien connu par son livre sur les mœurs des sauvages américains comparées avec celles des peuples primitifs, découvrit dans les forêts du Canada le ginseng, plante qu’on avait cru appartenir exclusivement à la Corée et à la Chine, et il écrivit à ce sujet un mémoire intéressant.

Avait-on achevé les fortifications projetées de Québec ?

On les avait discontinuées, mais on les reprit en 1720, sur les plans de M. Chaussegros de Léry, habile ingénieur, lesquels furent jugés préférables à ceux de MM. Beaucouit et Levasseur. Ce gentilhomme fut l’ancêtre d’une des plus illustres familles du Canada : elle devait fournir à Bonaparte un de ses premiers ingénieurs. Les ouvrages en bois, érigés autrefois pour mettre Montréal à l’abri des attaques des sauvages, furent remplacés vers le même temps par une muraille en pierre, avec bastions, aux frais du gouvernement, des MM. de St. Sulpice et des habitans, en vertu d’un arrêt du Conseil Supérieur.

Dans quel état était alors la colonie ?

Ce pays se trouvait dans la situation la plus heureuse, peut-être où il eût jamais été, remarque Charlevoix. Québec comptait plus de 7000 habitans et Montréal 3000. En 1722, deux vaisseaux de guerre et six navires furent construits à Québec. Dix-neuf vaisseaux sortirent de sa rade, cette même année, chargés de productions du pays, comprenant des pelleteries pour la France, et des provisions de bouche pour les Antilles.

L’écrivain que l’on vient de citer a-t-il été un homme remarquable ?

Oui, les Canadiens ont avec raison un grand respect pour Charlevoix, membre illustre de la Compagnie de Jésus. Il visita le Canada en 1720 et en 1721, et en devint le principal historien, comme il le fut aussi du Paraguay. Que se passait-il vers ce temps-là à la Louisiane ?

Les Canadiens se signalaient vers l’embouchure du Mississipi et sur les côtes de Floride.

Quels furent ceux qui se signalèrent davantage ?

Ce furent M. de Bienville, qui eut pendant quelque temps le gouvernement général de la Louisiane, et qui triompha des Alibamons, des Choctas et des Natchez-Serigny et Chateauguay, ses frères, et Dugué de Boisbriand, gouverneur du pays des Illinois.

Racontez quelques-uns de leurs exploits.

Serigny et Chateauguay prirent Pensacola, où s’était renfermé Don Juan de Matamoras. Alfonzo Carascosa, envoyé avec une escadre par le marquis de Valero, vice-roi du Mexique, reprit la place, et s’avança même dans la Louisiane, mais il fut repoussé à l'île Dauphin par Serigny, et à Mobile, par le sieur de Vilinville. M. de Bienville, qui observait ses mouvements, s’embarqua sur une escadre française, aux ordres du comte de Champmêlien. L’escadre espagnole fut détruite, et Pensacola succomba une seconde fois. La paix se fit en 1723 ; le sieur de Chateauguay fut alors fait gouverneur de Mobile, et Serigny admis dans la marine royale comme capitaine de vaisseaux. On fit chevalier de St. Louis le sieur Juchereau de St. Dénis, qui avait été employé quatorze ans à la Louisiane, et dans deux missions importantes auprès du vice-roi du Mexique.

Qui gouvernait alors la Nouvelle-France ?

C’était le marquis de Beauharnais, dit-on fils naturel de Louis XIV.

Que se passa-t-il durant les premières années de son gouvernement ?

En 1728, M. de Ligneris, canadien, triompha des Outagamis et des Saukis. Précédemment le gouverneur avait envoyé le baron de Longueil chez les Iroquois pour tâcher de les persuader de souffrir qu’on reconstruisit le fort Niagara, autrefois bâti par le marquis de Denonville, et ce seigneur fut assez adroit pour y réussir. En 1731, le fort de St. Frédéric fut construit à la Pointe à la Chevelure pour tenir en respect les Anglais, qui avaient construit le fort Oswego.

Qu’y a-t-il à dire pour l’histoire ecclésiastique du Canada à cette époque ?

Mgr. de St. Vallier était mort depuis longtemps après avoir fondé l'Hopital-Général de Québec, et la maison des Ursulines aux Trois Rivières, en 1697. Mgr. Duplessis de Mornay lui avait succédé, mais ne vint jamais en Canada. En 1725, Benoit XIII, alors souverain pontife, sacra lui-même, durant les solennités de Noël, Herman Dosquet, prêtre des Missions Etrangères, évêque de Samos et assistant du trône pontifical ; ce prélat administra la Nouvelle-France jusqu’en 1733. Il devint alors évêque de Québec, et résigna en 1739, en faveur de François Louis de Pouroy de l’Auberivière, docteur de Sorbonne, qui mourut la même année, en exerçant son zèle sur un vaisseau infecté, âgé seulement de vingt-neuf ans.

Quand les mines des Trois Rivières commencèrent-elles à être exploitées ?

Ce fut en 1739.

Que se passa-t-il de remarquable en 1743 ?

Louis Fournel, canadien, découvrit la baie des Esquimaux ou de Kenessakion.

Les Anglais ne firent-ils pas éprouver aux Français un grand revers peu de temps après ?

Oui, en 1745, la milice des provinces anglaises, soutenue par une escadre royale aux ordres du commodore Warren, fit la conquête de Louisbourg, forteresse élevée à grands frais par la France, et où s’était renfermé le général Duchambon.

Les Français ne firent-ils aucun effort pour reprendre ce boulevard ?

Les Français, ranimés par la victoire de Fontenoy, remportée sur les Anglais en Europe, formèrent le projet de reprendre et Louisbourg et la Nouvelle-Écosse, Cette entreprise fut elle couronnée de succès ?

La France envoya d’abord sous les ordres du duc d’Anville et de M. de la Jonquière, nommé gouverneur-général à la place de M. de Beauharnais, une flotte formidable. Mais elle essuya des tempêtes et des malheurs inouïs. Le duc d’Anville mourut de chagrin à Chédabouctou, le vice-amiral Destournelles se donna la mort, et M. de la Jonquière n’osa rien entreprendre à cause de l’approche d’une flotte anglaise.

Cet armement imposant ne devait-il pas encore être soutenu par les Canadiens ?

Trois mille hommes de débarquement que portait cette flotte devaient être joints par un grand corps de Canadiens et de sauvages parti du Canada sous les ordres de M. de Ramsay, qui, après une marche célèbre au cœur de l’hiver, ne laissa pas de remporter une victoire signalée sur les Anglais commandés par le colonel Noble. Les raquettes dont les canadiens s’étaient munis leur donnèrent un grand avantage sur l’ennemi.

Que devint M. de la Jonquière ?

De retour en France il fut nommé vice-amiral, sans cesser d’être gouverneur-général de la Nouvelle-France, et remit à la voile ; mais rencontré par les amiraux Anson et Warren sur les côtes de Galice, il fut forcé de se rendre après un combat acharné. Les Français mettent partout de l’esprit. )eux vaisseaux français s’appelaient l'un L’Invincible et l’autre La Gloire ; M. de la Jonquière dit à Anson : « Vous avez vaincu l’invincible et la gloire vous suit. »

Le Canada demeura donc sans gouverneur résident ?

Non, Louis XIV nomma en 1747 le comte de la Galissonnière gouverneur suppléant.

Quel était le caractère de ce gouverneur ?

Le comte de la Galissonnière était un homme très brillant ; mais il fut la cause première de la perte du Canada pour la France. Il conçut avec génie le plan hardi d’envelopper les possessions britanniques d’une chaîne de forts qui commenceraient aux grands lacs et s’étendrait d’un côté jusqu’â l’Océan Atlantique, de l’autre jusqu’au golfe du Mexique. Le ministère approuva cette conception gigantesque, mais sans voir l’énergie nécessaire pour parvenir à son but : on n’exécute pas un pareil plan avec une poignée de soldats. De leur côté, les colonies anglaises alarmées pour leur existence même, ne se donnèrent point de relâche, et firent résoudre la guerre. Les colons, moins propres aux armes que les Canadiens, furent souvent battus, mais, comme l’a dit Bonaparte, c’est toujours le grand nombre qui l’emporte à la fin sur le petit. Malgré leurs défaites, les Anglais conservèrent toujours l’idée fixe qu’il leur fallait conquérir le Canada, et ils portaient de temps à autre des coups décisifs qui pouvaient faire présager facilement à qui ces vastes régions devaient appartenir finalement ?

Le comte de la Galissonnière avait-il séjourné longtemps dans la colonie ?

Non, il n’y était demeuré qu’assez de temps pour mettre en marche son projet, et avait été remplacé par M. de la Jonquière, qui avait recouvré sa liberté à la paix d’Aix-la-Chapelle, par laquelle Louisbourg fut restituée à la France.

Quelle fut la conduite de M. de la Jonquière dans la question des frontières ?

Il hésita d’abord à poursuive l’exécution du plan conçu par M. de la Galissonnière, mais il fut blâmé par les ministres, et se trouva forcé d’agir contre ses convictions.

Quand mourut-il, et quel était son caractère ?

M. de la Jonquière mourut à Québec en 1752, avec la réputation d’un bon capitaine et d’un homme doué de prudence, mais son avarice sordide, le népotisme, le péculat même, auquel il ne craignit pas de se livrer, sont de grandes taches à sa mémoire. Il fut imité par l’intendant Bigot, et c’est sous son gouvernement enfin que la corruption commença à se montrer à découvert chez les fonctionnaires publics.

Par qui fut-il remplacé ?

Charles Lemoyne, baron de Longueil, Canadien, alors gouverneur de Montréal, prit en main les rênes du gouvernement en attendant l’arrivée du successeur de M. de La Jonquière, qui fut le marquis Duquesne de Menneville, de la famille du grand homme de mer de ce nom.

Comment ce gouverneur se conduisit-il ?

Nommé sur la recommandation de M. de la Galissonnière, il entra avec ardeur dans son plan, et alla jusqu’à construire le fort de son nom, dans un lieu reclamé comme fesant partie de la Virginie, et à faire évacuer de force un petit fort bâti par les Anglais, qui se mirent à construire le fort Necessity, et y envoyèrent George Washington, depuis si célèbre. M. de Jumonville, sorti du fort Duquesne avec quelques troupes, vint lui défendre de passer outre, mais les Anglais étaient si exaspérés qu’un mouvement général d’indignation et une décharge furent la réponse au mandat du jeune officier qui fut tué avec quelques-uns des siens, et le reste pris. Cependant Washington fut battu par M. de Villiers, qui fut envoyé contre lui avec des forces supérieures, et contraint de retourner sur ses pas.

Les choses en demeurèrent-elles là ?

Non, dans une convention tenue à Albany, en 1754, Benjamin Franklin proposa une fédération des colonies pour organiser une forte résistance aux empiétemens des Français ; les deux nations se préparèrent aussi à la guerre en Europe, et dépêchèrent en Amérique des flottes considérables. Celle d’Angleterre, sous l’amiral Boscawen, enleva à celle de France deux vaisseaux chargés d’ingénieurs et de troupes. Cet incident amena une déclaration de guerre.

Par quel fait d’armes donna-t-elle occasion aux Canadiens de se signaler ?

Le général Braddock, officier expérimenté mais inaccoutumé à la guerre d’Amérique, s’étant engagé avec son armée dans un défilé des monts Alleghanis, méprisant les avis de Washington et des officiers provinciaux, tomba dans un piège que lui avait tendu M. de Contrecœur, d’une famille anoblie en Canada, et fut défait par un simple détachement aux ordres de MM. de Beaujeu et Dumas. Les restes des vaincus se retirèrent avec précipitation, communiquèrent leur désordre à un corps considérable, qui était resté en arrière, et ne s’arrêtèrent qu’au fort Comberland, à cent vingt milles du champ de bataille. Pour le général Braddock, il avait expié son erreur en cherchant la mort, qu’il trouva après avoir eu cinq chevaux tués sous lui. M. de Beaujeu qui s’était couvert de gloire dans cette journée, paya aussi de sa personne et fut blessé grièvement.

Quels furent les autres événemens de cette campagne ?

Le baron Dîeskau, officier recommandé par le maréchal de Saxe, ne fut pas aussi heureux. Il fut fait prisonnier par le général Johnson et perdit huit cents hommes dans une bataille livrée près du lac George, le 8 septembre 1755, et dans une sortie de la garnison du fort Edward, qu’il était chargé d’attaquer.

Le marquis Duquesne était-il encore gouverneur de la Nouvelle-France à cette époque ?

Non, le marquis de Vaudreuil, né à Québec et gouverneur de la Louisiane, avait été nommé pour le remplacer, et ses provisions datées du 1er janvier, avaient été enregistrées au Conseil Supérieur, le 13 juillet 1755. Il soutint la fortune chancelante de la France en ce pays, en fesant faire en deux endroits des diversions capables de tenir les Anglais dans l’inactivité : l’une était conduite par M. de Villiers, et l’autre par M. Chaussegros de Léry, fils du célèbre ingénieur.

Qu’est-ce qui contribua surtout à sauver la colonie à cette époque ?

Ce fut l’arrivée du marquis de Montcalm et du chevalier de Levis avec un corps de troupes.

Quelles furent les actions de Montcalm ?

Les premières années de son généralat furent marquées par d’éclatans succès. Il força à la retraite le lord Loudon, général de l’armée anglaise, prit et démolit, en 1756, les forts Ontario et Oswego, puis le fort George l’année suivante, à la vue, pour ainsi dire, de l’armée du général Webb : des magasins immenses, quatre cents canons furent le fruit de ces victoires. Les drapaux furent suspendus, comme trophées dans les églises à Québec, à Montréal et aux Trois Rivières.

Tant de gloire mit-elle en sûreté le Canada contre les attaques des Anglais ?

Un seul homme fit plus de mal aux Français que n’auraient pu le faire les armées anglaises. Les victoires de Montcalm firent chanceler le ministère anglais. William Pitt, lord Chatham, homme doué au suprême degré du génie de la guerre et du gouvernement, parvint au ministère, d’enseigne dans les gardes qu’il avait été quelques années auparavant. Il remodela l’armée et discerna parmi les jeunes officiers les hommes capables de commander.

Quels furent ses premiers efforts ?

Il organisa trois expéditions simultanées. La première sous l’amiral Boscawen et le général Amherst, conquit de nouveau Louisbourg. Le brigadier Wolf qui devait bientôt s’immortaliser, recueillit une partie de la gloire de cette entreprise. La seconde sous le général Abercrombie, ne se laissant pas décourager par une défaite, s’empara du fort Frontenac, où étaient les principaux magasins des Français, et assura en quelque sorte par là le succès de la troisième expédition, qui, sous le général Forbes, fit tomber ce fameux fort Duquesne, cause principale de la guerre.

Les Français eurent-ils dans cette campagne aussi peu de gloire que de bonheur ?

Non, la gloire de leurs armes, et la réputation de Montcalm furent sauvées et augmentées par la victoire mémorable de Carillon, où 17000 anglais furent repoussés avec désastre des retranchemens français défendus par 4000 hommes, après six heures d’un assaut obstiné. Cette bataille mérite d’autant plus la célébrité que c’est la première fois que les Français ont eu le bonheur de vaincre dans les mêmes proportions numériques que les Anglais à Crecy, à Poitiers et à Azincourt. On dit que ce furent les milices canadiennes, sous MM. Raymond, de St. Ours, de Lanaudière et de Gaspé, qui eurent l’honneur d’aehever la déroute de l’ennemi. — Mais cette grande victoire ne fit tout au plus que retarder d’une année la conquête du Canada.

À quelle époque fut livrée cette bataille ?

Elle eut lieu le 8 juillet 1758.

Quel fut le plan de campagne de Pitt pour l’année suivante ?

Le général Amherst eut ordre de renouveller l’attaque contre Carillon, pour aller ensuite faire sa jonction avec Wolf, qui était chargé d’attaquer Québec. Le général Prideaux allait en même temps conduire une troisième armée contre Niagara. Enfin une réserve se préparait sous le brigadier Haviland.

Quelle expédition fut la première couronnée de succès ?

Ce fut celle qui était destinée contre Niagara. Le général Prideaux ayant été tué par un éclat d’obus, le général Johnson, le même qui avait vaincu le baron Dieskau sur le lac George, pressa le siège avec activité, et se rendit maître de la place, après avoir remporté une victoire complète sur M. d’Aubry.

Quel fut le succès du général Amherst ?

Ce général força les Français de lui abandonner Carillon, mais il ne put franchir l’île aux Noix, où M. de Bourlamaque, puis M. de Bourgainville avaient érigé de formidables retranchemens.

Comment Wolf parvint-il à se rendre maître de Québec ?

Wolf, repoussé d’abord au combat de Montmorency, glorieux pour les armes françaises, et dans lequel se signala le plus M. de Repentiguy, canadien, depuis brigadier général et marquis, parvint quelque temps après à gagner les hauteurs d’Abraham, qui fesaient face à la partie faible de Québec, en forçant l’Anse au Foulon, où commandait M. de Vergor, neveu de M. de la Jonquière, Montcalm crut qu’il n’avait plus de ressource que dans une victoire. Elle l’abandonna avec la vie. Le baron de Sennezergue, son second, M. de St. Ours fesant l’office de brigadier général, furent blessés mortellement, et l’armée demeura sans chef. Wolf reçut aussi un coup mortel, mais il mourut dans les bras de la victoire. En attendant crier : « Ils fuient, » il demanda quels étaient les fuyards « Les Français, » répondit un officier qui le soutenait. — « Quoi ! déjà ! je dois donc mourir content, » dit le général anglais avant de mourir. Il eut les honneurs de Westminster. Montcalm eut pour tombeau une excavation qu’une bombe avait faite dans le mur du couvent des Ursulines. — Après la bataille, le marquis de Vaudreuil, qui avait tenté en vain de rallier l’armée aux portes de la ville, abandonna le camp de Beauport et fit une retraite précipitée à la Pointe aux Trembles, abandonnant l’artillerie, les vivres et le bagage, et rappela à lui M. de Levis. Ce général ranima l’armée, qui marcha au secours de Québec ; mais M. de Ramzay, dont la mémoire a peine à se soutenir en conséquence, et le chevalier de Bernest, venaient de remettre la ville aux Anglais quand elle arriva.

Le Canada ne se soumit-il pas dès lors au vainqueur ?

Non, M. de Levis osa espérer de reconquérir Québec. Il remporta sous ses murs la glorieuse victoire de Ste. Foy, et n’abandonna le siège qu’en conséquence de l’arrivée d’une escadre Anglaise.

L’armée française renonça-t-elle alors à défendre le pays ?

Non, M. de Levis ayant laissé M. Dumas dans le gouvernement de Québec avec un corps d’observation, distribua son armée dans celui de Montréal. Mais le général Amherst ayant enfin franchi les obstacles, s’avançait à marches forcées. Le brigadier Haviland arrivait à La Prairie. Enfin le général Murray venait de Quebec avec toutes les troupes disponibles. L’armée française retraitait de tous côtés devant eux, et se concentrait à Montréal, où elle se trouva pour ainsi dire enveloppée. Cette ville était loin d’être une place forte, comme il est dit dans le Dictionnaire des Sièges et Batailles.

Levis, lui-même, qui ne respirait que la guerre, n’espéra pas de la défendre ; mais il proposa de se retirer dans l’île Ste. Hélène, et d’y défendre jusqu’à l’extrémité l’honneur des armes de France. Le marquis de Vaudreuil, avec plus de jugement, ne pensa plus qu’à obtenir pour les Canadiens les meilleures conditions possibles, et remit au général Amherst la ville de Montréal, dont le colonel Haldimand, depuis gouverneur-général, prit possession en son nom. La France renonça au Canada qui fut définitivement cédé à l’Angleterre par le traité de paix de 1763.

Quelle fut la conduite du général Amherst après la capitulation de Montréal ?

Il conserva la division du pays en trois gouvernemens, et y plaça ses lieutenans.

Quel incident remarquable de l’année 1761 avez-vous à remarquer ?

Ce fut la mort de Charlevoix, historien du Canada.

Comment la justice fut-elle administrée depuis la conquête jusqu’au traité de 1763, ou jusqu’en 1764 ?

On a donné à cette période de temps le nom de règne militaire, mais cette désignation n’est juste qu’en ce sens que des militaires fesaient l’office de juges, et le docteur Labrie, un de nos écrivains, a remarqué avec raison que le régime de cette époque était bien préférable à celui qui fut établi plus tard.

Que fit le général Murray à Québec ?

Ce général établit un conseil qu’il appela quelque fois Cour Martiale et Conseil de Guerre, mais souvent aussi Conseil Supérieur, dont il était en effet comme la continuation, n’en différant presque pas quant au nombre de séances et quant à sa forme. Les conseillers étaient des officiers de l’armée, mais ils étaient tenus de juger selon les lois françaises, la Coutume de Paris, particulièrement, conformément à la capitulation de Montréal ; et comme ils ne connaissaient point ces lois, les jugemens leur étaient pour ainsi dire dictés par le procureur-général et par les assesseurs, qui ne disparurent point. Il y eut deux procureurs-généraux canadiens, qui étaient en même temps Commissaires du conseil ; des prêtres instruits fesaient les fonctions d’assesseurs. — Le général Gage établit dans le gouvernement de Montréal plusieurs chambres de justice.

Plusieurs Canadiens distingués ne laissèrent-ils pas le pays lors de la paix de 1763 ?

Oui, de ce nombre furent Jacques Bedout, de Québec, depuis contre-amiral, P. Martin, qui devint vice-amiral, Jacques Grasset Saint Sauveur, de Montréal, François Joseph Chaussegros de Léry, M. de la Corne, qui fut le compagnon du bailli de Suffren dans ses victoires, M. de St. Simon, compagnon du célèbre de Bougainville, et plusieurs autres.

Qui sont ceux de ces gentilshommes qui se signalèrent le plus dans les armes ?

Ce furent M. de Léry qui devint lieutenant-général dans l’artillerie et le génie, et baron sous Bonaparte, grandcroix de St. Louis et vicomte sous Louis XVIII. Il commanda en chef le génie en Andalousie, en Allemagne, en Russie, et fut chargé par Napoléon de fortifier Lyon en 1815. — L’amiral Martin, commandant la flotte de Toulon, qui fit en 1795 une sortie heureuse contre l’amiral Hotham et Nelson dans la Méditerranée, et enleva un vaisseau de 74. — Louis Philippe, marquis de Vaudreuil, après notre gouverneur-général, fut un des plus célèbres amiraux de Louis XVI, conquit Sénégal, fit pour huit millions de prises, et combattit avec honneur dans les batailles de Cheasapeake, de la Martinique et de la Dominique, journée désastreuse dans laquelle il obtint l’éloge de l’historien Anquetil pour la manière dont il sauva la plus grande partie de l’armée navale, après que le comte de Grasse se fut rendu à l'ennemi. Joseph François de Paule, de la même maison, fut pair de France, lieutenant-général et gouverneur du Louvre.

Par quel mérite se distingua Grasset Saint Sauveur ?

Il fut consul de France en Hongrie, et auteur d’un grand nombre d’ouvrages, longtemps recherchés, dans le genre de l’histoire et du roman.

Quels furent les premiers Canadiens qui parurent à la Cour d’Angleterre ?

Ce furent le chevalier et la chevalière de Léry, qui furent présentés à George III.

Quelles paroles obligeantes le monarque dit-il à Madame de Léry ?

Il voulut bien lui dire que si toutes les dames canadiennes étaient semblables à elle, il avait fait une belle conquête.

À quelle révolution le Canada fut-il soumis en 1764 ?

Par une Proclamation Royale du mois d’octobre 1763, le pays fut soudainement soumis à la législation d’Angleterre, code difficile à administrer même dans les Iles Britanniques, à cause de sa complication, et auquel les Canadiens ne pouvaient rien comprendre. Ajoutons que ce code ne leur fut pas même administré par des hommes de loi, et le seul jurisconsulte anglais qui parut dans le pays fut le célèbre Mazères, depuis baron de l’Échiquier en Angleterre, et qui fut fait procureur-général. On choisit pour juge en chef un homme pris de justice. Suivirent des abus auxquels on aurait peine à croire si le témoignage de notre célèbre patriote Du Calvet n’était corroboré par celui du général Murray lui-même. Les Canadiens pouvaient encore en certains cas recourir au tribunal des seigneurs qui étaient assez riches pour entretenir des officiers de justice, mais les justices seigneuriales furent supprimées par une ordonnance de l’année 1764.

Le Canada conserva-t-il ses anciennes limites ?

Pour comble de rigueur, on démembra du Canada l’île d’Anticosti et la côte méridionale du Labrador ; le lac Champlain et tout l’espace au sud du 45ème degré de latitude, ainsi que l’immense territoire à l’ouest du fort Ossouegatchie. Le reste prit le nom de Province de Québec, dont le général Murray fut le premier gouverneur.

Quelle fut la conséquence de cette démarcation territoriale ?

Le Canada fut par là non seulement rétréci, mais fut dépouillé de sources imporportantes de commerce et de richesses. Les Canadiens sentirent alors l’injustice de ce procédé, et l’Angleterre en reconnut quelques années après l’impolitique, puisqu’une grande partie du territoire détaché du Canada resta aux Américains.

Les Anglais étaient-ils cependant bien affermis dans leur nouvelle conquête ?

S’il y avait peu de dangers qu’ils en fussent dépossédés, ils trouvèrent pourtant dans le fameux Ponthiac un ennemi qui aurait pu devenir formidable. Ce chef, ami des Français, avait refusé de se soumettre au major Rogers, envoyé par le général Amherst pour prendre possession du Détroit et de Michillimakinac. Il conçut le vaste projet de réunir les tribus de l'est et du sud-ouest dans une attaque simultanée et soudaine contre tous les postes que les Anglais occupaient autour des sauvages aux deux extrémités du lac Ontario, au midi et à l’occident de l’Erié, autour du Michigan sur l’Ohio, l’Ouabache et l'Illinois.

Quels étaient ces postes ?

On tenait sur cette immense étendue de pays Frontenac, Pittsburg, ci-devant Duquesne, Buffalo, Niagara, Sandoske, le Détroit, Michillimakinac, &c.

Quel fut le succès de cette entreprise ?

De onze forts neuf succombèrent, entre autres, Presqu’île et Michillimakinac, dont le commandant ne dut la vie qu’à M. de Langlade, gentilhomme canadien, fort influent chez les nations sauvages. — Ponthiac parut devant le Détroit où se trouvait le major Gladwin avec 300 hommes, et se logea dans les faubourgs. Il défit sir B. Devers, qui venait au secours de la place, et dans une autre occasion il s’empara de 30 bateaux chargés de troupes. Un navire de guerre parvint à jeter du secours dans la place ; le 22 juillet les Anglais reçurent encore un secours de 300 hommes et attaquèrent Ponthiac qui les défit à plate-couture près d’un pont qui retint le nom de Bloody-Bridge. Le gouverneur fut tué dans le combat.

Le Détroit succomba-t-il ?

Ponthiac s’en serait rendu maître s’il n’avait appris la marche du général Bradstreet à la tête de 3000 hommes, et celle d’un détachement de troupes et de 600 Canadiens envoyés par le général Murray. Le 3 avril 1765, le fameux général Johnson, qui avait conduit aux sièges de Niagara et de Montréal les Iroquois, dont il avait eu l’habileté de se faire le chef suprême, put réunir au Sault Ste. Marie les députés de vingt-deux nations qui firent la paix avec le roi George. Sir John Johnson, son fils, se fixa en Canada et joua un rôle dans son histoire.

Que devint Ponthiac ?

Ce sauvage redoutable retraita jusqu’aux Illinois, refusant de négocier. Il fut assassiné en 1767 par un guerrier Peoria, qui voulait servir les Anglais. Il voulait, en s’emparant du Détroit, en faire le siège de sa domination, qui devait s’étendre sur toutes les tribus de l’ouest, et former une puissance qui eut pu devenir formidable aux nouveaux possesseurs du Canada.

Le général Murray était-il encore gouverneur de la province de Québec ?

Il fut rappelé au commencement de l’année 1765, pour rendre compte de sa conduite.

Quel était le caractère de ce général ?

On l’a accusé d’avoir été trop ami des soldats. Mais il fut en même temps l’ami des Canadiens, et mitigea en leur faveur les rigueurs de l’Angleterre, particulièrement en émanant avec son conseil une Ordonnance qui leur accordait l’usage de leurs anciennes lois en matière féodale et dans la possession de leurs biens-fonds. Mais plusieurs de ses ordonnances furent traitées comme nulles à Londres.

Comment se conduisit-il devant ses juges ?

Le général Murray alla à Londres braver les courtisans, et dans ses réponses aux interrogatoires qu’on lui fit subir, il mit à nu l’iniquité de la conduite du pouvoir envers les Canadiens. Il avait reçu avant de partir les remercimens du Conseil, du clergé et des habitans du pays, pour son administration équitable. Il fut remplacé par le brigadier-général Carleton, qui arriva à Québec en 1766.


Que se passa-t-il de remarquable à cette époque ?

Le 29 mars 1766 fut signé à Londres pour les Rois de France et d’Angleterre la convention pour la liquidation du papier-monnaie appartenant aux nouveaux sujets de la Grande-Bretagne, convention qui est mentionnée dans le traité du Droit des Nations du docteur Martens, de l’université de Goëtingue.

Donnez un mot d’explication au sujet de cette convention.

Dans les trente dernières années de la domination française, l’introduction d’un papier-monnaie ou de billets d’une valeur courante avait été jugée nécessaire pour soutenir les dépenses de la colonie. L’intendant Bigot profita de l’existence de ces fonds nominaux pour couvrir ses rapines. Il tira sur la trésorerie. Mais au moment où les Anglais s’emparaient du pays, les Canadiens apprirent que les lettres de change qu’il avait tirées l’année précédente n’avaient pas été payées, et qu’il ne lui était plus permis le tirer de nouveau. Le Roi fit connaître par le canal du ministre des colonies que le manque de ressources le forçait de suspendre le paiement de ces lettres. L’Angleterre obtint aux Canadiens un dédommagement de trois millions en contrats et de six cent mille livres en argent.

Quel était alors l’état de l’église du Canada ?

Ce pays avait été sans évêque depuis six ans. Henri Marie Dubreuil de Pontbriand, dernier évêque sous la domination française, avait suivi l’armée à Montréal, après la perte de Québec. Il y mourut en 1760 chez MM. de St. Sulpice, et fut inhumé dans leur église. Environ quatre-vingts ans après, les évêques de Juliopolis et de Telmesse firent la translation de ses restes retrouvés dans ce temple qui a fait place à la belle basilique qui existe aujourd’hui. Le grand-vicaire Jean Olivier Briand, après avoir sollicité longtemps en Angleterre, et obtenu avec peine le consentement du Roi, reçut ses bulles du pape Clément XIII, et fut sacré à Paris en 1766 par l’évêque de Blois, autorisé par Christophe de Beaumont, archevêque de Paris. Il repassa par l’Angleterre, et débarqua à Québec le 28 juin de la même année.

Quel était le caractère du général Carleton ?

Ce général était peut-être encore plus ami des Canadiens que le général Murray. Il prit part à leurs peines, et contribua plus que personne à préparer l’acte de 1774, qui devait être un premier pas vers leur affranchissement. Indigné des abus crians qui s’étaient glissés dans l’administration de la justice, il fit faire une enquête sérieuse. Il renouvella plusieurs bonnes ordonnances françaises concernant la police, et étudia avec zèle l’ancien système, se fesant aider par Cugnet, jurisconsulte Canadien recommandable, fils d’un procureur-général de la colonie, dont il encouragea les travaux. Il désira de voir la Coutume de Paris et ses commentaires, abrégés et rédigés d’une manière mieux adaptée à l’usage du pays. Ce travail, fait par Cugnet, et d’autres légistes canadiens, fut revu en Angleterre par sir James Marriot, avocat-général, et par Turow, alors procureur-général, et depuis lord chancelier, et le solliciteur-général Waddeburne, et publié à Londres en 1773. Le régime féodal fut conservé à la suite d’une enquête, et Cugnet écrivit, toujours à la sollicitation du gouverneur, un bon traité des fiefs, adapté au pays, et précieux pour son histoire.

Quels avantages procura aux Canadiens l'acte de 1774 ?

Cet acte du Parlement Impérial leur rendit leurs anciennes lois quant au civil, ne leur imposant que le code criminel anglais, qui passait alors pour préférable aux lois criminelles de la France. On ne leur imposa plus de serment qui répugnât trop à leur conscience, et ils purent ainsi accepter des charges publiques. Enfin le Canada recourvra en partie ses anciennes limites.

Quel navigateur se distingua vers le même temps ?

Samuel Hearne achevait un peu avant cette époque ses voyages de découvertes commencés en 1769, sous les auspices de la compagnie de la Baie d’Hudson. Il était entré dans l’Océan Glacial.

La compagnie de la Baie d’Hudson, dont vous venez de parler, est-elle bien ancienne ?

Oui, en 1668, le fameux prince Rupert, neveu de Charles 1er, fonda le fort Charles, et l’année suivante la compagnie de la Baie d’Hudson, qui a toujours existé depuis, fut incorporée.

Quel fut le plus grand événement arrivé en Amérique en 1775 ?

Ce fut l’insurrection des colonies anglaises.

Les Américains ne cherchèrent-ils pas à entraîner les Canadiens dans leur révolte ?

Oui, mais ce fut avec peu de succès, tant à cause de la maladresse qui régnait dans leurs manifestes, que parce que les Canadiens étaient alors contents du gouvernement et surtout de leur gouverneur.

Que firent alors les Américains ?

Non contens de défendre le pays contre les troupes anglaises, ils eurent la hardiesse d’envahir le Canada. Deux détachemens de l’armée des insurgés, sous Montgomery, compagnon de Wolfe, au siége de Québec, et Arnold, s’y jetèrent.

Dans quel état était alors la province ?

Elle était dénuée de troupes. Montgomery, se saisit sans coup férir du fort de St. Jean, où il ne trouva qu’un sergent et quelques soldats.

Quels furent ceux qui marchèrent les premiers à la défense de la frontière au moment du danger ?

Les principaux nobles du pays, les de Lotbinière, de St. Ours, d’Eschambault, de Tonnancour, de Salaberry, de Rouville et de Boucherville, de Lacorne, de Labruère, de Montigny, de Florimont, de la Madeleine, de Montesson, de Rigouville, et autres, et le baron de Longueil lui-même, rappelant les temps où c’était la chevalerie qui soutenait le fort des combats, se placèrent sous les ordres de M. Picoté de Bellestre, leur compatriote, gouverneur du Détroit sous les Français, et reprirent St. Jean l’épée à la main. Ils le défendirent ensuite pendant deux mois avec le major Preston, et se couvrirent de gloire, car si l’on considère que St. Jean était un mauvais fort, jamais place ne fut mieux défendue.

Montgomery s’était-il borné au siège de St. Jean ?

Non, il envoya les majors Brown et Livingston s’emparer de Chambly, et le colonel Allan traversa le fleuve pour attaquer Montréal ; mais il fut repoussé et pris par Carleton.

Le colonel McLean et M. de Beaujeu eurent-ils le même succès que le gouverneur ?

Non, s’étant portés contre les Américains pour faire lever le siège de St. Jean, ils furent obligés de retraiter vers Québec, l’ennemi fesant toujours du progrès.

Quelle fut la conséquence de cette retraite ?

Elle mit le général Carleton dans une situation périlleuse à Montréal, et ses troupes qui abandonnèrent cette ville ne tardèrent pas en effet à tomber entre les mains des Américains avec le général Prescott, depuis un de nos gouverneurs. Montgomery entra à Montréal le 12 novembre. Dans le même temps, Arnold arrivait dans les environs de Québec, après une marche célèbre à travers les forêts qui séparent le Canada des Etats-Unis. Le colonel McLean mettait la ville en défense.

Qu’était devenu le général Carleton ?

Ce général parvint à atteindre Québec, sur un esquif où le fit embarquer le capitaine Bouchette de Gaspé, et père de l'arpenteur général, qui le fit déguiser en habitant de la campagne, et le conduisit vers la capitale avec M. Charles de Lanaudière, aide-de-camp provincial, et un vieux sergent du nom de Bouthillier.

Quel fut le premier soin de Carleton quand il fut entré sain et sauf à Québec ?

Il fit sortir de la ville ceux qui n’étaient pas disposés à la défendre, et flatta le courage des autres.

Quel fut le principal événement du siège ?

Ce fut l’assaut du 31 décembre où Montgomery fut tué avec ses deux aide-de-camp, et Arnold blessé dangereusement.

Les Américains levèrent-ils le siège ?

Non, il fut continué l’année suivante par le général Wooster, puis par le général Thomas. — Durant ce blocus, l’actif et loyal M. de Beaujeu, peu découragé par l’insuccès précédent, était stationné avec des Canadiens sur la rive droite du fleuve, et interceptait les convois destinés aux Américains, comme le reconnait Roux de Rochelle, envoyé de France aux États-Unis, dans son bel ouvrage sur l’Amérique.

Les sauvages ne firent-ils pas une puissante diversion en faveur des Anglais dans cette campagne ?

Oui, sollicités en 1775 par Sir John Johnson et M. de Lacorne St. Luc de prendre les armes, ils avaient promis d’entrer en campagne aux premières feuilles de l’année suivante. En 1776, ils forcèrent le colonel Bedell à capituler aux Cèdres avec 400 hommes et deux canons, et le major Sherburne, qui venait de Montréal au secours de Bedell, eut le même sort.

Quand le siège de Québec fut-il levé ?

Le 5 mai, le général Thomas, averti de l’arrivée d’une flotte anglaise au secours de Québec, leva le siège, et fut poursuivi par Carleton, qui lui fit éprouver de grandes pertes. Le général Américain mourut durant la retraite. Le général Sullivan rencontra avec 4000 hommes les fuyards sur la rivière de Richelieu, et prit le commandement en chef ; mais une partie de cette armée ayant été défaite près des Trois Rivières par le gouverneur qui fit prisonniers un général et un colonel, elle continua sa retraite, évacua Chambly, St. Jean et l’Ile aux Noix, et fut jointe par Arnold, qui venait d’évacuer Montréal. Leurs forces réunies s’arrêtèrent à Ticonderoga et à Crown-Point.

Quel projet forma alors le général Carleton ?

Il résolut de se rendre maître de la navigation du lac Champlain, et pour dérober aux Américains la connaissance de ce dessein, il fit venir d’Angleterre les ancres, les agrès et les bois tous travaillés des vaisseaux qui devaient être armés. Tous ces matériaux, après avoir traversés pêle-mêle l’océan, furent transportés par le St. Laurent et le Richelieu, jusqu’au chantier de construction où il n’y eut plus qu’à les assembler.

Qu’y a-t-il d’encore plus remarquable dans cette entreprise ?

C’est que le capitaine, depuis l’amiral Pringle, qui devait diriger la flotille, conduisait avec lui le lieutenant Nelson qui fut depuis un homme si extraordinaire.

Quel fut le succès de l’expédition ?

Le général Carleton s’étant embarqué sur la flotille, détruisit l’escadrille américaine, commandée par Arnold, dans les combats de l’île Valicourt et de Crown-Point, et força le général Sullivan d’évacuer cette place.

Que se passa-t-il en 1778 ?

Washington adressa en vain aux Canadiens de nouvelles Proclamations, et le comte d’Estaing, amiral de France, en fit autant. — la même année, l’imprimerie fut établie en Canada par M. Fleury Mesplet, qui avait exercé son art à Philadelphie, et qui était artisan de l’Angleterre.

Ne fut-ce pas aussi en 1778, que le général Haldimand vint en Canada ?

Oui, il succéda au général Carleton, qui avait demandé son rappel, et l’un de ses premiers soins fut de faire travailler au recensement de la province qui se trouva contenir 113,012 habitans.

Qu’y a-t-il de plus remarquable durant son administration ?

Les faits les plus remarquables de son administration sont, l’ambassade que lui envoyèrent les Iroquois pour trouver quelque soulagement aux maux que leur avait causés l’expédition du général américain, Sullivan, l’hommage que M. de Montgolfier et MM. de St. Sulpice firent au roi d’Angleterre entre ses mains pour la seigneurie de l’ile de Montréal, et la noble résistance que fît à sa conduite arbitraire le véritable patriote Du Calvet, homme d’une éloquence plus qu’ordinaire.

Qu’y a-t-il de plus à dire de ce Canadien illustre ?

Il ne contribua pas peu à faire rappeler le général ; il écrivit pour le Canada un plan de Constitution qui fut suivi presque en entier en 1791, et sacrifia totalement une fortune immense pour le bien de son pays.

Quel fut le premier Canadien qui fut évêque de Québec ?

Ce fut en 1784, Louis Philippe Mariacheau d’Esglis, déjà évêque de Dorylée, né à Québec en 1710.

Quel fut le nouveau gouverneur ?

Le général Carleton, qui avait été nommé en 1782, généralissime de l’armée contre les Américains et les Français, et qui avait été fait lord sous le titre de Dorchester, fut créé capitaine-général des Provinces de l’Amérique Septentrionale en 1786.

Qu’arriva-t-il de remarquable en 1787 ?

Cette année, le prince William-Henry, troisième fils du roi, et depuis Guillaume IV, visita le Canada. Jamais prince n’avait encore paru dans ce pays. — Cet événement fit sensation parmi les Canadiens, et les habitans de Sorel voulurent changer le nom de cette place pour celui de William-Henry qu’elle porte officiellement. — La même année, ou à peu près, la compagnie du Nord-Ouest commença à acquérir de l’importance.

Dites un mot de l’origine de cette compagnie.

Après que le Canada eut passé sous la domination anglaise, de riches négocians canadiens, les de Langlade, les Tabeau, les Fromenteau, les Giasson, et autres, continuèrent avec les Sauvages la traite des pelleteries. Quelques Anglais les imitèrent, mais aucun d’eux n’osa d’abord s’éloigner de Michillimakinac. En 1776 cependant, Benjamin Frobisher atteignit pour le moins les dernières limites des découvertes des Français et des Canadiens, et deux ans après Peter Pond entra dans le pays d’Athabaska qui, jusques alors, n’avait été connu que d’après le rapport des Sauvages. En 1783, des marchands puissans s’associèrent sous les noms et raisons de Frobisher, MacTavish & Compagnie, et l’association prit le nom de compagnie du Nord-Ouest. Elle expédia en 1788 pour 40,000 livres sterling de fourrures. Onze ans après, ses exportations s’élevaient à plus de 100,000 livres. En 1798, elle recueillit 106,000 peaux de castor, 4,600 de loutres, 17,000 de martres, 6,000 de lynx, 3,800 de loups-marins.

L’année 1791 ne fournit-elle pas à l’histoire du Canada un événement bien mémorable ?

Oui, le Parlement Impérial d’Angleterre, à la suite des débats auxquels prirent part MM. Pitt, Fox et Edmond Burke, trois des plus grands hommes d’état de leur temps, accorda au Canada une constitution dans le genre de celle de la Grande-Bretagne, et dans laquelle le gouverneur devait représenter le roi, le conseil législatif la chambre des lords, et une assemblée législative, les communes. — Le Canada fut aussi divisé en deux provinces, de l’avis d’Edmond Burkey qui jugea absurde toute tentative de joindre ensemble deux peuples dont les lois, le langage et les mœurs étaient dissemblables.

Quand cette constitution commença-t-elle à fonctionner ?

Elle commença à fonctionner à la suite d’une proclamation émanée en l’absence de lord Dorchester (qui s’était transporté en Angleterre pour contribuer à faire réussir la mesure) par le général Clarke, lieutenant-gouverneur, laquelle annonçait la division des deux provinces. Par une proclamation subséquente, il divisa le Bas-Canada en 21 comtés, et le colonel Simcoe, lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, divisa cette province en 19 comtés.

Quand la nouvelle législature commença-t-elle à siéger ?

Ce fut au mois d’octobre 1792, dans le Canada-Supérieur, et le 17 décembre dans le Bas-Canada. — Le général Clarke ouvrit la première session de notre premier parlement au château St. Louis de Québec, et M. S. A. Panet fut élu premier orateur ou président de la chambre-basse.


Quel grand personnage la ville de Québec eut-elle vers le même temps pour gouverneur militaire ?

Ce fut son altesse royale le prince Edouard, depuis duc de Kent, qui passait de Gibraltar à Québec. Il reçut au château les respects des officiers civils et militaires, du clergé, de la noblesse et de la haute bourgeoisie.


Quel est le fait le plus remarquable de l’année 1793 ?

En cette année, M. Mackenzie, autrefois marchand de Montréal, mais depuis quelques années un des associés de la compagnie du Nord-Ouest, acheva des voyages de découverte commencés en 1789, et qui lui valurent la chevalerie. Sir Alexander Mackenzie parti du fort Chippeway sur le lac Athabaska, parcourut le lac des Esclaves, l’Unjijah ; traversa les Montagnes Rocheuses et atteignit l’Océan Pacifique. Ses voyages, utiles à la compagnie du Nord-Ouest, sous le rapport du commerce, enrichirent aussi jusqu’à un certain point la géographie et l’ethnographie.

Le parlement provincial ne fît-il pas la même année un statut remarquable ?

Oui, lord Dorchester et le parlement adoptèrent dans cette province contre les étrangers des mesures analogues à celles adoptées en Angleterre par M. Pitt, et suspendant à leur égard l’Habeas Corpus, privilège introduit en Canada en 1763, avec les lois anglaises, et renouvellé par l’ordonnance de 1784. Le conseil législatif, dans sa réponse au discours d’inauguration du général Clarke en 1792, avait déjà protesté solennellement contre les actes barbares et cruels de la république française. De Larochefoucault Liancourt ne put pénétrer dans le Bas-Canada en 1795. Mais ce pays fut un refuge pour les prêtres que la convention avait recherchés pour les envoyer à la mort, et pour quelques royalistes. Le marquis de Puisaye vint à Québec après avoir échoué dans l’attaque de Quiberon. M. de Calonne, frère ou parent du célèbre ministre de Louis XVI, vint se distinguer en Canada comme prédicateur. Le pays fut aussi visité par Chateaubriand.

Quels sont les principaux incidens de l’année 1796 ?

Ce fut à cette époque que lord Dorchester laissa définitivement le Canada, au grand regret des Canadiens. Il mourut en 1808 avec la réputation d’un bon-général et d’un administrateur juste, d’ailleurs homme de peu d’énergie, mais à qui son épouse, la fameuse milady Carleton, savait communiquer toute la sienne. — Il eut pour successeur le général sir Robert Prescott, dont l’adminisition n’offre rien» d’historique. — Il fut formé cette année même un régiment canadien de troupes réglées, sous le nom de Volontaires Canadiens Royaux, qui eut pour colonel le baron de Longueuil, et pour major M. Louis de Salaberry, respectable vétéran, et père du vainqueur de Chateauguay.

L’année 1796 ne fut-elle pas encore marquée par la mort d’un personnage qui figure avec gloire dans l’histoire du Canada ?

Oui, c’est le field-marshal Amherst, baron de Montréal, qui avait eu deux fois avant de mourir le bâton d’or de commandant en chef, et qui doit être regardé comme notre premier gouverneur sous la domination anglaise.

Y avait-il encore en Canada à cette époque des membres db l’ancienne compagnie de Jésus ?

Il y en avait quelques-uns, nue le gouvernement laissait usufruitiers de la plus grande partie de leurs biens, malgré l’abolition de leur ordre. Mais comme ils étaient presque tous morts en 1793, la chambre d’assemblée eut la prudence de présenter au Roi une pétition pour s’assurer que ces biens ne seraient point, après la mort au dernier membre de compagnie, employés pour un autre objet que l’éducation de la jeunesse canadienne pour laquelle ils avaient été concédés par le Roi de France. Le R. P. Jean Joseph Casot, dernier jésuite canadien, étant mort en 1800, la chambre demanda à la couronne communication des documens et papiers qui pourraient lui faciliter une enquête sur les droits que le pays pouvait avoir à ces biens. En cette occasion, le Roi agit avec si peu de véritable dignité que de répondre que le résultat de la prise en considération des réclamations de la province avait été l’ordre de prendre possession de ces biens pour la couronne, et qu’en insistant, la chambre semblerait se départir du respect qu’elle avait toujours montré pour les décisions de sa majesté, dans des matières liées avec ses prérogatives.

L’année 1803 n’offre-t-elle rien qui soit digne de remarque ?

Il y eut au mois de juin un incendie considérable à Montréal. L’ancienne résidence et l’église des jésuites, bâties en 1692, et le château Vaudreuil, bâti en 1723, et servant de collège depuis 1773, furent la proie des flammes, ainsi qu’un grand nombre de maisons. — La même année parut une décision du juge-en-chef de Montréal, déclarant l’esclavage incompatible avec les lois du pays.


La bataille de Trafalgar ne fit-elle pas une grande sensation en Canada en 1806 ?

On apprit à Québec cette glorieuse victoire le 2 janvier. — Elle procura aux Canadiens l’occasion de donner des marques de l’intérêt qu’ils y prenaient par des illuminations et des chansons patriotiques. J. O. Plessis, alors évêque de Canathe, prononça sur cet événement un discours très remarquable, afin les habitans de Montréal, par l’entremise de sir Alexander Mackenzie, John Gillespie et Thomas Forsyth, chargèrent Robert Mitchell, artiste de Londres, du monument Nelson, en l’honneur du grand homme qui avait navigué sur le St. Laurent.

Par qui le Canada était-il alors administré ?

Il avait été administré par sir Robert Shore Milnes, (sous les auspices duquel furent publiés les « Édits et Ordonnances royaux » ) jusqu’en 1805, puis alors, par l’honorable Thomas Dunn, le plus ancien conseiller, en qualité de Président.

À quelle époque la province eût-elle un nouveau gouverneur-général ?

En 1807 arriva à Québec le général sir James Craig, qui avait servi en Amérique, conquis sur les Hollandais le Cap de Bonne-Espérance, et commandé l’armée anglaise en Sicile.

Jusqu’à quelle époque gouverna-t-il le pays ?

L’apparence d’une rupture avec les Etats-Unis, obligea en 1811, le cabinet de St. James de rappeler ce militaire, qui s’était fait extrêmement haïr des Canadiens, et l’honorable Thomas Dunn fut Président pour la seconde fois, en attendant son successeur.

À qui les charges de capitaine-général et de vice-amiral des provinces de l’Amérique Britannique furent-elles confiées à cette époque ?

Dans l’attente de la guerre, on les confia à sir George Prévost, fils du général sir Austin Prévost, qui avait été membre du conseil supérieur, et qui s’était couvert de gloire par la défense de Savanah contre une armée de 8000 hommes sous le général Lincoln, et 20 vaisseaux de ligne sous le comte d’Estaing. — Sir George, lui-même, né dans un camp, avait repoussé de la Dominique, l’amiral français Messiessy, conquis la Guadeloupe et la Martinique.

Quel est le caractère de l’administration de ce général ?

Sir George Prévost trouva le pays divisé en deux factions au-dedans, avec une guerre imminente au dehors. Il gagna de suite le cœur des Canadiens. Il n’avait point de troupes ; les légions britanniques étaient occupées sous Wellington. Il crut les Canadiens capables de défendre le pays, et les Canadiens se rangèrent avec dévouement sous ses drapeaux. Son parlement l’autorisa à incorporer et à mettre sur pied, en cas d’invasion, toute la milice canadienne, et ainsi la législature fit ce que n’avait pu faire Carleton lui-même, de tous les Canadiens autant de soldats. — Elle fit plus… elle autorisa le général à émettre des billets d’armée au montant de £250,000 pour subvenir aux frais de la guerre, et les déclara monnaie courante et légale.

Le Canada était donc dénué de troupes réglées ?

Il n’y avait pas 3000 soldats dans les deux Canadas.

Par qui le Haut-Canada fut-il sauvé ?

Le Haut-Canada fut sauvé par deux héros, le général Brock, président de cette province, et Tecumseh.

Dites-nous quelques mots de ce grand chef, Tecumseh.

Tecumseh, universellement regardé comme un génie supérieur, avait fait des rives de l’Ouabache le théâtre de ses exploits contre les Américains, et avait laissé la fortune indécise entre le général Harrison et lui à la bataille de Tippecanoe. Les Shawanis, sa nation, avaient néanmoins été presque détruits ; les Yendats ou Hurons le choisirent pour grand-chef contre leurs usages, bien qu’il n’eut que 30 ans et qu’il fut étranger. Sa réputation s’étendit chez les autres tribus et lors de la déclaration de guerre, il fit alliance avec l’Angleterre, et les amena en masse au secours des Canadas, dont elles furent peut-être le plus sûr rempart durant sa vie. On le vit battre le major Van Horne, triompher du général Clay, sous les murs du fort Meigs, enlever au général Harrison ses bagages et plus de mille bêtes-à-cornes, et périr en avançant toujours à la bataille ides villages Moraviens.

Comment les services de ce sauvage extraordinaire furent-ils récompensés ?

Les habitans du Haut-Canada ont ouvert, il y a un nombre d’années, une souscription pour ériger un monument à ce défenseur de leur province, mais ce noble dessein n’a pas encore été exécuté.

Racontez-nous les exploits du général Brock.

Ce héros, avec une poignée de braves, chassa le général Hull du territoire britannique, qu’il avait envahi, mît en sûreté Amherstburg, tenta un coup de main contre le Détroit où il prit toute l’armée américaine, se vit bientôt maître de tout le Michigan, et mourut au sein de la victoire à la bataille de Queenstown.

Par qui le Bas-Canada fut-il principalement préservé ?

Par la valeur des Canadiens et la sage distribution que sir George Prévost sût faire de leurs forces. — Le général-en-chef des Américains Dearborn, ayant laissé Albany pour s’approcher de la frontière, un nombre de bataillons de milice de l’île de Montréal et des paroisses du nord traversèrent le St. Laurent à Longueil, à Laprairie et au Sault St. Louis, et se réunirent sous leur colonel-général Deschambault, respectable vétéran, qui avait été officier-supérieur dans le 109ème régiment de ligne. — Un corps avancé fut posté à Lacolle, où il y eut quelques escarmouches, à la suite desquelles l’armée ennemie crut devoir se retirer au-delà des lignes.

Dans quelle action les Canadiens se signalèrent-ils davantage ?

Ce fut à Chateauguay. — Le général Hampton qui devait agir de concert avec le général-en-chef, s’étant avancé jusqu’à Chateauguay, à la tête de 7000 hommes, trouva le terrain embarrassé et occupé par 300 hommes, la plupart du corps des Voltigeurs canadiens, sous les ordres du colonel de Salaberry, qui avait combattu à Middleburg et à Flessingue sous lord Chatham, à l’assaut de Badajos et à la bataille des Arapiles ou de Salamanque sous Wellington. Après un combat obstiné il fut obligé de retraiter avec honte devant cette poignée de héros qui n’étaient qu’un avant-poste du corps du général de Watteville campé un peu en arrière. — L’Angleterre sentit qu’elle devait récompenser l’héroïsme de Salaberry et des Canadiens. — Elle fit frapper une médaille d’or. Les voltigeurs reçurent des drapeaux avec de glorieuses inscriptions, et le prince régent honora le vainqueur d’une lettre autographe et de l’ordre du Bain.

Mais les Américains ne furent-ils pas plus heureux dans le Canada-Supérieur ?

Cette province en effet sembla un moment perdue. L’ennemi entra à Toronto, capitale du pays, et força le général Sheaffe de se retirer à Kingston. Il chassa le colonel Vincent du fort George et s’empara de toute la rivière Niagara. Cet officier, depuis général, se vit contraint de retraiter jusqu’aux hauteurs de Burlington, à l’extrémité du lac Ontario. Tout paraissait perdu, quand le colonel, aujourd’hui sir John Harvey, pénétra de nuit dans le camp américain avec 700 hommes, fit un grand carnage et emmena captifs deux généraux, et quantité d’officiers et de soldats, L’ennemi se retira alors au fort George où 6000 Américains se virent longtemps bloqués par 2500 hommes. Ce fort fut pris en 1813, et même celui de Nïagara sur la frontière des États-Unis.

Quand sir George Prévost laissa-t-il le Canada ?

Le général Prévost fut obligé de laisser l’Amérique vers la fin de la guerre pour se défendre contre des accusations portées contre lui par sir James Lucas Yeo, commandant-en-chef de la marine sur les lacs. Le général avait montré un talent rare pour la défensive dans la manière dont il avait distribué son armée pour repousser les armées d’invasion, et le résultat de ses combinaisons avait été une série de victoires non moins décisives que glorieuses à Chateauguay, à acolle, à Chrystler’s Farm et ailleurs ; son peu de bonheur à Sackett’s Harbour et à Plattsburg, où il commandait une armée de a,000 à 11,000 à 14,000 hommes, le fit juger au contraire peu habile dans l’attaque, et lui attira, outre l’indignation des marins, celle des vétérans de Wellington, qui se voyaient vaincus pour la première fois par un ennemi indigne d’eux. Quoi que l’on doive penser de cette question, le parlement, le clergé et le peuple du Bas-Canada s’adressèrent, au prince régent pour faire la louange du gouverneur chéri qu’on leur ravissait, et pour affaiblir l’effet des accusations portées contre lui. Il avait régné dans les cœurs de tout un peuple, il avait défendu avec succès ses foyers et s’était attendu en conséquence à vivre dans la postérité. Le passage trop soudain des espérances de gloire aux appréhensions de la flétrissure que pouvaient lui infliger ses ennemis, le mit au tombeau avant que la cour martiale ne se fût assemblée. Cette mort sera toujours un événement tragique aux yeux des Canadiens, mais ils apprendront avec plaisir qu’elle désarma ses accusateurs, et que la mémoire de l'illustre soldat qui leur était cher ne fut point flétrie. Le prince régent regretta qu’il eût été question d’un tribunal, et pour le faire oublier, il honora les services de sir George et de son père en accordant à sa famille de glorieuses armoiries, comme nous l’apprend le grand historien Alison.

Comment ce général fut-il remplacé ?

Le général sir Gordon Drummond, ci-devant président du Canada-Supérieur, et qui avait contraint les Américains d’évacuer cette province, à la suite de la bataille de Niagara, qu’il leur avait livrée, à la vue de la cataracte, prit les rênes du gouvernement comme administrateur.

Quel fut le nouveau gouverneur-général ?

Ce fut en 1816, le général Sherbrooke, militaire de distinction. — Il eut pour successeur en 1818, Charles Lennox, duc de Richmond et d’Aubigny, qui avait été lord lieutenant d’Irlande et grand-maître de l’ordre de St. Patrice.

Ce gouverneur illustre administra-t-il longtems les affaires du pays ?

Non, il mourut l’année suivante à Kingston de la morsure d’un petit chien favori qui «&e trouva attaqué de la rage. — Son corps fut transporté à Québec et y fut inhumé avec une pompe extraordinaire.

Par quels phénomènes l’année 1819 fut-elle encore signalée ?

Il y eut, à Montréal surtout, une obscurité complète, accompagnée de temps à autres de phénomènes ignés qui effrayèrent les habitans. La foudre tomba sur le clocher de la grande église paroissiale, y mit le feu et fit tomber la croix. Une description intéressante des phénomènes qui eurent lieu dans l’air fut lue un peu plus tard dans une des sociétés savantes d’Édimbourg. Il paraît par une communication du savant professeur Hall à l’Académie américaine des Arts et des Sciences, reproduite dans le Journal Philosophique d’Édimbourg, que les mêmes phénomènes à peu près qu’à Montréal, eurent lieu à Middlebury, dans l’état de Vermont.

Quel fut le premier évêque canadien qui alla à Rome ?

Ce fut l’illustre Plessis, qui passa en Italie en 1819 même, sous le pontificat du vénérable Pie VII, pour les besoins de l’église du Canada. Ce pontife témoigna le désir d’ériger en métropole le siège de Québec, mais cette affaire ne fut consommée que plus tard à cause des répugnances du gouvernement anglais. Dans le fait néanmoins, le pape ne laissa pas de donner à l’évêque de Québec des suffragans à Montréal, à Kingston, dans les îles du golfe St. Laurent et dans le district du nord-ouest.

Quel fut le successeur du duc de Richmond ?

L’Honorable James, depuis sir James Monk, juge-en-chef de Montréal, puis le général Peregrine Maitland, eurent l’administration en attendant l’arrivée du comte de Dalhouzie, qui arriva à Québec le 18 juin 1820.

Ce seigneur avait-ul fait quelque figure en Europe avant de venir en Canada ?

Le comte de Dalhouzie, général habile, s’était signalé en Égypte, sur les côtes de France et de Flandre, et dans la Péninsule. Il avait été gouverneur de Flessingue et de Bordeaux, d’où il avait pénétré jusqu’à la Vendée. — La Société Royale d’Édimbourg le comptait aussi parmi ses savans.

Quel est le caractère de son administration ?

Elle peut-être envisagée sous deux points de vue. — Le comte de Dalhouzie fit faire de grands progrès à la province. Il encouragea l’agriculture, se montra plus libéral que d’autres gouverneurs quant à l’érection de nouvelles paroisses, recommanda l’octroi d’une chartre royale au de Nicolet, et aida à fonder à Québec une Société des Arts et des Sciences, qui ne se soutint pas, et la société littéraire et historique, qui a au moins le mérite d’avoir assemblé une magnifique bibliothèque, et qui a, au reste, publié trois volumes de ses transactions, dans lesquels on trouve des écrits précieux. — Mais en politique, il n’est plus possible aujourd’hui de défendre sa conduite. Le parti anglais fut pour lui dans le temps, mais ses amis même ne pouvaient le disculper d’avoir soutenu le receveur-général sir John Caldwell dont les malversations étaient un fait public. Enfin, lorsque, à la suite d’une pétition signée par 87000 Canadiens, le prince régent soumit les affaires du Canada à un comité de la Chambre des Communes, ce comité exprima dans son rapport le regret qu’il avait que des abus tels que ceux dont on se plaignait eussent pu subsister si longtemps dans une colonie britannique.

Quand le lord Dalhouzie laissa-t-il le Canada ?

Il avait été remplacé ad interim en 1824, par le général Burton, chevalier de l’ordre guelphique de Hanovre, qui fut le favori de la chambre d’assemblée, et il fut définitivement rappelé par le duc de Wellington, qui lui donna le commandement de l’armée des Indes en 1828.

Les années précédentes n’avaient-elles pas été fertiles en incidens dignes de remarque ?

George III était mort le 29 janvier 1820, et le prince régent prit le nom de George IV. L’avis de la mort du roi reçu à Québec le 24 avril avait fait proroger le parlement. — L’année suivante fut célèbre par le voyage de Franklin, sur les traces de Hearne, et par ceux du capitaine Perry, qui les termina en 1823. — Enfin, ce fut aussi en 1821 que le célèbre astronome Tiarcks, envoyé en Amérique pour régler les frontières entre les États-Unis et les Provinces Britanniques, retourna à Londres, d’où il alla plus tard à La Haye, pour rendre compte au roi des Pays-Bas, arbitre dans cette question.

Quels furent les principaux incidens de l’année 1825 ?

Ce furent la mort de Joseph Octave Plessis, qui fut inhumé avec pompe, en présence du gouverneur-général, des autorités, et des troupes de la garnison de Québec. — La formation d’une compagnie canadienne pour la construction de vaisseaux. — La visite des fortifications du pays par sir James Carmichael Smyth, commandant du génie à Waterloo, sir George Hoste et le capitaine Harris ; et le passage en Canada du comte Vidua, fils du premier ministre de Sardaigne et de son altesse-sérénissime le duc Bernard de Saxe-Weimar, qui avait eu du commandement dans l’armée de Bonaparte à Wagram, puis dans celle de Wellington à Waterloo, et qui avait combattu le maréchal Ney à Frasnes.

Que se passa-t-il en 1826 ?

Grâce à une représentation ou requête de notre conseil législatif, le parlement Impérial réannexa à cette époque l’Ile d’Anticosti et la côte du Labrador au Canada. — Le canal de Lachine fut achevé la même année par Thomas Burnett, qui avait été recommandé par le célèbre ingénieur Telford.

Est-ce là tout ce qui se passa alors de remarquable ?

Non, la même année encore, le Canada Supérieur fut érigé en évêché par le pape Léon XII ; Alexandre McDonell, ci-devant évêque de Rhésine in partibus, prélat illustre, fut pourvu du nouveau siège, qui fut fixé à Kingston ; et il eut pour coadjuteur, Thomas Weld, d’une maison opulente d’Angleterre, depuis promu au cardinalat.

Quel fut le successeur de lord Dalhouzie ?

Ce fut sir James Kempt, militaire habile qui avait pris par escalade la citadelle de Badajos et forcé les retranchemens de la Bidassoa en Espagne, et commandé l’ail gauche à Waterloo après la mort du général Picton. — Il fut plus tard grand-maître de l’artillerie.

Quel fut le succès de son administration ?

Il parvint à concilier les esprits. Mais les dissentions recommencèrent sous le lord Aytmer, qui lui succéda en 1830.

Quel est l’événement le plus remarquable de cette année ?

C’est la mort de George IV. — Il fut remplacé par Guillaume IV, ci-devant lord grand-amiral, qui était venu en Canada l’an 1787.

De quelle institution la ville de Québec fut-elle dotée en 1831 ?

Elle eut un établissement pour les sourds et muets, dont l’instituteur fut M. Ronald McDonald.

Qu’y a-t-il de remarquable à enregistrer pour l’année 1832 ?

Le système municipal eut son commencement dans l’incorporation des villes de Québec et de Montréal. Il a depuis été étendu aux comtés. — Cette année et l’année 1834 furent aussi remarquables par les ravages du choléra.

Un des plus vénérables monumens du pays ne fut-il pas détruit dans cette dernière année ?

Oui, le 23 janvier, le château St. Louis de Québec, dont les fondations avaient été jetées par Champlain, l’an 1620, fut la proie des flammes.

Dans quelle année est mort Guillaume IV ?

Il est mort en 1837, et a été remplacé, par Victoria 1ère, fille du duc de Kent, qui avait été gouverneur militaire de Quebec.

Qui gouvernait alors le Canada ?

C’était lord Gosford, grand seigneur d’Irlande, homme d’une grande bonhomie, qui était venu en même temps en qualité de commîssaire-royal avec sir Charles Grey et sir George Gipps, pour examiner les griefs des Canadiens.

Qu’est-ce qui avait donné lieu à cette commission royale ?

Ces commissaires furent envoyés en Canada à la suite d’une requête de la chambre d’assemblée au parlement impérial ; cette requête était basée sur quatre-vingt douze résolutions qu’elle avait enregistrées précédemment ?

Quelles étaient les principales prétentions de notre assemblée législative ?

Elle ne voulait point voter de liste civile permanente, et voulait absolument que le conseil législatif devint électif.

Comment ces prétentions et beaucoup d’autres furent-elles reçues en Angleterre ?

Lord John Russel s’écria dans le parlement impérial que si l’on écoutait la chambre d’assemblée, dans le cas où un sujet britannique serait opprimé sur le Saint Laurent, le roi d’Angleterre aurait moins de pouvoir pour intervenir en sa faveur, que s’il eut été opprimé sur les bords du Danube ou du Bosphore.

La chambre d’assemblée renonça-t-elle à ses prétentions ?

La chambre d’assemblés ne céda point. On vit se former des clubs révolutionnaires tels que le Comité Central et permanent et l’association des Fils de la Liberté : on vit même le commencement d’une convention dite nationale. Les campagnes s’agitèrent, et le drapeau tricolore fut arboré dans quelques-unes. L’arbre de la liberté fut planté dans une grande assemblés dite « des six comtés. » Enfin il se forma des camps à St. Denis, à St Charles, à St. Eustache. — Aux clubs révolutionnaires s’opposèrent le Doric club et l’association constitutionnelle.

Par qui l’insurrection fut-elle réprimée ?

Elle fut réprimée par sir John Colborne, vétéran qui avait été lieutenant-gouverneur du Canada-Supérieur, et qui fut nommé commandant des forces dans les deux provinces.

Quelles furent les principales actions ?

Le colonel Gore fut d’abord repoussé avec perte à St. Denys par le docteur Wolfred Nelson, mais le colonel Wetherall s’étant rendu maître du camp de St. Charles, celui de St. Denys dut-être évacué. — Le camp de St. Eustache, commandé par un Suisse du nom d’Amury Girod, qui prit la fuite et se donna la mort, fut pris par le commandant en chef, auquel les insurgés du Grand-Brulé se soumirent aussi, et qui dépêcha aussitôt après sa facile victoire, le colonel Maitland dans le Haut-Canada, qui s’était pareillement insurgé.

Comment l’insurrection commença-t-elle dans le Haut-Canada ?

Sir Francis Bond Head, si connu par ses beaux écrits particulièrement sur l’Amérique, ne s’attendant à rien, avait envoyé toutes ses troupes à sir John Colborne, lorsque W. L. McKenzie et Van Egmont attaquèrent Toronto à la tête d’un parti qui venait d’assassiner le colonel Moodie. La ville ne fut sauvée que par le courage personnel et le sang froid du gouverneur, du shérifF Jarvis et du colonel McNab. Presque tous les assaillans furent faits prisonniers.

L’insurrection du Haut-Canada ne fut-elle pas néanmoins plus sérieuse que celle du Canada-Inférieur ?

Elle le fut davantage à cause des Américains de la frontière, qui se réunirent en grand nombre aux insurgés sous le nom de sympathiseurs, — les généraux Scott, Wool et Brady, de l’armée des États-Unis furent à la fin obligés de les réprimer, à la suite d’une proclamation du président Van Buren.

Le gouvernement anglais ne vit-il pas la nécessité de mettre les Canadas en d’autres mains que celles de lord Gosford.

En 1838, le fameux Lambton, lord Durham, qui avait été l’idole du peuple anglais, à cause du support qu’il avait accordé au Bill de la réforme, joignit aux titres de gouverneur, capitaine-général, et vice-amiral, la commission de grand-commissaire de la reine, qui équivalait à celle de vice-roi. Il fut conduit en Canada par l’amiral Paget, et y parut entouré du plus grand éclat. Son entrée à Montréal fut un véritable triomphe. Le pays se vit inondé de 50,000 miliciens et de 20,000 réguliers parmi lesquels on distinguait les plus beaux régiments, tels que les Coldstream, les hussards, les dragons. — Cependant lord Durharm ayant exilé plusieurs Canadiens à la Bermude, fut accusé en Angleterre d’avoir agi illégalement, et fut induit par cette censure à abandonner soudainement son poste. Il fut mal accueilli à la Cour et mourut peu après, de chagrin, a-t-on dit, non cependant avant devoir eu le temps d’adresser à sa souveraine son fameux rapport sur le Canada, œuvre disparate, où l’on trouve quelques contradictions et où il conseille de reprendre le projet d’anglifier le pays. Une multitude de renseignemens précieux et de vérités forment le bon côté de ce rapport.

Qu’arriva-t-il en Canada aussitôt après le départ de lord Durham ?

L’insurrection recommença dans les deux Canadas. — Sir John Colborne, administrateur, puis gouverneur-général, et sir James McDonell, dispersèrent les insurgés à Napierville et à Beauharnais. — Von Schoultz, officier polonais, qui s’était mis à la tête d’un parti dans le Canada-Supérieur, fut pris et exécuté après une défense habile et résolue. Plusieurs périrent sur l’échafaud. Colborne fut récompensé par la pairie, sous le nom de lord Seaton, et passa du gouvernement des Canadas au poste de vicaire-général des îles Ionniennes. Les autres acteurs de ce drame sanglant furent aussi récompensés. Les généraux Clitherow et McDonell furent promus. Les colonels Wetherall, Maitland et McNab (ce dernier canadien-anglais) furent faits chevaliers. Le colonel Gore lui-même, qui n’avait pas été un soldat heureux, fut fait major-général. — Louis Joseph Papineau, orateur de la chambre d’assemblée et principal auteur de la révolte, avait trouvé refuge aux États-Unis, puis à Paris, où il fut bien accueilli par plusieurs hommes illustres.

Par qui lord Seaton fut-il remplacé ?

Par le trés-honorable Charles Poulett Thompson, ci-devant président du bureau de commerce, qui joua en Canada le rôle qu’avait joué en Irlande le fameux lord Cornwallis, et fut, en récompense, élevé à la pairie, sous les titres de lord Sydenham et de baron de Toronto.

Comment lord Sydenham joua-t-il en Canada le rôle qu’avait joué lord Cornwallis en Irlande ?

Ce vice-roi avait projeté l’union de l’Angleterre et de l’Irlande, qui eut lieu en 1801. Lord Sydenham l’imita en Canada en consommant l’union des deux provinces.

Comment s’y prit cet homme d’état ?

Il flatta beaucoup les Canadiens et profita du moment où la constitution du Bas-Canada était suspendue. — Le bill d’union ayant été adopté dans les deux chambres du Haut-Canada, qui avait le plus grand intérêt imaginable à la mesure, il le fit approuver par le conseil spécial, qui avait été depuis 1838, la seule législature du Bas-Canada.

Que doit-on penser de la conduite de l’Angleterre à cette époque et subséquemment ?

On peut, sans hésitation, l’accuser d’un machiavélisme d’autant plus apparent et regrettable qu’après avoir fait périr sur les échaffauds les chefs secondaires de la révolte, on amnistia les principaux chefs ; on les caressa, on les admit même aux charges publiques. — Il est néanmoins de fait que dans la manière d’exécuter ses instructions, le vertueux sir Charles Bagot, d’une maison ancienne d’Angleterre, et allié du duc de Wellington, se tit chérir des Canadiens, qui pleurèrent sa mort soudaine.

Quelle avait été la fin de lord Sydenham ?

Il était mort à Kingston des suites d’une chute de cheval, et le pays avait été administré jusqu’à l’arrivée du chevalier Bagot, par le général sir Richard Jackson.

Quel fut le successeur de sir Charles Bagot ?

Ce fut sir Charles Theophilus Metcalf, depuis lord Metcalf, homme dont toute la vie avait été consacrée aux affaires. — Il se signala en Canada par sa libéralité et sa munificence ; mais en politique, il ne put se résoudre à laisser gouverner ses conseillers, en cela, il déplut beaucoup aux Canadiens qui ne l’ont point regretté. Une maladie dont il mourut en Angleterre en 1846, l’avait forcé de résigner. — Le comte de Catheart, commandant des forces, le remplaça comme administrateur, jusqu’à l’arrivée de lord Elgin, de la maison royale des Bruce, sous lequel le gouvernement dit responsable put fonctionner.

Que doit-on dire de ce système nouveau de gouvernement colonial ?

C’est plutôt au publiciste qu’à l’historien qu’il appartient de le juger. Le dernier peu se contenter de poser en fait qu’il a donné plus d’importance aux colons, en fournissant à leurs hommes marquans dans la politique, l’occasion de paraître à la tête des affaires de leur pays, comme l’ont fait successivement les Viger, les Lafontaine, les Drummond. Leur élévation n’a pas eu l’effet de faire dissoudre l’union, consommée au détriment momentané du Bas-Canada, et perpétuel sous le rapport de la nationalité des Canadiens-Français ; mais l’on ne saurait nier que cette union des deux provinces n’ait fait faire aux Canadas-Unis de grands progrès matériels.

Quand le parlement-uni du Canada fut-il assemblé pour la première fois ?

Ce fut en 1841.

Quelle loi importante redigea-t-il ?

Il nous donna une loi d’instruction publique, et au commencement de l’année suivante, le gouverneur nomma un surintendant-général et deux surintendans particuliers. Le surintendant de l’instruction publique pour le Bas-Canada fut le docteur J. B. Meilleur, auteur d’ouvrages utiles sur la chimie et les langues française et anglaise, et l’un des fondateurs du collège de l’Assomption. — La charge de surintendant-général a été mise de côté depuis, avec d’autant moins d’inconvénient que celui qui en avait été honoré avait eu peu d’occasion d’agir.

L’année 1842 ne fut-elle pas aussi marquée par la mort de quelque Canadien illustre ?

Cette année en effet mourut au château de Montreal, en Bugey, Louis Archambault, comte de Douglas, chevalier de Malte, de St. Maurice et de St. Lazare de Piémont, natif de Montréal, en Canada, dont son aïeul maternel avait été gouverneur. Il avait succédé en 1770 à Charles Joseph de Douglas, comte de Montréal, en France, qui avait accompagné le prince Charles Edouard dans sa tentative chevaleresque pour recouvrer le trône de ses ancêtres. Peu d’années après mourut le dernier comte de Beaujeu, successeur d’un Canadien illustre qui, ayant passé en France à la paix de 1763, servit avec gloire avec Lapeyrouse à la Baie d’Hudson, puis en Flandre. L’honorable George René Saveuse de Beaujeu, chef actuel de la branche qui était demeurée en Canada, a succédé à ses biens.

Comment les années suivantes furent-elles signalées ?

Elles furent signalées par les malheurs arrivés aux bourgs florissans de Boucherville de Laprairie, qui devinrent la proie des flammes, et à la ville de Québec dont une grande partie fut aussi détruite par un incendie. — La Province, les États-Unis, l’Angleterre, et même la France vinrent généreusement à son secours.

Cette ville était-elle toujours la capitale du pays ?

Non, le siège du gouvernement avait été fixé à Kingston d’abord, puis à Montréal.

Québec ne fut-elle pas en quelque sorte dédommagée de cette injustice ?

En 1844 fut consommée l’érection de Québec en métropole par le pape Grégoire XVI ; Hyacinthe Hudon, doyen de Montréal et chanoine-honoraire de Notre-Dame de Chartres, en France, qui se trouvait en Europe, fut porteur du pallium, qu’il remit solennellement, la même année, à Monseigneur Signay.

N’y a-t-il pas plusieurs autres faits importans à remarquer dans le domaine de l’histoire ecclésiastique ?

En effet les Frères des Ecoles Chrétiennes étaient arrivés en Canada dès l’année 1837, particulièrement grâce au zèle de Vincent Quiblier, supérieur distingué de MM. de St. Sulpice, et successeur du savant supérieur Jean Henri Roux. — Un peu plus tard, Ignace Bourget, deuxième évêque de Montréal, prélat d’une activité et d’un zèle extraordinaires, fit deux voyages à Rome et appela dans son diocèse les Oblats, les Jésuites, et les clercs de St. Viateur, les Dames maintenant établies à Longueil, les Dames du Sacré-Cœur et celles du Bon-Pasteur. — Les RR. PP. Jésuites, arrivés en 1842, ont ouvert en 1851 un magnifique collège où les études comprennent, outre le cours classique ordinaire, plusieurs cours spéciaux et entre autres un cours de jurisprudence conforménent à l’esprit de la loi 12 Victoria ch. 46. Les Dames du Sacré-Cœur, institutrices non moins renommées, arrivées la même année, allèrent se fixer à St. Jacques de l’Achigan, tandis que les Dames de la Congrégation continuèient à enseigner avec succès à Montréal, et les Ursulines à Québec et aux Trois Rivières. Enfin, les sœurs de la Charité, cette merveille du catholicisme, furent établies à Montréal en 1843.

Le Canada n’avait-il pas aussi été visité par un prélat illustre, et dont la mémoire est chère aux Canadiens ?

Oui, sous le gouvernement de lord Sydenham, le pays fut visité par Monseigneur de Forbin Janson, évêque de Nancy et de Toul, primat de Lorraine, d’une illustre maison de France, qui, de temps immémorial, a fourni des grands hommes à l’église. — Ses prédications pleines de fruit sont un des faits les plus mémorables de l’histoire ecclésiastique de ce pays.

N’avez-vous pas un fait bien intéressant à raconter pour l’année 1846 ?

À cette époque sir George Simpson, l’hon. Peter McGill, sir Allan McNab, l’hon. George Moffat et autres formèrent une compagnie ou société pour l’exploration des mines du Lac Supérieur, depuis longtems en oubli, bien que leur existence eut été connue au P. Allouez, premier missionnaire qui ait atteint ce grand lac, à Lahontan, à Charlevoix et au voyageur anglais Henry. — Les associés obtinrent un acte d’incorporation et entrèrent en relation avec le célèbre professeur américain Silliman, qui leur indiqua des explorateurs habiles. Sir George Simpson partit lui-même à la tête d’un parti de quatre-vingt dix hommes dont plusieurs étaient géologues et les autres mineurs ou voyageurs canadiens. M. Forrest Shepherd avait toute la responsabilité de l’exploration, dont les premiers produits, analisés par le savant Silliman, offrirent, outre du cuivre, de l’or pur.

Par quel fléau la ville de Montréal fut-elle visitée en 1847 ?

Les malheureux prolétaires d’Irlande entassés par des spéculateurs inhumains sur leurs navires apportèrent les fièvres sur nos plages. Elles n’épargnèrent point les prêtres et les religieuses dont grand nombre moururent en exerçant leur zèle auprès des pestiférés. On eut à regretter particulièrement le doyen Hudon, vicaire-général du diocèse, et l’abbé Rey, très habile théologien, attaché à l’évêché. L’archevêque de Québec et, ses suffragans s’adressèrent avec éloquence aux archevêques et évêques d’Irlande, et, parvinrent ainsi à arrêter les flots de l’émigration.

Dans quel état se trouvait l’Europe à cette époque ?

La société y paraissait ébranlée jusque dans ses fondemens, et l’on vit des tragédies, jouées sur la scène du monde en Italie, en Allemagne, en France.

Le Canada ne se sentit-il pas de cette profonde secousse ?

Oui, car lord Elgin, qui avait cru pouvoir sanctionner sans danger le fameux bill d’indemnité, fut cruellement trompé. Deux fois, la populace osa attaquer sa personne, et la législature siégeant, fut dispersée par les incendiaires. Le parlement fut consumé en peu d’heures ; mais le plus déplorable résultat de cet attentat fut la perte d’une bibliothèque, que la province aura peine à remplacer, malgré les dons que lui ont déjà faits les gouvernemens d’Angleterre et de France, et la mission de M. Faribault en Europe.

Quel fait curieux avez-vous à noter pour la même époque ?

La mémoire de Jacques Cartier, dont on ne parlait guères plus en Canada, s’était tout-à-coup réveillée, et les citoyens de Montréal en particulier donnèrent son nom à îu place qu’occupait l’ancien marché et où se trouve le monument Nelson.

À quoi doit-on attribuer cet incident remarquable ?

On peut attribuer ce retour au sentiment de la renommée que mérite Jacques Cartier au don que la ville de St. Mâlo, qui l’a vu naître, venait de faire à la société Littéraire et Historique de Québec d’un tableau qui représente le grand navigateur.

Quel est l’événement le plus mémorable de l’année 1851 ?

C’est le premier concile du Canada, tenu à Québec, et auquel se trouvèrent, outre les évêques du Haut et du Bas-Canada, ceux des autres provinces britanniques qui relèvent immédiatement du saint-siège, mais sont tenus de se présenter aux conciles provinciaux de Québec. — Ce concile donna lieu à l’érection des nouveaux évêchés de Trois-Rivières et de St. Hyacinthe. Le Canada-Supérieur était déjà divisé depuis plusieurs années en trois évêchés. Michel Power, premier évêque de Toronto, y avait été remplacé par Armand de Charbonnel, d’une illustre famille de France, et prêtre de St. Sulpice, qui fut sacré à Rome par le pape Pie IX. Le R. P. Guigues, visiteur ou supérieur des Oblats, religieux très distingué, avait été fait évêque de Bytown.

Quel événement désastreux signala l’année 1852 ?

Ce fut le grand incendie de Montréal, qui consuma plus de seize cents maisons, la cathédrale et le nouveau palais épiscopal, sans exciter la même sympathie que celui à Québec, si l’on en juge par les faibles secours venus d’Angleterre, et par le fait que le chef de la nation française, maintenant empereur Napoléon III, crut se montrer assez généreux en piésentant deux mille francs à des prélats canadiens qui sollicitaient sa charité en faveur des victimes de l’incendie. Malgré cela Montréal promet de se relever plus belle que jamais, en partie grâce à la sage prohibition de rebâtir en bois. — La mort du duc de Wellington arrivée la même année intéresse aussi le Canada en cela qu’il s’était invariablement montré l’ami des Canadiens dans tous ses votes dans le parlement impérial, et les avait délivrés de lord Dalhouzie, quand il était premier ministre. À la nouvelle de sa mort notre chambre des communes s’ajourna sur motion de M. Hincks. Le duc eut à Montréal une imposante fête funèbre comme à Vienne, à St. Petersbourg, à Berlin, à Madrid, à Lisbonne, à Londres. Les Anglais firent leurs démonstrations pour leur principal héros, et les catholiques pour celui qui avait émancipé les catholiques.

Qu’y a-t-il à dire pour l’année présente ?

Les incidens les plus remarquables de cette année sont la mort de sir James Stuart, baronet, juge-en-chef du Banc de la Reine, le passage en Canada du prince Hohenloe, grand-croix honoraire de l’ordre du Bain, accompagné du vice-amiral Seymour, et l’affaire Gavazzi.

Quel est le personnage que vous venez de nommer ?

Le fameux Gavazzi est un barnabite italien qui, après avoir pris part aux troubles politiques de son pays, crut se venger efficacement du souverain-pontife en fondant une secte basée sur la politique, au moins en ce sens que la politique lui a donné l’impulsion. Il a surtout fait des prosélites aux États-Unis. Orateur populaire, Gavazzi s’exprime avec grossièreté, comme l’a avoué un journal anglais de cette ville, et insulte parfois les nationalités elles-mêmes. Cela lui avait attiré quelque violence à Québec, sans le dissuader de venir prêcher à Montréal.

Que s’est-il passé dans cette ville à propos de ses prédications ?

À son arrivée à Montréal, les protestans, parmi lesquels on remarquait plusieurs ministres, tourmentés du désir d’entendre discourir contre le pape, allèrent le recevoir et lui firent une ovation, bien qu’il ne fût pas de leur secte, et qu’il ait déclaré que le protestantisme ne lui suffisait pas, mais qu’il prêchait l’anéantissement de l’église romaine sans se contenter de protester. Cette ovation devait bientôt se changer en tragédie. Pendant qu’il discourait dans la chapelle Zion au milieu d’applaudissemens tumultueux, de rires immodérés et d’armes à feu, les autorités qui ont invariablement coutume de paraître quand tout le mal est fait, étaient d’avance sur les lieux. Il n’y eut qu’une légère attaque contre la chapelle, et elle avait été repoussée facilement, quand la précipitation des officiers publics amena une catastrophe. Lorsque les partisans de Gavazzi sortirent de l’église, et au moment où il n’y avait aucune émeute, l’acte fut lu à l’insu de presque tout le’monde, les troupes tirèrent par l’ordre d’on ne sait qui, et le résultat de cet espèce de guet-à-pens fut un massacre considérable, dont les plus nombreuses victimes se trouvèrent parmi les protestans. Pour Gavazzi, il fut reconduit comme en triomphe entre deux haies de soldats. — Ses partisans au désespoir, exaspérés contre les soldats, qui furent traités de lâches dans quelques journaux, poussèrent néanmoins l’esprit de secte jusqu’à vouloir souiller de nouveau leur temple, et que Gavazzi, qui avait été l’occasion d’un tel malheur, prêchât une seconde fois. Plus sensé, le docteur Bethune a censuré en termes les plus forts dans un discours remarquable la conduite des protestans en cette occasion.

Quelle sera probablement pour Montréal la conséquence de cette affaire ?

L’attentat de 1849 avait fait décider au grand détriment du pays que le gouvernement siégerait alternativement à Québec et à Toronto. L’affaire Gavazzi, bien que toute la faute doive retomber sur les autorités, fait perdre à Montréal l’espérance de redevenir la capitale des Canadas, quoiqu’elle en soit la plus florissante cité.

La libre navigation du St. Laurent proclamée il n’y a encore que peu de temps, a-t-elle eu l’effet d’augmenter la prospérité du pays, et de Montréal en particulier ?

Elle a certainement eu cet effet, et il n’en faut point d’autres preuves que les grandes entreprises qui sont de toutes parts en progrès dans la province, et le fait que les royaumes de Prusse, de Danemarck et de Hanovre, de Belgique et de Sardaigne ont maintenant des consuls à Montréal. — On vient de voir arriver dans cette cité le célèbre Stephenson, qui a construit des chemins de fer en Norwège, pour le pacha d’Égypte et en d’autres parties du monde aussi bien qu’en Angleterre, et qui doit construire le pont Victoria sur le St. Laurent.

Quel message remarquable vient de recevoir le gouverneur-général ?

À la réquisition de l’ambassadeur français à Londres, le duc de Newcastle, ministre des colonies, lui a écrit que l’empereur des Français voulait bien que les produits même prohibés des colonies fussent admis à la grande exhibition qui doit avoir lieu à Paris en 1855.

Quel est le plus bel événement récent de notre histoire ?

C’est la présence parmi nous de Monseigneur Bedini, ex-gouverneur de Bologne, archevêque de Thèbes, missionnaire extraordinaire aux États-Unis d’Amérique, et nonce du souverain pontife près sa majesté l’empereur du Brézil. — Son excellence est accompagnée par Monseigneur Hughes, archevêque de New-York, cette grande lumière de l’église des États-Unis. Elle a été reçue avec les plus grands honneurs à Québec par l’archevêque et les évêques des Trois-Rivières et de Tloa ; elle a fait la clôture de sa retraite pastorale, et les principaux citoyens catholiques ou protestans ont paru à son lever. — Mais Monseigneur de Montréal s’était plus particulièrement occupé de la réception du représentant du pape, et les évêques du Canada se réunirent dans cette cité, où son excellence eut a au bruit de toutes les cloches, samedi, veille de la fête du Sacré Cœur de Marie. Elle officia pontificalement, et Armand, évêque de Toronto, et l’évêque diocésain prononcèrent à l’occasion de sa présence des allocutions très remarquables. Le soir Mgr. Hughes prêcha à St. Patrick. Il y eut aussi un lever auquel se trouvèrent tous nos hommes marquans. Enfin, les citoyens de Montréal n’ont pas voulu se séparer d’un si grand personnage sans lui présenter une adresse. Les préparatifs ont été bientôt faits. Son excellence, accueillie au bruit du canon et au son des instrumens de musique, a été conduite par Monseigneur de Montréal et par le maire, au trône qu’on lui avait préparé, et au haut duquel on avait suspendu une banderolle portant cette inscription si pleine d’à-propos : Benedictus qui venît in nomine domini : béni soit celui qui vient au nom du seigneur ; là l’honorable Charles Mondelet, juge de la cour supérieure, a lu l’adresse, après avoir prononcé au préalable des paroles qui rendaient bien les sentimens de la ville à l’égard de l’illustre prélat. L’hon. D. B. Viger a voulu aussi, malgré son grand âge, assister à cette grande démonstration et exprimer ses sentimens à son excellence qui, en répondant à ces manifestations, a rempli d’admiration par sa splendide éloquence les citoyens, et le clergé, dont il allait ouvrir la retraite pastorale, comme il les avait ravis dans les temples par sa voix puissante’et majestueuse. Elle a visité le cabinet d’histoire naturelle, et a bien voulu promettre à cette institution des échantillons des plus beaux marbres d’Italie. Les évêques du Canada-Supérieur ont pris les devans pour se préparer à recevoir son excellence dans leurs diocèses. Elle fait en ce moment la bénédiction du collège neuf de St. Hyacinthe.

Peut-on dire avec vérité que le Canada a produit peu d’hommes distingués ?

Eu égard à sa population et à son état de colonie, le Canada a produit autant d’hommes distingués qu’aucun autre pays.

Quels sont dans les armes les hommes célèbres qu’il a vu naître ?

Ce sont les d’Iberville, de Bienville, de Lougueil, de Vaudreuil, de Beaujeu, de Léry, de Lotbinière, Martin, Bedout, de Salatarry, Duberger, et, croyons-nous, le général Perrot, qui a été nommé commandant de la garde nationale de Paris en 1851, et le colonel Frémont, de l’armée des États-Unis, qui a chassé les Espagnols de la Californie.

Dans quelle branche de l’art militaire se sont signalés MM. de Lotbinière et Duberger ?

Comme le général de Léry ils ont été ingénieurs. Le premier vivait sous la domination française : Duberger, sous la domination anglaise, a travaillé aux fortifications de Québec, et c’est de lui qu’est le plan en bois de cette ville qui se trouve à l’arsenal de Woolwich, en Angleterre.

La province a-t-elle vu naître quelques artistes distingués ?

Outre plusieurs peintres vivans, le Canada a vu naître le chevalier Fallardeau, élevé à ce rang par le grand duc de Florence.

Les Canadiens se sont-ils beaucoup occupés de recherches archéologiques ?

Les Canadiens ont paru peu curieux du passé, surtout avant la fondation de la société Littéraire et Historique. Ils ont néanmoins dans Jacques Viger, écuier, un archéologue très distingué.

Quels progrès ont fait parmi nous les hautes sciences ?

Elles ont été longtems inconnues au Canada, elles y ont eu depuis leur enfance, et n’ont fait de notables progrès que dernièrement.

Qui sont ceux qui leur ont fait faire les premiers pas ?

Ce sont le grand-vicaire Jérôme Demers, les docteurs Meilleur, Tessier et Blanchet, le professeur Larkiu, ci-devant de la communauté de St. Sulpice, MM. Desaulniers, l’abbé Holmes.

Sans être encore un pays de savans le Canada n’a-t-il pas eu au moins quelques hommes à qui leurs occupations habituelles méritent ce titre ?

On ne sauiait refuser ce caractère à Andrew Stuart, frère du chevalier, à l’abbé Duchaîne, dont la science a autrefois été utile à son pays, à l’abbé Holmes et surtout, à M. W. E. Logan, de Montréal. Ce monsieur se recommandait assez depuis nombre d’années comme chef de la commission pour l’exploration géologique du pays, et ses rapports avaient été accueillis avec curiosité et reconnaissance même à l’Institut de France, lorsqu’il est allé briller à l’exposition de Londres. Le prince Albert lui a transmis un des prix les plus considérables accordés par les juges, et la société royale de géologie l’a admis au nombre de ses membres. — Avant lui le docteur Skey avait fait voir que le Canada méritait d’être exploité. — Henry Taylor avait publié à Québec un système de cosmogonie. Pierre Chasseur, sans autres moyens que l’inspiration de la nature, avait fondé dans la même ville un musée d’histoire naturelle auquel la législature s’intéressa heureusement.

Y a-t-il quelques Canadiens qui se soient distingués dans la philosophie intellectuelle ?

Tels sont le grand-vicaire Jérome Demers, l’honorable Pierre Bedard, l’abbé Odelin.

Le pays a-t-il produit quelque géographe remarquable ?

L’arpenteur-général Bouchette est quelque fois cité sur la géographie parmi les plus grandes autorités américaines.

Avons-nous eu quelques jurisconsultes habiles ?

Malgré l’absence d’écoles de droit, le bareau canadien a produit, outre Cugnet, auteur respectable, les Papineau, les Moquin, les Viger, les Piamondon, les Vallières de St. Réal, les Buchanan, les Stuart, les Aylfin, les Duval et les Black. — Il a même produit deux bons publicistes, l’honorable D. B. Viger, et M. Todd, dont le traité sur les armes parlementaires, dédié à Sir Allan McNab, ferait honneur à un publiciste de la Grande-Bretagne.

Quels ont été les hommes les plus distingués du Canada dans la politique ?

Ce sont Du Calvet, Joseph Papineau, Andrew Stuart, l’honorable John Neilson, l’honorable Dominick Daly, aujourd’hui gouverneur de Tobago, et plusieurs contemporains.

Quels sont les Canadiens qui se sont élevés à l’opulence et à la considération par leur industrie ?

Tels ont été l’honorable Barthélemi Joliette, l’honorable Peter McGill, l’honorable Joseph Masson, sir George Simpson, gouverneur du territoire — de la Baie d’Hudson, l’honorable Austin Cuviliier, orateur de la chambre d’assemblée.

Quels sont nos agronomes ?

L’agronomie fait de grands progrès aujourd’hui. Mais dès longtems nous avions eu des agronomes distingués dans le capitaine Douglas, M. Wm. Evans, et feu M. Perrault, dont le traité d’agriculture avait été couronné par la société d’horticulture de New-York.

Les Canadiens se-sont-ils signalés dans la mécanique ?

Ils n’ont pas eu le mérite de la faire progresser, mais ils ont du moins montré qu’il y avait dans le pays du génie même pour cette branche. Charles Laurier, M. George de Boucherville, M. Larochelle l’ont fait voir, et l’on ne doit pas oublier que l’œuvre d’un enfant de douze ans a figuré à la grande exhibition de l’industrie des nations tenue à Londres.

Quels furent les hommes qui donnèrent les premiers l’impulsion à l’éducation maintenant si répandue dans le pays ?

Ce furent, parmi les ecclésiastiques, les Denaut et les Plessis, les Curafeau, les Brasard, les Painchaud, les Girouard, les Ducharne et les Mignault, et parmi les laïcs, les Romain, les Labrie, les Perrault, les Meilleur et les Joliette. — Le collège de Québec vient d’être érigé en université : Montréal possède à elle seule trois collèges et même quatre où l’on fait des études classiques.

Les Canadiens ont-ils fait des progrès notables dans la littérature ?

Leurs progrès ont été tardifs, mais outre Grasset Saint Sauveur, qui s’est signalé sur un plus grand théâtre, ils comptent aujourd’hui parmi leurs littérateurs Michel Bibaud, dont les principaux titres comme tel sont la bibliothèque Canadienne et le Voyage de Franchère, l'assistant-secrétaire-provincial Guarant, le solliciteur-général Chauveau, le major Richardson et autres. — Michel Bibaud fut aussi le premier Canadien, qui ait écrit l’histoire générale de son pays. Les ouvrages historiques de M. Christie son cités en Europe par le célèbre historien Alison. M. Europe par le célèbre historien Alison. M. Garneau, de Québec, s’est essayé dans la même branche, et l’abbé Pâquin a réuni le premier les matériaux d’une histoire ecclésiastique du Canada. — Andrew Stuart, A. Berthelot, homme distingué en plus d’une branche, M. Faribault, secrétaire de la société Littéraire et Historique, Jacques Viger et l’abbé Ferland, se sont distingués dans la critique. — Parmi nos poètes, Joseph Quesnel et Adam Kidd, ont seuls du génie poétique. — L’honorable Louis Joseph Papineau, déjà introduit dans la Biographie des Contemporains, Vallières de St. Réal, M. Viger, Andrew Stuart se sont signalés dans l’éloquence profane, tandis que le R. P. Duplessis, de la compagnie de Jésus, célèbre par ses prédications surtout dans la Flandre française, J. O. Plessis, Jean Jacques Lartigue, premier évêque de Montréal, Hyacinthe Hudon, l’abbé Holmes, l’abbé Chiniquy et d’autres prédicateurs vivans se sont fait remarquer dans l’éloquence de la chaire. Et les missionnaires illustres… ils n’ont point fait défaut au Canada. Tels sont les Provencher, les Dumoulin, les Blanchet, les Taché, successeurs des jésuites comme pionniers de la foi, et des d’Iberville, de Bienville, des Joliet, des Juchereau de St. Denys, des Perrot, des Céloron, des Lafontaine Marion, des St. Simon, de Freneuse et Franchère, nos intrépides voyageurs.