La Verdure dorée/Ma fortune a tourné comme l’ombre d’un arbre

CXXII


Ma fortune a tourné comme l’ombre d’un arbre ;
Et l’avenir, palais fleuri, bassins de marbre,
Parc sonore où dans le tumulte et les cascades,
Mes jours devaient entrer en longues cavalcades
Sous les bouquets de blanc troène et les guirlandes
De laurier, l’avenir, la plus morne des landes,
N’est plus, parmi le deuil des futures années,
Qu’un tourbillon de cendre et de roses fanées.
Noirs platanes que bat l’averse dure ; et celle
Qui regarde pâlir la dernière étincelle
De cette gerbe en feu qui dora mes journées
Et jaunir cet espoir des tempes couronnées,
Baisse son beau visage et médite, et si elle
Profère enfin quelque parole essentielle,
C’est touchant les chapeaux, les gants et les ombrelles.
Et j’écoute gémir de rauques tourterelles,
Là-bas, dans les rameaux des saisons anciennes ;
Branches douces, lumière, aubes qui furent miennes.
Geais et merles sur les roses des matinées,
Paradis qu’à travers les grilles des années
Je regarde, tandis que la pluie et l’orage
Déchirent ma fortune et le sombre feuillage.