La Verdure dorée/Tu n’aimes pas les vers, car tu es belle et dis

CXIX


Tu n’aimes pas les vers, car tu es belle et dis
Qu’il faut saisir le temps sous des ongles hardis
Et tenaces, le déchirer, rouge grenade,
Le mâcher et jeter l’écorce vaine. Une ode,
Son ampleur magnifique et son rythme pareil
Aux respirations des flots sous le soleil,
Sa splendeur, son tumulte et ses tempêtes sourdes
Qu’importent, et tout l’art, puisqu’il faut que tu mordes
Ivre et pour en jouir la vie à pleines dents !
« Les poètes, dis-tu, qui contemplent, qui dans
Le secret de leur cœur reconstruisent le monde,
Peignent de vains décors sur des coques d’amande.
Je tressaille, je plonge et je m’évanouis
Aux durs baisers du fleuve, à ses cris inouïs,
L’eau m’emporte, me bat, m’enivre et quand j’émerge,
Poètes, je vous vois qui rêvez sur la berge. »