Bulletin de la société géologique de France/1re série/Tome II/Séance du 2 juillet 1832

Bulletin de la société géologique de France1re série - 2 - 1831-1832 (p. 432-436).


Séance supplémentaire du 2 juillet 1832.


Présidence de M. Brongniart.

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.

M. le président proclame membres de la Société :

M. Ange Sismonda, professeur de minéralogie à Turin, présenté par MM. Boué et Michelin.

M. Kelhau, professeur de minéralogie à l’université de Christiania, présenté par MM. Boné et de Roissy.

M. Guillemin, ingénieur des mines à l’établissement de Decazeville (Aveyron), présenté par MM. Virlet et Dufrénoy.

M. le président annonce que le conseil vient de compléter le choix des Mémoires qui doivent composer le premier demi-volume que va publier la Société, et qu’ainsi on pourra le livrer de suite à l’impression.

Le conseil a décidé dans la même séance que le rendez-vous à Caen, pour la réunion d’automne, est fixé au 4 septembre au soir. Les membres de la Société en seront prévenus par des circulaires.

M. Michelin annonce la perte douloureuse que la Société vient de faire de l’un de ses membres par le décès de M. Meyranx, professeur d’histoire naturelle au collège Charlemagne, à Paris.

La Société reçoit les ouvrages suivans :

1° Le N° 41 (premier trimestre de 1832) des Mémoires de la société d’agriculture, sciences, arts et belles-lettres, du département de l’Aube.

2° Les N° 29 et 30 de l’Européen, journal des sciences morales et économiques.

M. Boubée communique les observations qu’il a faites avec MM. Domnando, Hallowell, Beltrami, Rigault et Chais, dans une course aux environs de Lyon, sur le terrain diluvien à blocs erratiques, et sur le creusement de la vallée du Rhône.

« Cette vallée lui paraît formée par érosion de la part des eaux, et nullement par dislocation plutonique. Il décrit le terrain diluvien du plateau de Saint-Laurent ; il signale des caractères nouveaux pour distinguer les terrains diluviens des terrains alluviens. Les premiers, dit-il, sont infertiles et privés de ruisseaux, ou s’il y en a, ils sont profondément encaissés. Les terrains alluviens et postdiluviens, au contraire, sont généralement très fertiles, et présentent beaucoup de ruisseaux très peu ou point encaissés.

« L’auteur décrit les blocs erratiques ; il fait remarquer que ces blocs sont formés des mêmes roches primordiales que les galets qui les accompagnent, qu’il y a un passage insensible, sous le rapport du volume, entre les blocs les plus gros et les petits cailloux du terrain diluvien au milieu desquels on les trouve confondus et comme ensevelis.

« De ces observations, M. Boubée conclut que ces blocs et le terrain diluvien datent de la même époque ; qu’ils appartiennent au même phénomène, et qu’il ne saurait admettre que les blocs proviennent d’un transport postérieur à celui des cailloux roulés.

« De plusieurs autres faits, l’auteur conclut encore qu’une partie des terrains de molasse, et notamment divers dépôts de nagelflue, sont de l’époque diluvienne, et non de celle des terrains tertiaires ; que leur agglutination en grès et en poudingue est entièrement due à des infiltrations post-diluviennes qui se continuent de nos jours. M. Boubée rattache à sa théorie des infiltrations un grand nombre d’autres faits géologiques dont il annonce devoir bientôt présenter le cadre à la société. »

M. Élie de Beaumont lit des observations sur l’étendue du terrain tertiaire inférieur dans le nord de la France et sur les dépôts de lignite qui s’y trouvent.

Le but de ce travail est de montrer que les lignites du Soissonnais et des contrées adjacentes doivent continuer à être considérés comme subordonnés à la partie inférieure du système du calcaire grossier. Indépendamment des rapprochemens qui lui paraissent indiquer cette conclusion, l’auteur décrit une coupe du plateau des bois de Vermand, entre Saint-Quentin et Péronne, dans laquelle on voit un gîte de lignites recouvert par un dépôt de sable jaune qui contient des rognons calcaires pétris de nummulites, de polypiers et d’autres fossiles.

M. Élie de Beaumont annonce ensuite que, dans le calcaire grossier des environs de Sartevil et de Vigny (Seine-et-Oise), il a observé avec M. Dufrénoy des couches composées en partie de grains oolithiques. Il y a aussi dans les mêmes couches des milliolites ; mais l’existence des grains oolithiques est mise hors de doute par leur passage graduel à de petites masses calcaires à surface irrégulière et arrondie sur tous les angles.

Le même géologue annonce que, dans une course qu’il a faite l’année dernière dans la vallée de Montmorency, avec M. Dufrénoy et plusieurs autres personnes, il a observé dans la partie supérieure des sables coquilliers verdâtres de l’une des carrières de Beauchamp, une couche d’environ deux décimètres de puissance, d’un calcaire grisâtre, zoné, dont l’aspect indiquait d’une manière difficile à méconnaître une origine d’eau douce. La carrière était ouverte au milieu de ces amas de calcaire lacustre, en apparence hors de place, dont M. Constant Prévost s’est occupé en les désignant quelquefois sous le nom de magma, et dont M. le vicomte Héricart-Ferrand a récemment entretenu la Société. La couche de calcaire d’eau douce observée par M. Élie de Beaumont dans le sable coquillier connu pour contenir un mélange de coquilles marines et fluviatiles lui paraît une preuve que les fragmens de calcaire d’eau douce qui forment la surface du sol, quoique évidemment dérangés de leur position naturelle, ne sont pas éloignés du lieu de leur origine.

Après la lecture du Mémoire de M. Élie de Beaumont, sur la position géologique des argiles à lignites du Soissonnais, M. Deshayes demande à l’auteur si, dans les localités où il a vu ces argiles sous les calcaires grossiers, il y a trouvé les coquilles fossiles, d’eau douce et marines, qui caractérisent essentiellement ces terrains. Sur la réponse négative, M. Deshayes émet, avec toute la circonspection nécessaire, l’opinion que les argiles observées sous les calcaires grossiers par M. Élie de Beaumont pourraient bien ne pas être les véritables argiles du Soissonnais. M. Deshayes appuie son opinion sur ce fait zoologique que, parmi le petit nombre d’espèces propres à ces terrains, il y en a quatre encore vivantes aujourd’hui dans le midi de l’Europe et de l’Asie, ce sont : les Molanopsis costata et buccinoïdea, la Melania inquinata et la Paludina subcarinata. Si l’on se rappelle que dans le calcaire grossier il y a à peine trois pour cent d’analogues vivans, on pourra supposer que les terrains dans lesquels cette proportion est de 4 sur 15 doivent être plus nouveaux, s’il est vrai, comme cela semble incontestable, qu’un terrain est préjugé d’autant plus nouveau qu’il contient en plus grand nombre des espèces encore vivantes.

M. de Lehmann lit une lettre de M. Fénéon, professeur de 1 géologie à l’École des mineurs de Saint-Étienne, dans laquelle ce dernier développe ses idées sur la formation des gypses tertiaires, et notamment sur ceux des environs de Paris :

Ayant appris la découverte, par M. de Beaumont, d’une dolomie bien caractérisé, près de Beine, où elle se trouve dans un monticule que l’on pourrait prendre pour un cratère de soulèvement, M. Fénéon trouve la preuve la plus concluante des phénomènes volcaniques éprouvés par le sol tertiaire des environs de Paris, dans la structure et la position des masses de gypse si singulièrement intercalées au milieu du système calcaire. Depuis que l’on a constaté que le calcaire grossier contient les mêmes restes organiques que les gypses, M. Fénéon ne considère les plâtrières que comme des produits de solfatares anciennes qui ont agi postérieurement sur quelques points des bassins tertiaires, et ont converti en sulfate les bancs de carbonate de chaux.

En développant ces conjectures, il les appuie :

1° Sur la configuration extérieure des gypses tertiaires, qui, identiques sous ce rapport à ceux du lias des Alpes et des autres terrains secondaires, forment, au lieu de couches, de gros amas irréguliers, fait général et demeuré presque sans explication satisfaisante, soit qu’on compare cette substance aux dépôts mécaniques des argiles et des grès à grains fins, soit qu’on la compare aux sels très solubles, aux carbonates de soude de l’Amérique et de l’Afrique et au nitrate de soude du Pérou.

2° Sur leur disposition en monticules dominant le sol environnant, à la manière des cônes volcaniques, comme si, dans la pointe qu’ils occupent, il y avait eu soulèvement partiel et gonflement de couches en même temps que changement de nature.

3° Enfin, sur les accidens de coloration en vert, en rouge, en violet, que les marnes des gypses tertiaires présentent au même degré que les schistes associés aux gypses des Pyrénées et des Alpes.