Bulletin de la société géologique de France/1re série/Tome I/Séance du 6 décembre 1830


N° 3. ─ DÉCEMBRE 1830


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Septième Séance. — 6 décembre 1830.


M. Cordier occupe le fauteuil.

Après la lecture du procès-verbal de la dernière séance et son adoption, les ouvrages suivans sont présentés à la société :

1° Essai d’une description géognostique du grand duché de Luxembourg, par M. Steininger, in-4o, Bruxelles, 1828 ;

2° Sur les formations intermédiaires de la Pologne, suivi d’un aperçu de tous les terrains de ce pays. (Uber die Ubergangs-Gebirgs formation im konigreich Polen, etc.), par M. G. Bloede, in-8o, avec une carte géologique, Breslau, 1830 :

3° Sur les formations de la Pologne méridionale, particulièrement par rapport aux terrains salifères et aux sources salées. (Uber die Flotz gebirge un sudlichen Polen, etc.) ; par M. W.-G. E. Becker, petit in-8o, avec une petite carte, Freiberg, 1830 ;

4° Sur les sources salées de la Bavière. (Die mineral Quellen des Konigreichs Bayern), par M. le professeur Vogel, in-8o, Munich, 1830 ;

5° Les révolutions de la terre et l’explication du tremblement de terre arrivé en Espagne en 1829. (Die Erdrevolutionen, etc.), par B.-A.-E. W., in-8o, Leipsick, 1830 ;

6° De la géologie considérée dans ses différens rapports, par M. Engelspach-la-Rivière, in-8o, Bruxelles, 1830, brochure intéressante, parce que l’auteur y énumère tous les principaux travaux géologiques des Belges et des Hollandais ;

7° Théorie de la terre de M. Cuvier, traduite en allemand et accompagnée d’un volume de notes, par M. Noggerath, 2 vol. in-8°, Bonn, 1830.

Il est montré à la société un échantillon du fossile des Alpes du Sazlbourg qui a reçu de M. de Schlottheim le nom de Pecten Salinarius, et qui se trouve dans des couches de calcaire alpin supérieures aux gites salifëres. On rappelle à ce sujet que M. Bronn a formé, de cette prétendue espèce, deux genres et trois espèces, sous le nom de Halobia salinarum et de Monotis salinarius et inæqualvis.

On donne lecture d’un extrait des ouvrages adressés à la Société par M. Klœden.

L’ouvrage intitulé Sur la forme et l’histoire primitive du Globe, est divisé en deux parties. Dans la première, l’auteur traite d’abord de la nature des fluides abandonnés à eux-mêmes, de l’effet des attractions extérieures sur les fluides, de la formation des matières solides au milieu des fluides, des solides et des fluides, d’abord, pendant un mouvement de rotation lent, puis pendant un mouvement plus rapide, du changement de l’axe rotatoire, de l’effet de deux forces attractives sur les corps. Le deuxième chapitre est consacré aux considérations sur les corps célestes, sur la terre, sur les formations géognostiques, sur les marées, sur le changement de l’axe de la terre, sur la forme de la terre et le changement de son centre de gravité, sur la distribution inégale de la chaleur sur le globe. Le troisième chapitre n’est qu’un résumé des propositions avancées et une comparaison de la théorie de l’auteur avec celles d’autres savans. Il y parle aussi de l’âge de la race humaine, et de la diminution des eaux en Suède.

Le deuxième livre est aussi divisé en trois chapitres. Dans le premier, l’auteur parle des changemens dans la vitesse de rotation, de la forme de la terre d’après les théories, les mesures des degrés de longitude et du pendule, et les lois de la gravitation, et il termine par un développement théorique de la forme du globe d’après la distribution des mers et des continens, et par une démonstration que les autres corps célestes sont soumis aux même lois. Le deuxième chapitre comprend d’abord sa théorie géognostique, savoir : sur les soulevemens, la chaleur centrale et l’état primitivement igné du globe ; puis il parle des dépôts primaires, savoir : de la formation du noyau de la terre, des roches primaires, de la surface de l’eau couvrant tout le globe, de la vitesse de sa rotation, et de l’apparition des continens et des êtres organisés. Il passe de là au sol intermédiaire et examine le dépôt des schistes, ses formations plutoniques, le sol en partie découvert, la grauwacke avec ses roches ignées, le calcaire de montagne, la formation des deux continens et les rapports des climats dans ce temps. Son article sur le sol secondaire commence par la supposition d’une inondation générale ; puis il parle successivement des houilles, des euphotides et des porphyres, du grès rouge, de la formation répétée de deux continens, du zechstein, du grès bigarré, du muschelkalk et du keuper, de la terre à moitié couverte d’eau, des basaltes et des porphyres pyroxéniques, du lias, du grès vert, et de la craie, enfin des êtres et des plantes de cette période, Son article sur le sol tertiaire commence de même par l’hypothèse d’une inondation générale ; après cela il traite des suivans : des lignites, des trachytes, des calcaires marins et d’eau douce, de l’apparition de deux continens au milieu des eaux, des plantes et des animaux, de la terre a moitié couverte d’eau, du tapanhoacanga et de la troisième formation tertiaire, de la destruction de la surface terrestre, de la nouvelle apparition de deux continens, et de la molasse. Une inondation générale a précédé, suivant lui, le diluvium. Il parle ensuite des êtres et du climat de cette époque, des volcans et des sources chaudes, du changement dans l’axe du globe, des cailloux et des blocs, du diluvium, de l’elluvium ; des déluges locaux et des nouvelles alluvions. Enfin, il termine par résumer la série des formations sur tout le globe et dans certaines contrées.

il consacre le troisième chapitre à l’exposé du changement dans l’axe de rotation de la terre et à l’examen de la question de l’abaissement du niveau de la mer Baltique. Sous le premier rapport, il parle des contradictions entres les assertions géologiques et astronomiques, sur la possibilité de grands changemens dans tout un corps céleste, sur les aérolithes, sur la possibilité des erreurs, sur la question jusqu’à quel point l’axe de rotation de la terre peut être appelé un axe libre. Sur la deuxième opinion il cite Berzelius et d’autres savans, et rappelle de semblables changemens de niveau observés à Ota-Heiti.

Sa théorie de la terre est basée sur les propositions que le globe a passé de l’état gazeux à l’état fluide et solide, que son noyau solide a pris la forme d’une masse fluide, que la terre a jadis tourné plus lentement autour de son axe qu’à présent, que la place de l’axe de rotation a changé peu à peu et peut encore changer, et qu’en même temps la rotation a augmenté de vitesse. Ce changement de l’axe terrestre lui sert la expliquer les inondations partielles ou universelles que le globe a éprouvées, effet qui se continuerait encore dans le flux et le reflux. Il pense que le dernier déluge a été universel. Il croit que les formations géologiques : ne sont pas distribuées également sur le globe. Il trouve que sa théorie explique la distribution des continens en deux grandes masses, leur terminaison en pointe vers le sud et la plus grande profondeur de la mer Pacifique, comparativement avec l’Atlantique. Le redressement des couches et la formation des vallées ont été produits par des oscillations dans le centre de gravité. Il prétend que sa théorie permet d’admettre. que dans le dernier cataclysme, certaines portions de l’Asie, y ont pu échapper. Le changement de l’axe de rotation lui semble expliquer les climats tropiques qui ont dominé dans l’Europe.

Nous ne pouvons le suivre dans l’application de sa théorie et la formation de chacun des terrains en particulier ; nous nous contentons de remarquer qu’il regarde la terre comme une masse ignée de métaux et de métalloïdes, et le sol primaire, granitoire comme la croûte oxidée. Il suppose ensuite des dépôts au milieu d’eau chaude et sous une grande pression, Suivant l’auteur, des matières ignées se firent jour à travers les premiers dépôts schisteux et calcaires et les fendillèrent ; la chaleur et des sublimations changèrent dans leur voisinage, les schistes en gneis et micaschistes, le calcaire en marbre et produisirent des minéraux et des filous métallifères. Ce ne fut que lorsque cette grande chaleur eut cessé, que des êtres organisés et des plantes commencèrent à se montrer sur la terre. Pendant l’époque intermédiaire, le plutonisme et le neptunisme continuèrent leurs opérations. Il suppose que l’atmosphère était alors plus élevé qu’à présent et qu’il contenait encore d’autres gaz, qui ne l’ont abandonné que plus tard. Il pense que la végétation de cette époque indique, non une végétation insulaire, mais une atmosphère très humide et couverte de nuage, en un mot, un climat polaire. Au commencement des époques secondaire, tertiaire et alluviale, le globe aurait été tout couvert d’eau, en conséquence d’un mouvement dans l’axe terrestre. La dispersion des ossemens des animaux diluviens serait due à un de ces cataclysmes résultant d’un changement dans l’axe de rotation, qui aurait transformé subitement le climat de tant de contrées où ces fossiles se trouvent.

Dans l’ouvrage intitulé : Observations pour avancer la reconnaissance minéralogique et géologique de la marche de Brandenbourg, M. Kloeden donne dans le premier cahier des détails sur le calcaire secondaire de Rudersdorf à quatre milles à l’est de Berlin et sur les carrières où on l’exploite, et sur les coups de sonde qu’on y fait. Le dernier sondage à 262 pieds 9 pouces sous la mer, a donné la coupe suivante : 13 pieds de calcaire, 67 pieds de marne d’argile, 25 pieds de calcaire, 275 pieds de calcaire jaune blanchâtre, 205 pieds de calcaire bleuâtre, 86 pieds de marne argileuse, à lits calcaires, 162 pieds du gypse, 60 pieds d’argile gypsifère, 33 pieds de calcaire bleuâtre, 9 pieds d’argile gypsifère, 3 pieds de gypse, 13 d’anhydrite, 42 pieds de gypse, 3 pieds d’argile, 13 pieds d’anhydrite, 1 pied d’argile salifère et 14 pieds de gypse. Il décrit les minéraux et les fossiles de ce dépôt calcaire appartenant au Muschelkalk, et y cite des restes de reptiles.

Dans le sol alluvial on a trouvé une défense d’éléphant. Il s’étend beaucoup sur un fossile commun dans le calcaire qu’il compare successivement aux Aspergillum, aux Dentales et à la Beroe cylindrica de Peron. Après cela il décrit l’amas gypseux de Sperenberg, entre Zossen et Luckenwald qu’il croit avoir subi un soulèvement, comme M le professeur Hoffmann l’a déjà soupçonné. Il y a près de là, la source salée de Belitz. Il pense que ce gypse est différent de celui de Rudersdorf et qu’il est lié à celui de Lunebourg, du Holstein, etc.

Entre Zehdenik et Templin, près de Storkow, il y a un petit affleurement de calcaire placé sur de l’argile sableuse. Il entre dans des détails intéressans sur les fossiles d’un calcaire tertiaire entre Kyritz et Wilsnack, dans le district du Priegnitz, sur le craie de Potzlow et le grès peut-être bigarré de Gommero.

Dans le deuxième cahier l’auteur récapitule les formation du district de Potsdam et de la nouvelle marche du Brandenbourg ; il annonce qu’il ya peut-être du Lias, dans l’Uckermark, puis il consacre. tout le reste du cahier et le suivant à la description du sol tertiaire divisé en argile à lignite, en calcaire tertiaire et en formation moyenne d’eau douce ; il traitera plus tard des dépôts diluviens et des alluvions. Sa première formation, celle des lignites, comprend de l’argile, de la marne, du sable, du grès, du gravier, du schiste charbonneux, des couches alunifères, du lignite avec de la poix minérale. Il classe les districts de combustible en 4 groupes, savoir : 1° le groupe sur les frontières de la nouvelle marche près de Zilensig, de Konigswald et de Liebenau, y compris les couches isolées sur le Drage. 2° Celui du Freienwald, de Wriezen et de Bukow avec le dépôt isolé de Francfort sur l’Oder. 3° Celui de Furstenwald, de Beeskow et de Storkow. 4° Celui de Senftenberg et de Muskau. Les détails qu’ils donne, soit sur les lignites, soit sur l’ambre, se lisent avec intérêt ; il n’y fait mention d’aucun coquillage.

Le calcaire tertiaire comprend du calcaire, de la marne, de l’argile marneuse et du sable. Le calcaire coquiller se trouve à Gumtow, Dollen et Storkow, et il contient des Dentales, la Turritella incisa, Brong, la Cytherea ericinoides, Lam, le Pectuneulus pulvinatus, la Mactra sirena et Erebea Bgt, l’Arca Pandora Bgt, le Corbis Aglauræ Bgt, la Melania costellata, Lam. var. Roncana Bgt, une Cassis, une Cerithe voisine du C. sulcatum, une Modiole ou une Moule, coquilles que l’auteur remarque être littoraux.

Sa formation moyenne d’eau douce comprend de la marne, sans coquilles ou coquillère, ou à ossemens. Elle n’a encore été trouvée que dans la partie supérieure de la vallée de Buckau, près de Gorzke, au sud de Ziesar. On a trouvé dans des marnes des Paludines, de petites Hélices, des Lymnées voisins du L. vulgaris ou verdâtre. Brard, des Planorbes voisins du P. vortex et albus, des débris d’une bivalve d’eau douce peut-être du genre Unio, et des écailles de poissons, des molaires d’ours et une dent de cheval. Il y a aussi des restes de plantes dicotyledons et des graines ressemblant à celles de l’Ervum lens, du Vicia sativa, du Polygonum persicaria, et du Chanvre. Il y cite encore des racines ressemblant à celles du Convallaria polygonatum, des tiges semblables à celles des Adiauthum et Equisetum ou Hippuris. Il distingue bien dans ce lieu, la marne coquillère inférieur ou ancienne et celle à ossemens qui est supérieure.

Enfin il termine par des détails sur les eaux minérales et surtout sur les sources salées du pays.

Le reste de la séance a été occupé par la continuation de la discussion du réglement administratif.


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