Bourses de voyage (1903)/Partie 2/XI

Bourses de voyage
Deuxième partie
Magasin d’Éducation et de Récréation, Tome XVII et XVIII, 1903



XI
Maîtres à bord.

Tel était le revirement dû au courage et à l’audace de Will Mitz. Les bonnes chances semblaient être maintenant du côté des honnêtes gens, les mauvaises du côté de ces malfaiteurs. Ce dernier crime, qui devait les débarrasser des passagers et de Will Mitz la nuit prochaine, ils seraient dans l’impuissance de le commettre.

N’était-ce pas eux, au contraire, dont les forfaits allaient être châtiés, qui seraient livrés à la police dès l’arrivée de l’Alert en un port quelconque de l’Antilie ou de l’Amérique, s’ils ne parvenaient pas à s’emparer une seconde fois du navire ?… Mais y parviendraient-ils ? …

Sans doute, ils étaient dix enfermés dans ce poste, — dix hommes robustes, contre lesquels Will Mitz et ses compagnons n’eussent pas lutté avec avantage. Après avoir démoli les cloisons qui séparaient le poste de la cale, n’arriveraient-ils pas à regagner le pont par les panneaux qui y donnaient accès ?… Assurément, ils feraient tout le possible pour recouvrer la liberté…

Tout d’abord Will Mitz remercia Dieu, le priant de leur continuer sa protection.

Les jeunes gens joignirent leur prière à la sienne. Homme de foi et de piété, cet honnête marin n’avait affaire ni à des ingrats ni à des incrédules, et une sincère effusion de reconnaissance s’échappa de leur cœur.

Quant à M. Horatio Patterson, on l’avait aidé à remonter sur le pont, sans qu’il fut sorti de son état d’inconscience. Se croyant sous l’influence d’un mauvais rêve, il regagna sa cabine. Cinq minutes après, il dormait de plus belle.

Le jour grandissait, et le soleil ne tarda pas à se lever derrière une bande d’épais nuages qui s’étendait du nord-est au sud-est. Will Mitz eût préféré un horizon nettoyé de vapeurs. Il craignait que le vent ne s’établit pas franchement de ce côté, d’autant plus qu’à l’opposé l’état du ciel présentait des symptômes de forte brise auxquels son instinct de marin ne pouvait se tromper.

Toute la question était là : si les alizés l’emportaient, ils seraient favorables à une rapide marche de l’Alert vers l’ouest en direction des Antilles.

Mais, avant d’appareiller, il convenait d’attendre que la brise se fût prononcée dans un sens ou dans l’autre. Intermittente jusqu’alors, elle n’eût pas permis d’installer la voilure.

La mer ne verdissait ni au levant ni au couchant. La boule, qui n’est qu’un balancement des eaux, oscillait sur place, imprimant au navire un roulis assez sensible.

Il importait, cependant, que la traversée se fît dans le plus court délai. La cale et la cambuse contenant des provisions pour plusieurs semaines, les passagers n’avaient point à redouter le manque de vivres et d’eau.

Il est vrai, comment pourvoir à la nourriture des prisonniers, si des calmes et des mauvais temps retardaient l’Alert ?… Le poste ne renfermait aucune provision… Dès ce premier jour, Harry Markel et les autres seraient en proie à la faim et à la soif… Faire passer à manger et à boire par la porte du capot, n’était-ce pas leur donner accès sur le pont ?…

Eh bien, Will Mitz aviserait si la navigation devait se prolonger. N’était-il pas possible qu’en vingt-quatre ou trente-six heures l’Alert eût d’ailleurs franchi les quatre-vingts milles qui le séparaient des Indes Occidentales ?…

Un incident ne tarda pas à trancher cette question de la nourriture des prisonniers. Elle allait être assurée, dût la traversée durer plusieurs semaines.

Il était environ sept heures, lorsque Will Mitz, qui faisait ses préparatifs d’appareillage, en fut distrait par ces cris de Louis Clodion :

« À moi… à moi !… »

Will Mitz accourut. De tout son poids, le jeune garçon pesait sur le grand panneau que l’on cherchait à soulever de l’intérieur. Harry Markel et les autres, après avoir défoncé la cloison du poste, avaient envahi la cale, et ils essayaient d’en sortir par le grand panneau. Et, certainement, ils y fussent parvenus si Louis Clodion n’eût arrêté la tentative.

Aussitôt Will Mitz, Roger Hinsdale, Axel Wickborne de lui venir en aide. Le panneau fut rajusté sur les hiloires, et, les barres de fer transversales mises en place, il serait impossible de le forcer. Même précaution fut prise pour le panneau de l’avant qui aurait pu livrer passage.

Will Mitz, revenant alors près du capot, cria d’une voix forte :

« Écoutez-moi là-dedans, et faites attention à ce que je dis ! »

Aucune réponse ne vint du poste.

« Harry Markel, c’est à toi que je m’adresse. »

En l’entendant, Harry Markel comprit que son identité était établie. D’une façon ou d’une autre, les passagers avaient tout appris et devaient être au courant de ses projets.

D’effroyables jurons, voilà la seule réponse qu’obtint Will Mitz. Il continua en ces termes :

« Harry Markel, sache bien et que tes complices le sachent aussi… nous sommes armés… Le premier de vous qui essayerait de sortir du poste, je lui casserais la tête. »

Et, à partir de ce moment, après avoir pris les revolvers du râtelier de la dunette, les jeunes garçons allaient veiller jour et nuit, prêts à faire feu sur quiconque apparaîtrait hors du capot.

Toutefois, si les prisonniers n’avaient plus chance de s’échapper, maintenant maîtres de la cale ils auraient des provisions en abondance : viande conservée, biscuits, barils de bière, de brandy et de gin. Et alors, libres de se livrer à tous les excès de l’ivresse, Harry Markel aurait-il le pouvoir de les retenir ?…

En somme, ces misérables ne devaient se faire aucune illusion sur les intentions de Will Mitz. Harry Markel n’ignorait pas que l’Alert ne se trouvait qu’à soixante-dix ou quatre-vingts milles des Antilles. Avec les vents régnants, il était possible de rallier l’une des îles en moins de deux jours. En outre, à travers ces parages si fréquentés, l’Alert rencontrerait nombre de bâtiments avec lesquels Will Mitz se mettrait en communication. Donc, de toute manière, soit à bord d’un autre navire, soit dans un des ports de l’Antilie, les pirates de l’Halifax, les échappés de la prison de Queenstown, n’auraient plus qu’à attendre le châtiment de leurs crimes.

Aussi Harry Markel devait-il comprendre qu’il ne lui restait aucune chance de salut… Il ne pourrait délivrer ses compagnons et redevenir une seconde fois maître à bord…

Les panneaux et le poste solidement fermés, il n’existait point d’autre communication entre le pont et la cale. Quant à percer la coque au-dessus de la flottaison, attaquer l’épais bordé et la solide membrure, ou trouer le pont, comment le faire sans outils ?… Et puis, ce travail ne se fût pas exécuté sans attirer l’attention… En vain même les prisonniers essayeraient-ils de s’introduire dans la partie arrière du navire, en défonçant la cloison étanche de la cambuse à laquelle on n’accédait que par un panneau en avant de la dunette… D’autre part, si les passagers n’avaient à leur disposition que les réserves de cette cambuse, elles leur suffiraient pendant huit à dix jours, ainsi que l’eau douce contenue dans les barils du pont. Or, avant quarante-huit heures, même par brise moyenne, l’Alert aurait atteint une des îles de l’archipel.

Cependant le temps ne se déclarait pas, et si l’autre navire avait pu faire route vers l’ouest, c’est qu’il se trouvait plus au nord, là où les alizés avaient repris dès le lever du jour.

En attendant la brise, d’où qu’elle vînt, et tandis que Hubert Perkins et Axel Wickborn veillaient à l’avant près du capot, les autres entouraient Will Mitz, prêts à exécuter les ordres qu’il donnerait.

Will Mitz dit alors :

« Ce que nous devons chercher, c’est de rallier les Antilles dans le plus court délai…

— Et là, répondit Tony Renault, livrer ces misérables à la police…

— Pensons à nous, d’abord, observa le très pratique Roger Hinsdale.

— Et quel jour l’Alert pourrait-il arriver ?… demanda Magnus Anders.

— Demain dans l’après-midi, si nous sommes favorisés par le temps, déclara Will Mitz.

— Pensez-vous que le vent soufflera de ce côté ?… interrogea Hubert Perkins, en indiquant l’est.

— Je l’espère, et encore faudra-t-il qu’il tienne trente-six heures… Par ces temps orageux, on ne sait trop sur quoi compter…

— Et quelle direction suivrons-nous ?… reprit Louis Clodion.

— Franchement l’ouest.

— Et sommes-nous certains de rencontrer les Antilles ?… reprit John Howard.

— Certains, affirma Will Mitz. L’archipel, depuis Antigoa jusqu’à Tabago, occupe une étendue de quatre cents milles, et, en quelque île que ce soit, nous serons en sûreté…

— Assurément, déclara Roger Hinsdale, française, anglaise, danoise, hollandaise, et, même si nous sommes déviés de notre route par des vents contraires, si nous arrivons aux Guyanes ou dans l’un des ports des États-Unis…

— Et ! que diable, riposta Tony Renault, nous finirons bien par accoster l’une ou l’autre des deux Amériques, entre le cap Horn et la Nouvelle-Angleterre…

— En effet, monsieur Tony, conclut Will Mitz. Seulement il ne faut pas que l’Alert reste encalminé à cette place !… Vienne la brise et fasse Dieu qu’elle nous soit favorable ! »

Et il ne suffisait pas que le vent fut favorable, il importait non moins qu’il ne fût pas trop violent. Rude et difficile tâche pour Will Mitz d’avoir à manœuvrer avec un équipage de jeunes garçons, étrangers à la pratique, n’en sachant que le peu qu’ils avaient pu voir durant la traversée d’Europe aux Antilles. Et que ferait Will Mitz, s’il fallait opérer avec rapidité, virer vent devant ou vent arrière, en cas qu’il y eût des bords à courir, des ris à prendre, si quelque ouragan risquait de compromettre la mâture ?… Comment parer à toutes les éventualités qui peuvent se produire au milieu de parages si fréquemment visités par les cyclones et les tempêtes ?…

Et peut-être Harry Markel comptait-il sur l’embarras où serait Will Mitz : ce n’était qu’un matelot, intelligent, énergique, mais incapable de relever sa position avec quelque exactitude ! Si les circonstances devenaient critiques, si des vents d’ouest rejetaient l’Alert au large, si une tempête menaçait de le désemparer, s’il se trouvait en perdition, Will Mitz ne se verrait-il pas contraint de recourir à Markel, à ses compagnons, et alors…

Cela, jamais ! Will Mitz suffirait à tout avec l’aide des jeunes passagers… Il ne conserverait de la voilure que les voiles facilement manœuvrables, dût-il retarder l’arrivée de l’Alert !… Non ! plutôt périr que de recourir à l’assistance de ces misérables, que de retomber entre leurs mains !

Du reste, on n’en était pas là, et, en somme, que demandait Will Mitz ?… Trente-six heures, quarante-huit heures au plus d’une brise moyenne de l’est, une mer maniable… Était-ce donc trop espérer de ces parages où les alizés règnent d’ordinaire ?…

Il était près de huit heures. En surveillant le capot et les deux panneaux, on entendait l’équipage aller et venir dans la cale, et aussi les cris de colère, les malédictions accompagnées des plus abominables injures. Mais il n’y avait rien à craindre de ces hommes, réduits à l’impuissance.

Tony Renault proposa alors de déjeuner. Après les fatigues et les émotions de cette nuit, la faim commençait à se faire vivement sentir. Ce repas fut pris sur les réserves de la cambuse, biscuit et viande conservée, œufs que le jeune garçon alla faire durcir sur le fourneau de la cuisine dont les divers ustensiles étaient à sa disposition. La cambuse fournit aussi le wisky ou le gin qui furent mélangés à l’eau douce des barils, et ce premier déjeuner réconforta copieusement tout ce petit monde.

M. Patterson en avait eu sa part. Il est vrai, lui, si loquace d’habitude, c’est à peine si quelques paroles s’échappaient de ses lèvres. Se rendant compte de la situation, il en comprenait la gravité, et les dangers de la mer lui apparaissaient maintenant dans toute leur gravité.

Vers huit heures et demie, la brise parut s’établir dans l’est, par bonne chance. Quelques rides se dessinaient à la surface de la mer, et, à deux milles sur bâbord, étincelaient des blancheurs d’écume. Du reste, l’immense plaine liquide était déserte. Pas un navire en vue, même à la dernière limite de l’horizon.

Will Mitz se décida à appareiller. Son intention n’était point d’employer les hautes voiles de perroquet et de cacatois, qu’il faudrait serrer s’il venait à surventer. Le grand et le petit hunier, la misaine, la brigantine, les focs, suffiraient à se tenir en bonne route. Or, comme ces voiles étaient sur leurs cargues, il n’y aurait qu’à les orienter, à les amurer, à les border, et l’Alert mettrait le cap à l’ouest.

Will Mitz réunit les jeunes garçons. Il leur expliqua ce qu’il attendait d’eux, et assigna à chacun son poste. Suivi de Tony Renault et de Magnus Anders, plus habitués que leurs camarades, il monta dans les hunes, après avoir indiqué à Louis Clodion comment il devrait tenir la barre.

« Cela ira… cela ira !… répétait Tony Renault avec la confiance si naturelle à son âge, et il se sentait vraiment capable des plus grandes choses.

— Je l’espère, Dieu aidant ! » dit Will Mitz.

En un quart d’heure le trois-mâts fut sous voiles, et, doucement incliné, il filait grand largue, laissant derrière lui un long sillage blanc.

Jusqu’à une heure, le vent demeura à l’état de petite brise, non sans des intermittences qui causaient certaines inquiétudes à Will Mitz. Et puis, à l’ouest, s’arrondissaient de gros nuages aux bords très nets, d’apparence livide, indices de l’état orageux de l’atmosphère…

« Que dites-vous du temps, Will ?… demanda Roger Hinsdale.

— Il n’est pas comme je le voudrais !… Je sens quelque orage devant nous, ou tout au moins du vent…

— Et s’il vient de ce côté ?…

— Que voulez-vous, répondit Will Mitz, il faudra bien le prendre comme il sera !… Nous courrons des bordées en attendant le retour des alizés, et, pourvu que la mer ne soit pas trop dure, on s’en tirera… L’important est d’arriver en vue de la terre, et, si ce n’est que dans trois jours au lieu de deux, on se résignera… À cinq ou six milles des Antilles nous devons rencontrer des pilotes qui viendront à bord et, quelques heures après, l’Alert sera à son mouillage. »

Cependant, ainsi que le prévoyait Will Mitz, le vent ne put tenir à l’est. Dans l’après-midi, l’Alert fut très secoué par des contre-lames de l’ouest avec la brise qui s’établit définitivement de ce côté.

Il y eut donc nécessité de courir au plus près, afin de ne point être entraîné vers le large. La manœuvre s’effectua assez facilement sans changer les amures. Tony Renault se mit au gouvernail et tint la barre dessous. Will Mitz et les autres raidirent les bras des vergues, les écoutes de la misaine, des huniers, de la brigantine et des focs. L’Alert, orienté pour sa première bordée, cap au nord-est, appuyé sur tribord, marcha rapidement dans cette direction.

Nul doute que, dans la cale où ils étaient renfermés, Harry Markel et les siens n’eussent reconnu que le navire, ayant vent contraire, s’éloignait des Antilles. Or, ce retard ne pouvait que tourner à leur avantage.

Vers six heures du soir, Will Mitz jugea que l’Alert s’était assez élevé au nord-est, et, pour mieux utiliser les courants, il résolut de tirer une bordée vers le sud-ouest.

C’était, de toutes les manœuvres, celle dont il s’inquiétait le plus. Virer vent devant est une opération qui exige une grande précision de mouvements dans le brassage des vergues. Il est vrai, l’Alert aurait pu virer en arrière ; mais ce serait plus long, sans parler du risque de recevoir quelques mauvais coups de mer. Heureusement, la houle n’était pas trop dure. On borda la brigantine, la barre dessous, puis, les écoutes larguées à propos, la misaine et le petit hunier reçurent le vent par tribord. L’abattée se fit après une courte hésitation, et, ses voiles amurées de nouveau, le navire cingla dans la direction du sud-ouest.

« Bien… bien…, mes jeunes messieurs !…, s’écria Will Mitz, lorsque l’opération fut terminée. Vous avez manœuvré comme de vrais matelots…

— Sous les ordres d’un bon capitaine ! » répondit Louis Clodion au nom de tous ses camarades.

Et si, de la cale ou du poste, Harry Markel, John Carpenter et les autres se rendirent compte que l’Alert avait repris une autre bordée, on imagine aisément à quel accès de rage ils s’abandonnèrent !

Le dîner, rapidement expédié comme l’avait été le déjeuner, quelques tasses de thé préparées par Tony Renault le complétèrent.

Cela fait, M. Patterson ne tarda pas à rentrer dans sa cabine, car il ne pouvait être d’aucune utilité.

Alors Will Mitz s’occupa de partager les quarts pour la nuit entre Louis Clodion et ses camarades.

Il fut convenu que cinq d’entre eux resteraient sur le pont, tandis que les cinq autres prendraient quelque repos. Ils se relèveraient de quatre en quatre heures, et, s’il était nécessaire de virer de bord avant le jour, tous viendraient donner la main à la manœuvre.

D’ailleurs, pendant le quart, ils surveilleraient le capot et les panneaux, de façon à prévenir toute surprise.

Les choses ainsi réglées, Roger Hinsdale, Niels Harboe, Albertus Leuwen, Louis Clodion, rentrèrent dans le carré et se jetèrent tout habillés sur leurs cadres. Magnus Anders, au gouvernail, suivit les indications que lui donnait Will Mitz. Niels Harboe, Hubert Perkins, se placèrent à l’avant. Axel Wickborn et John Howard restèrent au pied du grand mât.

Will Mitz, lui, allait et venait, ayant l’œil à tout, mollissant ou raidissant les écoutes suivant les demandes de la brise, prenant la barre lorsqu’il la fallait tenir d’une main ferme et expérimentée, — bref, capitaine, maître, gabier, timonier, matelot, selon les circonstances.

Les quarts se succédèrent comme il avait été décidé. Ceux qui avaient dormi quelques heures vinrent remplacer leurs camarades à l’avant et à l’arrière.

Quant à Will Mitz, il voulut demeurer sur pied jusqu’au matin.

Après une nuit sans incidents, l’orage qui menaçait s’étant dissipé, le vent continua de souffler en petite brise. Il n’y eut donc pas lieu de diminuer la voilure, — opération difficile au milieu de l’obscurité.

Quant à ce qui se passait à l’intérieur du poste et de la cale, ni Harry Markel ni ses compagnons ne firent aucune tentative pour reprendre possession du navire. Même la nuit, ils savaient que cette tentative aurait échoué. Des cris de fureur éclataient parfois sous les panneaux, et aussi des clameurs d’ivrognes qui finirent par cesser.

À l’aube, l’Alert avait couru trois bordées dans l’ouest. Quant à la distance qui le séparait encore des Antilles, de combien de milles avait-elle diminué ?… Dix ou douze, à peine !…