Bourassa et l’Anti-Laurierisme/Les trois places de M. Bourassa et ses contradictions

Les trois places de M. Bourassa et ses Contradictions.


M. Bourassa est accusé d’avoir sollicité trois places du gouvernement. Pour le commun des mortels, ce ne sera pas un crime. Mais pour M. Bourassa qui dénonce comme des vendus tous ceux qui occupent des places dans l’administration publique, sans compter ceux qui gagnent leur vie à rédiger des journaux libéraux, comme lui gagne la sienne à insulter ses compatriotes dans le « Devoir », le fait d’avoir sollicité des places du gouvernement est une preuve irréfutable de l’hypocrisie de son désintéressement, du motif de dépit et de haine qui dirige ses actions.

Donc, il s’agit de prouver que M. Bourassa a bel et bien sollicité les trois places et que sa haine contre Sir Wilfrid Laurier provient de ce qu’il n’en a obtenu aucune.

Tout aristocrate, seigneur, fils et petit-fils de seigneur qu’il soit, cet homme dont le « Devoir » vante l’absence de sens pratique a bien su, lorsqu’il était secrétaire de la Haute Commission internationale, se faire remettre $2,000 pour ses dépenses — lesquelles d’autre part étaient payées par le trésorier de la commission — et n’a jamais voulu en rendre compte.

Pour un homme désintéressé et manquant de sens pratique, on voit déjà qu’il sait bien ne pas négliger ses intérêts personnels.

Ce petit incident nous permet de mieux comprendre pourquoi il sollicitait l’une après l’autre les trois places en question : D’abord, la place de maître de poste de Montréal, ensuite la place de commissaire du Canada à Paris ; et enfin, la place de vice-président de la Chambre.

L’accusation d’avoir sollicité ces trois places a été portée contre M. Bourassa par l’hon. M. Lemieux dans une assemblée publique ; M. Bourassa y a répondu dans le « Devoir ». Elles ont été répétées, à St-Hyacinthe, par l’hon. M. Lemieux, à la face même de M. Bourassa, qui y a encore répondu.

Voyons comment il a répondu à ces accusations qui, si elles sont prouvées, le marquent au front du stigmate de l’hypocrisie et de la haine.


Prenons d’abord l’article du « Devoir » :

Pour la place de maître de poste de Montréal, voici ce qu’il dit après quelques lignes d’invectives à l’hon. M. Lemieux.

« Quelques mois plus tard, le parlement était dissous. Fidèle à ma promesse, je me présentai de nouveau, APRÈS AVOIR DEMANDÉ AU PREMIER MINISTRE DE NE PAS DISPOSER, AVANT LES ÉLECTIONS, DE LA DIRECTION DES POSTES DE MONTRÉAL. (Le « Devoir », 27 juin 1911).

Ainsi, non seulement il avait sollicité la place ; mais il avait demandé à Sir Wilfrid de la lui réserver, au cas où il serait battu, aux élections.

C’est clair, n’est-ce pas ?

Pour la place de vice-président de la Chambre :

« La vice-présidence de la Chambre était vacante. Il me semble que je pouvais, sans déroger, poser ma candidature à cette place. Il s’agissait d’une fonction parlementaire limitée à la durée de mon mandat. J’étais alors en plein accord avec le premier ministre et son gouvernement. J’AVAIS FAIT TOUTES LES LUTTES DU PARTI LIBÉRAL DEPUIS QUINZE ANS ».

…Encore aveuglé sur la loyauté de M. Lemieux, je n’hésitai pas à lui exposer mon cas »… (Le « Devoir », 27 juin 1911).

M. Bourassa avoue, par conséquent, qu’il a sollicité la place et il fait valoir ses titres, parmi lesquels figurent ceux d’être d’accord avec le gouvernement et d’avoir fait la lutte pendant quinze ans pour le parti libéral.

C’est-à-dire, qu’il invoque les considérations que, dans le cas d’autres députés, il condamne aujourd’hui comme de la corruption, comme une vente de leur mandat.

Quant à la place de commissaire du Canada à Paris, M. Bourassa prétend qu’on le lui a offerte et qu’il l’a refusée. Là, il y avait un odieux spécial : la place n’était pas vacante. Il aurait fallu déplacer un vieillard : l’hon. M. Fabre, un vétéran des luttes libérales d’autrefois.

« Tout mauvais cas est niable », dit un proverbe français, Le cas du commissariat de Paris étant particulièrement odieux, il n’est pas étonnant que M. Bourassa le nie.

Mais après avoir admis, comme on le voit par les textes, les deux premières accusations, qu’il nie la troisième, cela ne fait que mettre sa parole en face de celle de l’hon. M. Lemieux et le public devra en conclure suivant la confiance que l’un et l’autre peuvent inspirer. Pour nous, il ne nous reste pas le moindre doute qu’il a sollicité cette place comme les deux autres.


À l’assemblée de St-Hyacinthe où l’avait appelé l’hon. Lemieux, dimanche, 13 août, M. Bourassa a modifié quelque peu les explications qu’il avait données dans le « Devoir » du 27 juin.

D’après le compte-rendu du « Devoir », il aurait dit :

« Je n’ai jamais demandé la place de maître de poste de Montréal, et M. Lemieux le sait ».

Mais il refuse de parier.

Il avait oublié, sous l’excitation du moment, ce passage de son article du 27 juin, où il avoue que, non seulement il a sollicité la place, mais qu’il a prié Sir Wilfrid Laurier de la lui garder jusqu’après les élections au cas où il serait battu.

Toujours d’après le compte-rendu du « Devoir », il aurait dit encore à St-Hyacinthe :

« J’ai posé ma candidature à la vice-présidence de la Chambre des Communes, en mettant comme condition essentielle que je conserverais ma liberté de député ».

Mais il affirme qu’il l’a retirée vingt-quatre heures après.

Il a nié encore avoir sollicité la place de commissaire à Paris.

Faisons le bilan de ses admissions et de ses dénégations.

Accusé d’avoir sollicité trois places, il répond, le 27 juin, qu’il en a bien sollicité deux, mais pas la troisième.

À St-Hyacinthe, dimanche, il admet en avoir sollicité une, mais pas les deux autres.

À la prochaine occasion, il niera carrément pour toutes les trois.

Et quelle est la morale de tout cela ?

C’est qu’il sera impossible à un homme de bon sens de s’en rapporter à la parole de M. Bourassa. Elle varie vraiment trop.

Lorsque l’on dit la vérité, on n’a pas à craindre de se contredire. La vérité est une et ne change pas. Ce qui était la vérité le 27 juin était encore la vérité le 13 août. Si M. Bourassa s’est contredit, du 27 juin au 13 août, c’est nécessairement qu’il ne disait pas la vérité, qu’il mentait.

Oh ! cela n’a rien de nouveau pour nous qui l’avons pris journellement en flagrant délit de mensonge, mais enfin, c’est une satisfaction pour tout le monde de constater qu’il a menti, en comparant simplement ce qu’il a écrit et signé dans le « Devoir » et ce qu’il a dit, d’après le compte-rendu sténographié du « Devoir », à St-Hyacinthe.

Cette preuve faite, indiscutable, le public n’a plus devant lui qu’une accusation à laquelle l’accusé ne peut opposer que des mensonges variant d’une occasion à l’autre. Et cette accusation reste, par conséquent, collée aux épaules du pur entre les purs, comme un manteau de Nessus ; elle le brûle et il a beau se débattre, il ne peut s’en débarrasser.

Et d’après toutes les règles de la logique et du bon sens, il est maintenant établi que M. Bourassa a sollicité trois places, y compris les émoluments ;

Que sa haine contre Sir Wilfrid Laurier et ceux qui lui sont restés fidèles provient de son désappointement de n’avoir eu aucune de ces trois places.

Et que, si Sir Wilfrid Laurier avait voulu, M. Bourassa, au lieu de tonner aujourd’hui contre la marine, serait pourvu d’une « grasse prébende » qui lui ferait garder le silence.

Qu’en pensez-vous, ô bons nationalistes ?


LES DANGERS DE LA POLITIQUE


La politique a ses dangers, comme toutes les carrières. Ainsi, voyez ce qui arrive à M. Bourassa, le gardien de nos droits, pour avoir eu l’œil ouvert sur la conférence de Londres.

LE RETOUR DE SIR WILFRID LAURIER


MONK À BOURASSA — Mais est-il assez bête notre chien, de se mettre ainsi sur le chemin du bagage de Sir Wilfrid Laurier !
BOURASSA — Je te dis que c’en est fait ; notre chien est mort !