Bourassa et l’Anti-Laurierisme/L’homme qui rit

L’HOMME QUI RIT


M. Bourassa raconte aux assemblées canadiennes-françaises que c’est à contrecœur qu’il combat M. Laurier, qu’il serait aussi sensible que tout le monde au succès de notre grand compatriote si M. Laurier avait un autre programme. Ce fameux comédien sait même avoir des larmes dans les yeux pour faire croire que c’est uniquement pour sauver la Patrie qu’il veut renverser Laurier ! Mais, quand ses gestes de comédie ont soulevé des applaudissements qui lui font espérer qu’il vient de faire quelque chose contre M. Laurier, il rit. Par tous les moyens, c’est le même but qu’il poursuit : renverser Laurier !

Cet homme n’a cependant rien fait. Qu’a t-il fait durant tout son terme de député ? A-t-il proposé un seul bill ; a-t-il attaché son nom à un seul article de loi ; a-t-il fait adopter le moindre amendement à notre législation. Enfin, a-t-il fait quelque chose d’utile que le parti libéral, SON PARTI, était au pouvoir ?

Tout son talent est tourné en feu d’artifice. Il n’a rien fait ; il ne fera jamais rien.

Pourquoi ?

Regardez-le, Il rit.

Il rit mécaniquement, silencieusemmt, malgré lui. Il rit quand on l’applaudit, quand l’effort qu’il a fait lui a permis de recueillir ce que sa vanité lui fait rechercher avant tout — l’approbation bruyante de la galerie.

Il rit nerveusement, béatement, instinctivement, naturellement ; les lèvres, découvrant les dents, ferment dans leurs contractions des plis circulaires autour de la bouche.

C’est la plus impressionnante expression de vanité satisfaite qu’il soit possible d’observer. Il suffit de l’avoir vue une fois, cette expression particulière de M. Bourassa, pour comprendre que, chez cet homme qui rit, qui rit malgré lui l’orgueil, l’amour de l’adulation sont les seuls mobiles qui le guident, et que la grandeur de la patrie, l’avenir du pays le préoccupent bien moins que le triomphe de son moi et les acclamations populaires… qui le font rire.

La chûte de Laurier dans la « crotte » de M. Bourassa, serait une si bonne farce. Il faut renverser Laurier !

JUVENAL.