Boileau - Œuvres poétiques/Satires/Préface 1683, 1685 et 1694

SatiresImprimerie généraleVolumes 1 et 2 (p. 43-45).


IV

PRÉFACE
POUR LES ÉDITIONS DE 1683, 1685 ET 1694.


Voici une édition de mes ouvrages beaucoup plus exacte que les précédentes, qui ont toutes été assez peu correctes. J’y ai joint cinq épitres nouvelles, que j’avois composées longtemps avant que d’être engagé dans le glorieux emploi qui m’a tiré du métier de la poésie [1]. Elles sont du même style que mes autres écrits, et j’ose me flatter qu’elles ne leur feront point de tort ; mais c’est au lecteur à en juger, et je n’emploierai point ici ma préface, non plus que dans mes autres éditions, à le gagner par des flatteries, ou à le prévenir par des raisons dont il doit s’aviser de lui-même. Je me contenterai de l’avertir d’une chose dont il est bon qu’on soit instruit : c’est qu’en attaquant dans mes satires les défauts de quantité d’écrivains de notre siècle, je n’ai pas prétendu pour cela ôter à ces écrivains le mérite et les bonnes qualités qu’ils peuvent avoir d’ailleurs. Je n’ai pas prétendu, dis-je, que Chapelain, par exemple, quoique assez méchant poëte, n’ait pas fait autrefois, je ne sais comment, une assez belle ode ; et qu’il n’y eût point d’esprit ni d’agrément dans les ouvrages de M. Quinault, quoique si éloignés de la perfection de Virgile. J’ajouterai même, sur ce dernier, que dans le temps où j’écrivis contre lui, nous étions tous deux fort jeunes, et qu’il n’avoit pas fait alors beaucoup d’ouvrages qui lui ont dans la suite acquis une juste réputation. Je veux bien aussi avouer qu’il y a du génie dans les écrits de Saint-Amant, de Brébeuf, de Scudéri, et de plusieurs autres que j’ai critiqués, et qui sont en effet d’ailleurs, aussi bien que moi, très-dignes de critique. En un mot, avec la même sincérité que j’ai raillé de ce qu’ils ont de blâmable, je suis prêt à convenir de ce qu’ils peuvent avoir d’excellent. Voilà, ce me semble, leur rendre justice, et faire bien voir que ce n’est point un esprit d’envie et de médisance qui m’a fait écrire contre eux.

Pour revenir à mon édition (outre mon remerciment à l’Académie et quelques épigrammes que j’y ai jointes), j’ai aussi ajouté au poëme du Lutrin deux chants nouveaux qui en font la conclusion. Ils ne sont pas, à mon avis, plus mauvais que les quatre autres chants, et je me persuade qu’ils consoleront aisément les lecteurs de quelques vers que j’ai retranchés à l’épisode de l’horlogère[2], qui m’avoit toujours paru un peu trop long. Il seroit inutile maintenant de nier que ce poëme a été composé à l’occasion d’un différend[3].....

  1. Boileau parle de son emploi d’historiographe. Les épitres dont il s’agit sont les épitres V, VI, VII, VIII et IX.
  2. Boileau, dans les éditions du Lutrin postérieures à 1700, remplaça l’horlogère par la perruquière.
  3. La fin de cette préface est devenue la préface particulière du Lutrin.