Biographie universelle ancienne et moderne/2e éd., 1843/BANIER (Antoine)

Biographie universelle ancienne et moderne : Antoine Banier
Texte établi par Michaud, A. Thoisnier Desplaces (Tome 3p. 10-11).

BANIER (Antoine), né à Dalet, village d’Ativergne, le 2 novembre 1673, de parents honnêtes mais assez mal partagés des biens de la fortune, fit ses études au collège des jésuites de Clermont, où il se distingua par une grande facilité et par une mémoire plus étonnante encore. L’éclat avec lequel il soutint ses thèses publiques, à la suite de son cours de philosophie, détermina son père à faire un sacrifice d’argent pour l’envoyer à Paris. La petite somme qu’il avait reçue en partant fut bientôt dissipée ; et n’attendant pas de nouveaux secours de sa famille, il fut obligé, pour subsister, de donner des leçons de latinité et de belles-lettres. Au bout de quelque temps, il entra chez le président Dumetz, comme précepteur de son fils ; et il eut le double bonheur de trouver dans ce jeune homme un sujet digne de ses soins, et dans Dumetz un savant modeste qui mettait à sa disposition une bibliothèque nombreuse. En relisant avec son élève les poëtes grecs et latins, Banier eut occasion de remarquer le faux des systèmes au moyen desquels on avait prétendu éclaircir la mythologie, dont le développement pouvait jeter un si grand jour sur l’histoire, les mœurs et l’état des connaissances des peuples anciens. Le fruit de ses études fut l’Explication historique des fables, ouvrage qu’il publia en 1711, 2 vol. in-12. De Boze, chargé d’examiner cet ouvrage, fut étonné de l’intérêt que l’auteur avait su répandre sur une matière qui en paraissait peu susceptible, et de l’érudition qu’il avait montrée, sans affectation et sans étalage. Dès lors il le regarda comme un sujet précieux pour l’académie des inscriptions et belles-lettres ; et il l’y fit recevoir deux années après, en 1713. Son amour pour le travail et la douceur de ses mœurs le firent aimer et estimer de ses confrères. On peut juger, par le grand nombre de mémoires qu’il a fait imprimer dans le recueil de cette compagnie, de son zèle pour le progrès des sciences : il n’abandonna jamais son projet d’éclaircir la mythologie, et il fut continuellement occupé à perfectionner l’ouvrage qu’il avait entrepris sur ce sujet. Il en donna une nouvelle édition en 1715, 5 vol. in-12. Celle-ci n’a de commun avec la précédente que le titre. Le plan de l’ouvrage est entièrement changé, et il est divisé en dialogues, dont les interlocuteurs sont : Alcidas, son élève, Éliante, son épouse, et Théophile, nom sous lequel l’auteur s’est désigné lui-même. La meilleure édition de cet ouvrage est la troisième, intitulée : la Mythologie et les Fables expliquées par l’histoire, Paris, 1738,1740, 3 vol. in-4o, ou 1764, 8 vol. in-12, avec beaucoup de changements, de corrections dans le style, et d’additions dans les faits. Cet ouvrage assure à son auteur une réputation durable ; il y travailla pendant trente ans. Il en a publié d’autres moins connus. De ce nombre est le Voyage dans la Turquie, l’Asie, etc., de Paul Lucas, Rouen, 1719, 3 vol. in-12. Il le rédigea d’après les notes informes de ce célèbre voyageur, et y ajouta différentes remarques d’érudition. Le succès en fut assez grand pour que les libraires qui l’avaient publié chargeassent l’abbé Banier de présider à la nouvelle édition du Voyage par la Moscovie en Perse, etc., de Corneille le Bruyn, qui parut à Paris, en 1725, 5 vol. in-4o. L’éditeur en corrigea le style, défectueux en beaucoup d’endroits, et éclaircit différents passages par des notes géographiques. La même année, il publia la 4e édition des Mélanges d’histoire et de littérature de d’Argonne. Il en distribua les matériaux avec plus d’ordre, et y ajouta quantité d’anecdotes, qui ne sont pas toutes également certaines ni piquantes. Ce fut à peu près vers ce temps-là qu’il entreprit la traduction des Métamorphoses d’Ovide. Elle parut en 1732, à Amsterdam, Western, grand in-fol., et dut une partie de ses succès aux gravures de Bern. Picart, dont elle est ornée. On en donna une 2e édition la même année, Amsterdam, 1732, 3 vol. in-12, et une 3e, Paris, 1738, 2 vol. in-4o : elle reparut avec de nouvelles gravures de Lemire et Basan, Paris, 1767-71, 4 vol. in-4o, et Paris, 1807, 1808, 2 vol. in-8o· Cette traduction est assez exacte, mais froide et sèche. L’exemple de l’abbé Banier prouve que, pour rendre les beautés d’un poëte, il ne suffit pas toujours de les sentir et d’en être pénétré. Le dernier ouvrage auquel il ait eu part est l’édition des Cérémonies et Coutumes religieuses des différents peuples du monde, Paris, 1741, 7 vol. in-fol. Cette édition, moins estimée que celle d’Amsterdam, a cependant conservé quelques partisans. On a reproché à l’abbé Banier et à l’abbé Lemascrier, son collaborateur, de ne point parler avec assez de ménagement de Jean Fréd. Bernard, le véritable auteur de l’ouvrage, et de lui dire des injures en s’appropriant son travail. Les nouveaux éditeurs, en réformant les déclamations que l’esprit de parti lui avait dictées contre l’Église romaine et ses usages, auraient dû rendre plus de justice à son érudition ; ils ajoutèrent à l’ouvrage plusieurs morceaux estimables, dont Bernard s’empara à son tour, en leur rendant les injures qu’ils lui avaient dites. L’abbé Banier mourut à Paris, le 2 novembre 1741, d’une maladie qui lui fit souffrir de grandes douleurs pendant les trois dernières de années de sa vie. Il avait donné une édition de l’Histoire poétique du P. Gautruche, 1738, in-12. Le recueil de l’académie des inscriptions et belles-lettres renferme treize mémoires de l’abbé Banier. W—s.