Biographie universelle ancienne et moderne/1re éd., 1811/Teymouraz 1er


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TEYMOURAZ Ier., roi de Géorgie, était petit-fils d’Alexandre, roi de Kakhet, et fils de David, qui mourut avant son père. Né vers la fin du dix-septième siècle, il fut envoyé comme otage en Perse, et élevé auprès de Ghah-Abbas le Grand. Alexandre ayant été assassiné dans sa vieillesse, par Constantin, son second fils, qui s’était fait musulman, Ketwane, sa bru, princesse du sang des Bagratides, rois de Kharth’el, Carduel ou Kartalinie (la Géorgie propre), et veuve de David, députa à la cour de Perse, pour redemander son fils Teymouraz. Ghah-Abbas permit à ce jeune prince d’aller régner, et le laissa partir après lui avoir fait jurer qu’il serait toujours vassal de la Perse. Teymouraz fut fidèle à son serment, et il envoya même deux de ses fils en otages, Levan ou Léon et Alexandre. Devenu veuf, il épousa, peu d’années après, la belle Darejan, sa cousine, sœur de Louarzab ou Lohrasp, roi de Kharth’el. Ce mariage fut la cause, ou du moins le prétexte des malheurs qui accablèrent Teymouraz et son beau-frère, ainsi que la nation géorgienne. Un ministre de Louarzab, outragé par son maître, se retira à la cour du roi de Perse, lui vanta les charmes de Darejan, et le rendit amoureux de cette princesse, à qui l’on avait donné le surnom de Pehri (fée). Abbas la demanda pour épouse à Louarzab, qui, ne se bornant pas à la refuser, pressa même le mariage de sa sœur avec Teymouraz. Le monarque persan, furieux de cet affront, mais embarrassé alors dans une guerre contre les Turks, fut obligé de différer sa vengeance. Elle éclata en 1614. Abbas, ayant d’abord tenté vainement de désunir les deux beaux-frères, et de les rendre suspects l’un à l’autre, fit envahir la Géorgie, par une armée de trente mille hommes, qu’il se disposait à suivre de près, à la tête d’un corps plus considérable. Teymouraz, pour conjurer l’orage qui le menaçait, chargea sa mère de le réconcilier avec le roi de Perse ; mais la médiation et la prudence de cette habile princesse échouèrent dans cette occasion. Abbas exigeait impérieusement que Teymouraz vînt se soumettre en personne ; et comme le prince géorgien s’y refusait, il retint Ketwane[1], et l’envoya prisonnière à Chyraz, avec tous les gens qui raccompagnaient. Louarzab, plus confiant ou plus touché des maux qui accablaient ses sujets, vint trouver Chah-Abbas, qui déjà maître de ses états, feignit de les lui rendre pour mieux le tromper, mais qui bientôt le fît arrêter, le relégua dans le Mazanderan, dont il espérait que le climat lui serait funeste, et l’envoya ensuite à Ghyraz, où il le lit étrangler secrètement, en 1622. Teymouraz, sans éprouver un sort aussi cruel, n’en fut pas plus heureux. Hors d’état de résister à son implacable ennemi, il échappa du moins à sa vengeance, en se réfugiant dans une forteresse, sur les sommets du Caucase, d’où il put voir ses domaines dévastés, et ses sujets massacrés ou traînés en esclavage. Abbas avait donné le gouvernement de la Géorgie à Bagrat Mirza , proche parent de Louarzab, lequel s’était fait musulman. Après son départ, Teymouraz sortit de sa retraite, et avec les faibles secours qu’il reçut des Turks et des Chrétiens, il lutta quelque temps contre Bagrat, qui se maintint par la force des armes persanes. Alors il alla chercher un asile dans les états du grand-seigneur, qui lui donna la ville de Konieh, avec les revenus de quelques terres dans l’Asie-Mineure. Teymouraz réussit par ses instances à intéresser son protecteur dans sa querelle. Une armée othomane pénétra en Perse, au printemps de l’année 1618, et s’avança jusqu’aux environs d’Ardebil, où étaient les tombeaux des ancêtres du roi de Perse. Teymouraz se repaissait d’avance du plaisir de brûler cette ville, en représailles des maux qu’avait soufferts la Géorgie ; mais la victoire décisive que les Persans remportèrent sur les Turks, au commencement de septembre, obligea ceux-ci à regagner leurs frontières. Teymouraz retourna dans l’Asie-Mineure, en attendant des circonstances plus favorables. Cependant la vengeance de Chah-Abbas était loin d’être assouvie. Il fit priver de la virilité les deux enfants de Teymouraz, persécuta la mère de ce prince, pour la forcer d’embrasser l’islamisme, et n’ayant pu vaincre sa résistance, il ordonna qu’elle fût mise à mort, ce qui fut exécuté le 22 septembre 1624. Teymouraz voyant que les Turks le pressaient lui-même de se faire mahométan, s’était retiré en Russie, où les négociations du czar auprès du sofy, pour obtenir la liberté de l’infortuuée Ketwane, n’avaient servi qu’à hâter la fin de cette princesse. Teymouraz trouva moyen de rentrer en Géorgie, et y remporta quelques avantages; mais il fut forcé de céder encore à la fortune et à la puissance de Chah-Abbas. Après la mort de ce monarque, il revint en Géorgie, excita un soulèvement contre les Persans, en 1630, fit périr Simon, fils et successeur du vice-roi que Chah-Abbas y avait établi, et se rendit maître de toutes les places fortes, à la réserve de Teflis; mais ce ne fut pas pour long-temps. Chah Séfy, nouveau roi de Perse, envoya une armée nombreuse, sous les ordres de Roustem, frère et oncle des deux derniers vice-rois. Ce général battit les Géorgiens en plusieurs rencontres, recouvra le Karht’el et la plus grande partie du Kakhet, et força Teymouraz de se cantonner dans le Caucase, et d’y vivre plutôt en fugitif qui combat pour sa vie, qu’en souverain qui défend sa couronne. Fatigué d’une lutte si inégale, et ne recevant aucun secours, Teymouraz, qui était allé implorer vainement la protection de la Russie, prit le parti de se retirer auprès de sa sœur et de son beau-frère, Alexandre, roi d’Imireth. Il se flattait d’y finir ses jours en repos, n’ayant plus d’espoir de recouvrer le trone de ses pères. Mais il n’eut pas cette consolation. En 1658, Chah-nawaz-Khan, prince géorgien apostat, son parent, et vice-roi de Géorgie pour le roi de Perse, conquit l’Imireth, et y établit, pour vice-roi, son fils Artchile. Teymouraz ne voulut pas, ou ne put, à cause de son grand âge, se retirer chez les Turks : il fut fait prisonnier et conduit à Teflis, puis envoyé à la cour de Perse, par ordre d’Abbas II. La fatigue du voyage, la vieillesse et les ennuis lui causèrent une maladie dont il mourut, en 1609, dans un palais où le roi de Perse l’avait logé et fait soigner par ses médecins. Son corps fut porté en Géorgie, et inhumé auprès de ses ancêtres. Teymouraz avait eu, de sa seconde femme, plusieurs enfants. La veuve de David, son fils aîné (mort avant son père, en 1650), s’enfuit de l’Imireth, lorsque son beau-père y fut arrêté, et elle emmena en Russie son fils Héraclius qui, dans la suite, monta sur le trône de Géorgie. A—t.


  1. Pietro délia Valle, voyageur contemporain, ne dit rien du prétendu amour que Chah-Abbas, âgé alors de quarante-six ans, ressentit tout-à-coup pour cette princesse, qui était au moins de son âge, amour auquel Chardin et Peyssonel, après lui, attribuent, contre toute raison, les persécutions qu’elle éprouva depuis.



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