Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BOMBERG, Daniel

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BOMBERG (Daniel), imprimeur célèbre, né à Anvers dans la seconde moitié du XVIe siècle, mourut à Venise en 1549. Riche, savant et désintéressé, il fut du petit nombre de ces hommes d’élite qui, dédaignant les mobiles vulgaires, se vouent corps et âme à la tâche qu’ils ont assumée. L’exercice de sa noble et utile profession était à ses yeux un véritable sacerdoce littéraire. Les théologiens et les philologues les plus célèbres de la Renaissance, oubliant ici leurs interminables querelles, sont unanimes à célébrer les louanges de Bomberg, et, deux siècles après sa mort, Foppens lui accorda une place dans la Bibliotheca belgica, parce que « l’illustre typographe, par des services inappréciables rendus aux lettres hébraïques, avait entouré son nom d’une gloire indestructible. » Ces éloges ne sont pas exagérés. Après avoir appris la langue hébraïque de Félix de Prato, Juif italien, qui embrassa plus tard le christianisme, Bomberg fit paraître à Venise, en 1517, la première édition de sa Biblia Hebraïca[1]. La même année, ajoutant au texte sacré la Masore et le Targum, il publia sa grande Bible rabbinique[2]. En 1520, il commença l’impression du Talmud de Babylone, en douze volumes in-fol.[3]. Il réimprima trois fois cet immense recueil, et chaque édition lui coûta cent mille écus. On lui doit aussi la première impression de la Concordance hébraïque du Rabbin Isaac Nathan[4]. Dans les innombrables volumes qui sortaient de ses presses, Bomberg porta son art à la perfection. Plus de cent correcteurs juifs étaient attachés à ses ateliers, et, au témoignage peut-être exagéré de Scaliger, il dépensa, en frais de toute nature, au delà de trois millions d’écus. Nicolas Cleynaerds, juge très-compétent en cette matière, affirme que les livres de Bomberg allaient pour ainsi dire trouver les Juifs en Égypte, en Afrique, aux Indes et dans toutes les parties de la terre. La reconnaissance du monde savant et la conscience du devoir noblement accompli furent ses seules récompenses. Malgré sa vie simple et modeste, Bomberg mourut à peu près ruiné.

J.-J. Thonissen.

Maitlaire, Annales typographici, t. II, p. 140-143, 309, 621. — Lelong, Bibliotheca sacra, t. I, pp. 17 et 96 (Halæ, 1778). — Nic. Clenardi epistolarum libri duo, lib. I, p. 59 et 60 (edit. Plantin., 1666). — Scaligeriana, p 51 (Leyde, Driehuysen, 1668). — Brunet, Manuel (5e édit.), t. Ier, pp. 856 et 859; t. IV. p. 19; t. V. p. 650. — Richard Simon, Histoire critique du vieux Testament, pp 512 et 513 (Rotterdam, Leurs, 1685). — Bayle, Dictionnaire historique. — L’abbé Goujet, Supplément au dictionnaire de Moreri. — Foppens, Bibliotheca belgica. — Wolf, Bibliotheca hebraica. — Bartolocci, Bibliotheca rabbinica. — F. Hoeffer, dans la Biographie générale de Didot, v° Bomberg. — Chiarini, le Talmud de Babylone, Prolégomènes, p. 42 et suiv.


  1. Biblia Hebraïca, cum quibusdam variantibus lectionibus, quæ in Pentatreucho paucissimæ sunt, in cæteris libris frequentiores. Venetiis, opera Danielis Bombergi, 5277 (1517). anno XVI Leonardi Loredani Ducis Venetiorum. Bomberg fit successivement paraître cinq éditions, de plus en plus correctes, de cette Bible (1517, 1521, 1525. 1533, 1544).
  2. Biblia Hebraïca, cum Masora, Targum, necnon commentariis Rabbinorum, etc. C’est, à tort que Maitlare et beaucoup d’autres bibliographes assignent à cette édition la date de 1518. — Comme l’ouvrage, dédie à Léon X, laissait à désirer et qu’il ne tarda pas à être de la part des Juifs l’objet de critiques fondées, Bomberg en fit paraître une nouvelle édition en 1526, en quatre volumes in-folio, sous la direction du célèbre Rabbin Jacob Chaiim. Une troisième édition parut en 1547.
  3. Talmud babylonicum integrum ex sapientium scriptis et responsis compositum a Rab. Aser, additis commentariis Rab-Salomonis Jarchi et Rab. Maïmonidis, etc., hebraïce. Veneitiis, 1520-1522. En 1524, Bomberg ajoute à cette vaste collection un treizième volume renfermant le Talmud de Jérusalem.
  4. Nathan (R. Isaaci) Meier nathib (Illuminans vitam) seu concordantiæ biblicæ, etc., hebraïce, in-fol. 1525.