Billet à M. Sylvestre



BILLET À M. SYLVESTRE.
(1698.)

Ce que Monsieur de Beauval1 vous écrit sur mon sujet est la chose du monde la plus obligeante ; et je vous prie, Monsieur, de lui témoigner qu’on ne peut pas être plus sensible que je le suis à l’obligation. Je n’ai point encore lu la Critique de ce qu’on appelle mes ouvrages2. Il y a beaucoup de ces petits écrits qui sont de moi, beaucoup plus qui n’en sont pas ; et dans ceux qui en sont véritablement, on ne sauroit croire combien il y a de choses ajoutées ou retranchées. Je n’appréhende point la critique ; où elle est juste, je me corrigerai ; où elle ne l’est pas, je me contenterai que le censeur n’ait pas raison. Ce que je crains, c’est l’Apologie dont vous me parlez. Comme M. de Beauval a des amis et des intelligences partout, et que son mérite lui a donné un grand crédit chez tous les gens de lettres, il m’obligera infiniment d’empêcher l’impression de cette apologie zélée.

Les louanges des ennemis sont à craindre : celles des amis davantage ; je n’ai pas sujet d’appréhender les vôtres. Monsieur de Beauval m’en donne que je n’ai pas méritées ; mais si bien, si agréablement, qu’un homme moins philosophe que moi auroit de la peine à s’en défendre.


NOTES DE L’ÉDITEUR

1. C’est le célèbre Basnage de Beauval, pasteur des réformés, à Rouen, et qui avoit quitté la France en 1685. Il rédigeoit, en Hollande, l’Histoire des ouvrages des savants, recueil périodique où il avoit rendu compte des critiques dirigées contre Saint-Évremond. On a de lui beaucoup d’autres ouvrages estimés et recherchés.

2. Il avoit paru, à Paris, en 1698, un vol. in-12, intitulé : Dissertation sur les Œuvres mêlées de M. de Saint-Évremont (sic) ; volume composé par un Sr Cotolendi, Provençal, et dans lequel les ouvrages de Saint-Évremond étoient l’objet d’une critique peu obligeante et dépourvue d’esprit. Voy. l’Introduction.