Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences2 (p. 259-262).
◄  II
IV  ►



BAILLY MEMBRE DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES. — SES RECHERCHES SUR LES SATELLITES DE JUPITER.


Bailly fut nommé membre de l’Académie des sciences le 29 janvier 1763. À partir de ce moment, son zèle astronomique ne connut plus de bornes. La vie laborieuse de notre confrère pourrait, au besoin, être mise en regard du vers, plus spirituel que fondé, dont un poëte de mauvaise humeur stigmatisa les honneurs académiques. Personne, certainement, ne dira de Bailly, qu’après son élection,

Il s’endormit et ne fit plus qu’un somme.

On s’étonnera, au contraire, de la multitude de travaux littéraires et scientifiques qu’il exécuta en peu d’années.

C’est de 1763 que datent les premières recherches de Bailly sur les satellites de Jupiter.

Le sujet était heureusement choisi. En l’étudiant dans toute sa généralité, notre confrère se montra à la fois calculateur infatigable, géomètre pénétrant, observateur industrieux et habile. Les recherches de Bailly touchant les satellites de Jupiter seront toujours son premier, son principal titre de gloire scientifique. Avant lui, les Maraldi, les Bradley, les Wargentin découvrirent empiriquement quelques-unes des principales perturbations que ces astres subissent dans leurs mouvements de révolution autour de la puissante planète qui les maîtrise ; mais on ne les avait pas rattachées aux principes de l’attraction universelle. L’honneur de l’initiative appartient, sur ce point, à Bailly. Cet honneur ne saurait être affaibli par les perfectionnements ultérieurs et considérables que la science a reçus ; les découvertes de Lagrange et de Laplace elles-mêmes l’ont laissé intact.

La connaissance des mouvements des satellites repose presque entièrement sur l’observation du moment précis où chacun de ces astres disparaît en pénétrant dans le cône d’ombre que Jupiter, immense globe opaque, projette à l’opposite du soleil. En discutant une multitude de ces éclipses, Bailly ne tarda pas à s’apercevoir que les constructeurs des Tables des satellites opéraient sur des données numériques très-peu comparables entre elles. Cela avait peu d’importance avant que la théorie naquît ; mais, depuis la découverte analytique des perturbations, il était désirable que les erreurs possibles des observations fussent appréciées, et qu’on donnât le moyen d’y remédier. Tel fut l’objet du travail très-considérable que Bailly présenta à l’Académie en 1771.

L’illustre astronome développe, dans son beau Mémoire, le système d’expériences à l’aide duquel chaque observateur peut déduire l’instant de la disparition réelle d’un satellite, de l’instant de la disparition apparente, quelle que soit la force de la lunette dont il se sert, quelle que soit la hauteur de l’astre éclipsé au-dessus de l’horizon, et, conséquemment, la diaphanéité des couches atmosphériques à travers lesquelles on le regarde, quelle que soit la distance de ce même astre au soleil et à la planète ; quelle que soit, enfin, la sensibilité de la vue de l’observateur, circonstances qui, toutes, exercent une influence considérable sur le moment de la disparition apparente. Le même ensemble d’observations ingénieuses et fines conduit l’auteur, chose singulière, à la détermination des diamètres réels des satellites, c’est-à-dire de petits points lumineux qui, avec les lunettes employées alors, n’avaient pas de diamètre saisissable.

Je me contenterai de ces considérations générales. Je remarquerai cependant que les diaphragmes dont Bailly se servait n’ont pas pour seul effet de diminuer la quantité de lumière qui contribue à la formation des images, mais qu’ils augmentent le diamètre considérablement et d’une manière variable, du moins quand il s’agit d’étoiles.

Il sera nécessaire de soumettre la question, envisagée sous ce point de vue, à un nouvel examen.

Les géomètres et les astronomes qui désireraient connaître toute l’étendue des travaux de Bailly, ne devront pas consulter seulement les collections de l’Académie des sciences. Notre confrère publia, en effet, au commencement de 1766, un ouvrage séparé, sous te titre modeste d'Essai sur la théorie des satellites de Jupiter.

L’auteur débute par une histoire de l’astronomie des satellites. Cette histoire renferme une analyse à peu près complète des découvertes de Maraldi, de Bradley, de Wargentin. Les travaux de Galilée et de ses contemporains y sont indiqués avec moins de détail et d’exactitude. J’ai pensé que je devais combler les lacunes en profitant de documents très-précieux publiés depuis peu d’années, et dont Bailly n’avait point connaissance.

C’est ce que je ferai dans une Notice séparée, en dehors de toute idée préconçue et de tout esprit de parti ; je n’oublierai pas surtout qu’un honnête homme ne doit calomnier personne, pas même les agents de l’inquisition.