Avertissement sur la nouvelle histoire de Louis XIV/Édition Garnier

AVERTISSEMENT
SUR

LA NOUVELLE HISTOIRE DE LOUIS XIV[1]

L’auteur du Siècle de Louis XIV prépare une nouvelle édition de cet ouvrage, qui était la suite d’une histoire universelle depuis Charlemagne, de laquelle il a paru quelques fragments dans le Mercure et dans d’autres papiers publics. L’objet de ce travail était de joindre aux révolutions des empires celles des mœurs et de l’esprit humain, plutôt que de donner une suite d’époques et de dates sur lesquelles on a assez de secours. Toute la partie qui regarde les arts depuis Charlemagne, et celle de l’histoire publique depuis François Ier, ont été perdues[2]. Si quelqu’un est en possession de ce manuscrit encore imparfait, et qui ne peut guère servir qu’à son auteur, il est prié très-instamment de vouloir bien le lui remettre.

À l’égard du Siècle de Louis XIV, l’édition qu’on en a donnée à Berlin n’est qu’un essai qui ne peut être conduit à quelque perfection que par le secours des personnes instruites qui ont la bonté de communiquer leurs lumières à l’auteur. Il a déjà reçu beaucoup de remarques importantes, tant de France que des pays étrangers. Le grand nombre de vérités dont cet essai est plein, et l’impartialité assez connue avec laquelle elles sont énoncées, semblent inviter les lecteurs à faire part à l’auteur des connaissances particulières qu’ils peuvent avoir. L’histoire du siècle de Louis XIV doit être en quelque façon l’ouvrage du public.

On sent assez combien pénible et délicate est l’entreprise d’écrire l’histoire de son temps. Celui qui parle d’Alexandre n’a qu’à suivre tranquillement Quinte-Curce ; mais, ici, il faut s’écarter de presque tous ceux qui ont composé l’histoire de Louis XIV : aucun d’eux n’a écrit à Paris ; aucun n’a été à portée de consulter les courtisans, les généraux et les ministres de ce monarque ; aucun n’a puisé dans les sources. C’est un avantage que l’auteur de cet essai a eu ; il faut qu’il y joigne celui d’être éclairé sur quelques méprises où il est tombé en suivant des opinions reçues.

Ces secours le mettront à portée de laisser au public un monument devenu nécessaire. Les chapitres qui regardent les arts peuvent aisément recevoir des accroissements. On a ajouté à la liste raisonnée des écrivains de ce siècle plus de trente articles. On a fait une liste semblable des maréchaux de France, et le corps de l’ouvrage est réformé et augmenté dans des endroits importants. On y verra les véritables causes de la paix de Riswick, et la condescendance qu’eut Louis XIV de reconnaître Jacques III, après la mort de Jacques II ; le noble regret qu’il témoigna de la mort de Ruiter ; enfin un grand nombre de traits qui, en caractérisant les hommes et les temps, sont ce que l’histoire a de plus précieux.

Il est inutile de dire qu’on a rétabli l’orthographe des noms ; qu’on a rendu le titre de pensionnaire d’Amsterdam à un homme qu’on avait cru bourguemestre ; qu’on spécifie le temps où le parlement complimenta le cardinal Mazarin par députés. Plusieurs petites fautes de cette nature, qui sont proprement la matière d’un errata, sont exactement corrigées.

L’auteur de cet essai s’intéresse trop à la littérature pour ne pas saisir cette occasion d’avertir le public que M. le comte Algarotti a fait réimprimer à Berlin ses Dialoghi sopra la luce, i colori, e l’attrazione. On va donner à Venise une nouvelle édition de cet ouvrage, avec un recueil de lettres de la même main. On ne se tromperait pas si on mettait à la tête de pareils livres :


Omne tudit punctum qui miscuit utile dulci.
(Horace, Art poét., 343.)
FIN DE L’AVERTISSEMENT, ETC.
  1. Cet Avertissement a été imprimé dans le Mercure de juin 1752.
  2. Un manuscrit donné par Voltaire à Frédéric avait été pris par les hussards autrichiens, en 1745 ; voyez l’Avertissement de Beuchot en tête du tome XI.