Autres balades (Christine de Pisan)/XLI

Autres balades, Texte établi par Maurice RoyFirmin Didot (p. 254-255).


XLI


Merveilles est et seroit fort a croire
Es estranges contrées qu’il peust estre,
Qu’en ce pays, qui de longue memoire
Est renommé en honnour sur tout estre.
Que vérité, depuis le greigneur maistre
Jusqu’au petit, si a paine trouvée[1]
Fust comme elle est, c’est bien chose senestre
Qu’en France soit si mençonge eslevée.

Mais de parler bel n’y voit on recroire
Les principaulx, et pour faire gens paistre
Grans promesses, dont l’atente n’est voire,
Ne leur coustent riens, mais qui s’en empestre
Se puet de vent comme pluvier repaistre ;
Car long effait en yst, chose est prouvée,[2]
Cest lait renom n’aquiert se noble en estre[3]
Qu’en France soit si mençonge eslevée.

Et quant a moy, pour ce que si nottoire
Mençonge voy, il n’est chose terrestre
Qu’on me die, quiconques la m’avoire,[4]
Ne promesce jurée de main destre,
Que je croye se le voy ne voy n’estre ;
Car pou y truys fors que fraude esprouvée,
Et c’est pitié, par le hault Dieu celestre,
Qu’en France soit si mençonge eslevée.

Ha ! haulx princes, pour Dieu ne vous adresce
Vice si lait, c’est chose reprouvée ;
Sy déboutés tout homme qui empêtre
Qu’en France soit si mençonge eslevée.

  1. XLI. — 6 A1 Jusques au p.
  2. XLI. — 14 A2 Par l. e. ou y.
  3. — 15 A2 C. l. r. qu’a sa n.
  4. — 19 A1 Que on