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Gentil homme, qui veult prouesce acquerre,
Escoute cy ; entens qu’il te fault faire :
Armes suivir t’estuet en mainte terre ;
Estre loyal contre ton adversaire ;
De bataille ne fouïr, non sus traire ;
Et doubter Dieu ; parolle avoir tardive ;
En fait d’assault trouver voye soultive ;
Ne soit ton cuer de lascheté repris ;
Des tours d’armes duis dois estre et apris ;

Amer ton prince ; et a ton chevetaine[1]
Estre loyal ; avoir ferme couraige ;
Croire conseil ; promesse avoir certaine ;
S’ainsi le faiz, tu seras preux et saige.

Te gouverner par grant avis en guerre ;
A voyagier souvent te doit moult plaire ;
Princes et cours estranges tu dois querre,
Tout enquérir leur estat et affaire ;
Des bons parler et a toy les attraire ;
Contre raison ta parolle n’estrive ;
Ne mesdire de personne qui vive ;
Porter honneur aux vaillans ou a pris ;
Henter les bons ; n’avoir povre en despris ;
Pour acquérir honneur ne plaindre paine ;
Trop convoiteux n’estre, mes du tien large ;
Et ta parolle soit vraye et non vaine ;[2]
S’ainsi le faiz, tu seras preux et saige.

Sans bon conseil de faire armes requerre
Ne dois autruy, et s’il n’est neccessaire
Pour ton honneur, ta bouche et tes dens serre,
Qu’il n’en ysse chose qui face a taire ;
L’autruy bienfait dois voulentiers retraire ;
Taire le tien ; ne t’entendre en oysive ;
Estre attrempé ; n’avoir teste hastive ;
Fouÿr tout vice et avoir en mespris ;
Tost achever ce que tu as empris ;
N’avoir orgueil ne parolle hautaine ;
Ta contenance seure et non sauvaige,
Par bel maintien en tous lieux te demaine ;
S’ainsi le faiz, tu seras preux et saige.

Prince gentil, ceste voye est certaine

Pour acquérir de hault honneur la targe ;
Homme noble, suis la, je t’acertaine :
S’ainsi le faiz, tu seras preux et saige.

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