Au jardin de l’infante/Veillée

Au jardin de l’infanteMercure de FranceŒuvres de Albert Samain, t. 1 (p. 157-158).

VEILLÉE

Penser. Seul dans la nuit sibylline frémir !…
Être pareil au feu, pur, subtil et vivace ;
Et, respirant l’Idée errante dans l’espace,
Sentir, ainsi qu’un dieu, son front mortel grandir.


Ordonner à son sang héroïque d’agir ;
Quitter ses vanités pauvres, clinquant et crasse ;
Et revêtant l’orgueil, claire et bonne cuirasse,
D’un élan ivre au seuil de l’infini surgir !



Sentir passer en soi, comme une onde ruisselle,
Le flot mélodieux de l’âme universelle,
Entendre dans son cœur le ciel même qui bat ;


Et comme un Salomon, lourd de magnificences,
Voir dans un faste d’or, de pierres et d’essences,
Venir à soi son œuvre en reine de Saba.