Astronomie populaire (Arago)/XXXIII/42

GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 722-724).

CHAPITRE XLII

avant les temps historiques l’année fut-elle composée d’un nombre rond de jours sans fraction ?


Les complications du calendrier, les obscurités de la chronologie, tiennent, en grande partie, à la fraction de jour qu’il faut ajouter au nombre entier 365, pour avoir la longueur de l’année astronomique. Aussi, plusieurs érudits ont-ils cherché si le rapport entre les longueurs de l’année et du jour ne fut pas anciennement plus simple qu’il ne l’est aujourd’hui.

Whiston croyait avoir établi, d’après des témoignages historiques, que, dans les temps les plus reculés, plusieurs peuples comptèrent par années de 360 jours et par 12 mois de 30 jours. La seule explication de ce fait qui lui parut admissible consistait à supposer que le mois et l’année avaient été jadis en effet de 30 et de 360 jours, et que l’attachement aveugle du peuple pour de vieilles coutumes avait fait persister à se servir de ces nombres, même quand ils ne concordaient évidemment plus avec la marche du Soleil. Suivant Whiston, ce fut au moment du déluge que ce changement s’opéra. Avant cette époque, l’année se composait exactement de 360 jours ; ensuite elle en compta 365 1/4 environ, par suite de l’action d’une comète, cause première du grand cataclysme.

Court de Gébelin voyait dans la longueur fractionnaire de l’année un fait en désaccord inique avec l’harmonie dont les autres phénomènes célestes lui paraissaient empreints. Il se persuadait qu’à l’origine les choses étaient autrement et mieux ; comme Whiston, il soutenait qu’avant le déluge l’année tropique se composait de 360 jours, ni plus ni moins ; que le Soleil se déplaçait alors de 1 degré par jour ; qu’à chaque mois correspondait exactement un mouvement de 30 degrés. La catastrophe d’où résulta le déluge altéra les anciens rapports simples de 1 à 30 et de 1 à 360. De cette époque datent les rapports fractionnaires, bases du calendrier moderne.

Gébelin enregistrait ces changements parmi les punitions qui furent infligées à l’espèce humaine pour ses crimes. En relevant, à l’exclusion de la Vulgate et du texte hébreu, sur certaines versions de la Bible, coptes, arméniennes, etc., les dates de jours, de mois, énoncées dans le récit du déluge, l’ardent érudit croyait avoir fait sortir sa théorie du domaine des simples conjectures.

Goguet allait plus loin : suivant lui, l’année n’était encore que de 360 jours du temps de Moïse. Goguet expliquait ainsi pourquoi le législateur des Juifs, parlant des temps antédiluviens, ne fit pas remarquer que ses calculs, fondés sur une année de 360 jours, n’auraient plus été applicables aux époques qui suivirent ; mais il ne disait pas comment un changement si grave dans le cours des astres se serait opéré sans commotion physique sensible.

Veut-on savoir, au surplus, combien il y avait de vague, d’incertitude dans les récits sur lesquels Court de Gébelin et Goguet croyaient pouvoir se fonder pour déterminer, par exemple, la longueur de l’année du déluge ? Je dirai qu’en prenant les mêmes éléments, les dates mentionnées dans la relation de Moïse,

Fréret trouvait 
 336
jours.
Heidegger 
 354
Les auteurs anglais de l’Histoire universelle 
 355
Scaliger 
 365
Le père Bonjour 
 366

J’ajouterai, enfin, que beaucoup d’érudits (et, sur ce point, c’étaient peut-être les plus judicieux, les plus sages) déclaraient n’avoir rien pu tirer de décisif des passages de la Bible si diversement interprétés.