Ashtiname de Mahomet

Attribution douteuse à
Ashtiname de Mahomet
Traduction par Briot.
E. Dentu (p. 216-221).

« Mahomet, messager de Dieu, envoyé pour enseigner les hommes et pour leur déclarer sa commission divine en vérité, a écrit les choses suivantes savoir :

I. – « Que la religion chrétienne, instituée par Dieu, demeure libre dans toutes les parties de l’Orient et de l’Occident, aussi bien parmi ceux qui sont du pays qui parmi ceux qui en sont voisins, aussi bien parmi ceux qui sont étrangers que parmi ceux qui ne le sont pas.

II. — « Je laisse à tous ces peuples-là le présent écrit, comme un traité inviolable et comme une décision parfaite de toutes les contestations et différends à venir, et comme une loi par laquelle la justice est manifestée et dont l’observation est enjointe étroitement.

III. — « C’est pourquoi tout homme faisant profession de la foi des musulmans qui négligera d’accomplir ces choses, et qui violera cet accord à la manière des infidèles et transgressera les choses que j’y commande, rompra l’alliance de Dieu, résistera à sa volonté et méprisera son testament, qu’il soit roi, prince, ou fidèle.

IV. — « Par cet accord où je me suis engagé moi-même à la prière des chrétiens, tant en mon nom qu’au nom de mes disciples, d’entrer avec eux dans l’alliance de Dieu et dans la paix des prophètes, des apôtres choisis, des saints fidèles et des bienheureux du temps passé et de celui qui est à venir ; par cette mienne alliance dont je veux exécuter les conditions aussi religieusement que le doit un prophète envoyé de Dieu.

V. — « Je promets de protéger leurs magistrats dans mes provinces, avec mon infanterie et ma cavalerie, avec mes troupes auxiliaires, et avec les fidèles qui me suivent.

VI. — « Je promets aussi de les défendre contre leurs ennemis, soit qu’ils soient proches ou éloignés, de les protéger en paix ou en guerre et de conserver leurs églises, leurs temples, leurs oratoires, leurs couvents et les lieux où ils font des pèlerinages, en quelque lieu qu’ils puissent être situés, sur des montagnes ou dans des vallées, dans les cavernes ou dans les maisons, dans les campagnes ou dans les déserts, ou dans quelque autre sorte de bâtiment qui ce soit, et de conserver aussi leur religion et leurs biens, en quelque lieu qu’ils soient, sur terre ou sur mer, à l’orient ou à l’occident de la même manière que je me conserve, moi et mon sceptre, et que je conserve les fidèles croyants qui sont mon propre peuple.

VII. — « Je promets aussi de les garantir de toutes les violences et de toutes les vexations qu’on leur pourrait faire ; de repousser les ennemis qui voudraient leur nuire, de leur résister vigoureusement, tant en personne que par mes serviteurs et par ceux qui sont de mon peuple et de ma nation ; car, puisque je suis établi sur eux, je dois et suis obligé de les défendre et de les garantir de toute adversité et d’empêcher qu’aucun mal ne leur arrive, qui n’arrive aux miens qui travaillent avec moi et à la même œuvre.

VIII. — « Je promets en outre de les exempter de toutes les charges que sont obligés de porter les confédérés, soit par prêt d’argent ou par impositions ; de sorte qu’ils ne seront obligés de payer que ce qui leur plaira, sans que l’on puisse leur faire aucun trouble ni aucune peine pour cela.

IX. — « Je promets qu’aucun évêque ne sera ôté de son diocèse, aucun chrétien contraint de nier sa foi, aucun moine de renoncer à sa profession, aucun pèlerin troublé dans son pèlerinage, aucun religieux dérangé sa cellule, et on ne pourra non plus ruiner leurs temples ni les convertir en mosquées, et celui qui ferait cela romprait la présente alliance de Dieu, s’opposerait à son messager et rendrait nul testament divin.

X. — « On ne mettra aucune imposition sur les moines ou sur les évêques, ni sur aucun de ceux qui ne sont point sujets aux taxes, à moins que ce ne soit de leur consentement.

XI. — « La taxe que l’on demandera aux riches marchands, aux pêcheurs de perles et aux mineurs qui tirent de la terre leurs pierres précieuses, leur or et leur argent, non plus que celle des autres chrétiens riches et opulents, n’excédera pas un écu par an, et se prendra seulement sur ceux qui sont domiciliés et habitués en lieu certain et arrêté et non pas sur les voyageurs ou sur ceux qui n’ont point de demeure assurée, et ceux-ci ne seront sujets à aucune imposition ni aux contributions ordinaires, s’ils n’ont des biens et des héritages. Celui qui est obligé de payer légitimement et selon la loi de l’argent à l’empereur payera autant qu’un autre, et ne payera pas davantage, et on ne lui demandera rien au-delà de ses forces et de ses facultés ; de même celui qui est taxé pour sa terre, pour ses maisons et pour son revenu ne sera pas chargé immodérément, ni opprimé par de plus grandes taxes que les autres qui payent contributions.

XII. — « Les confédérés ne seront point obligés d’aller à la guerre avec les musulmans contre leurs ennemis, soit pour combattre ou pour découvrir leurs armées, parce que les alliés ne doivent pas être employés dans des expéditions militaires, ce traité n’étant fait avec eux que pour les soulager et pour empêcher qu’ils ne soient foulés ; au contraire les musulmans veilleront pour eux, feront garde et les défendront. Qu’on ne les oblige donc point d’aller au combat, de s’opposer aux ennemis ni de donner des chevaux et des armes, si ce n’est volontairement, et ceux qui en fourniront de la sorte en seront reconnus et récompensés.

XIII. — « Aucun musulman ne tourmentera les chrétiens et ne disputera avec eux, si ce n’est de civilité ; il les traiter humainement et s’abstiendra de leur faire aucune violence en quelque manière que ce soit. S’il arrive à quelque chrétien de commettre un crime ou de tomber dans quelque faute, le musulman sera obligé de l’assister, d’intercéder pour lui, d’être sa caution et d’accommoder son affaire ; il pourra même racheter sa vie, et il ne sera point abandonné ni privé de secours, à cause de la divine alliance faite avec eux. Ils devront jouir de ce dont jouissent les musulmans, et souffrir ce qu’ils souffrent ; de l’autre part, que les musulmans jouissent de ce qu’ils possèdent et souffrent ce qu’ils souffrent. Conformément à ce traité, qui est fait à la juste prière des chrétiens, et conformément à la diligence requise pour confirmer son autorité, vous êtes obligés de les protéger, de les garantir de toute sorte de calamités, de leur rendre tous les bons offices possibles, et de faire en sorte que les musulmans partagent avec eux la bonne et la mauvaise fortune.

XIV. — « Il faut de plus avoir un soin particulier qu’on ne leur fasse aucune violence en matière de mariage ; c’est à savoir, qu’on ne forcera pas les pères et les mères de donner leurs filles en mariage à des musulmans, et qu’on ne les troublera point pour avoir refusé leurs fils ou leurs filles en mariage parce que cette action est purement volontaire et doit se faire de bon cœur et avec joie. Que s’il arrive qu’une femme chrétienne se joigne à un musulman, il doit lui laisser la liberté de sa conscience et souffrir qu’elle obéisse à son père spirituel et qu’elle soit instruite en la doctrine de sa foi, sans aucun empêchement. Il la laissera donc en repos et ne la tourmentera point, soit en la menaçant du divorce ou en la pressant de renier sa religion ; et s’il fait le contraire à cet égard, il méprise l’alliance de Dieu, se révolte contre le traité fait par son messager, et devient du nombre des menteurs.

XV. — « Si les chrétiens veulent réparer leurs églises, leurs monastères et les autres lieux où ils font le service divin, et qu’ils aient besoin de l’assistance et de la libéralité des musulmans, ceux-ci sont obligés d’y contribuer de tout leur pouvoir et de leur accorder ce qu’ils demandent, non pas à dessein de le redemander ou d’en tirer une récompense, mais gratuitement, comme une marque de leur bonne volonté pour la religion chrétienne, pour obéir au traité fait par le messager de Dieu, et en vue de l’obligation qu’ils ont de l’exécuter.

XVI. — « Ils n’opprimeront aucun d’eux vivant parmi les musulmans, ils ne les haïront point, ils ne les obligeront point à porter des lettres ou à servir de guides, et ne leur feront violence en quelque manière que ce soit ; car celui qui exerce sur eux ces sortes de tyrannies est un oppresseur, un ennemi du messager de Dieu et un rebelle à ses commandements.

« Voilà les choses qui ont été arrêtées entre Mahomet le messager de Dieu et les chrétiens.

« Les conditions auxquelles je les engage en conscience, sont :

« 1o. Qu’aucun chrétien n’entretienne un soldat ennemi des musulmans, et qu’il ne le reçoive point en sa maison soit en public ou en secret ; qu’il ne donne aucune retraite à un ennemi des musulmans, et qu’il ne souffre point qu’il fasse séjour dans leurs maisons, dans leurs églises ou dans leurs couvents de religieux ; qu’il ne fournisse point sous main le camp de leurs ennemis, d’hommes, d’armes et de chevaux, et n’ait aucune correspondance ou engagement avec eux, soit par écrit ou autrement ; mais que, se retirant en quelque lieu de sûreté, ils songent à leur propre conservation et à la défense de leur religion.

« 2o. Qu’ils fournissent pendant trois jours à chaque musulman les choses nécessaires pour sa subsistance et pour celle de ses bêtes, et cela honnêtement et en différentes sortes de viandes ; qu’ils fassent aussi tout leur pour les défendre si on les attaque, et pour les garder de tous les accidents fâcheux.

« C’est pourquoi si quelques musulmans souhaitent de se cacher dans quelques-unes de leurs maisons, ils le cacheront de bon cœur, et le tireront du péril où il se trouvera sans le découvrir de son ennemi.

« 3o. Si les chrétiens gardent la foi de leur côté, ceux qui violeront quelques-unes de ces conditions, quels qu’ils puissent être, et feront quelque chose de contraire, seront privés des avantages contenus dans l’alliance de Dieu et de son messager, et seront indignes de jouir des privilèges accordés aux évêques et aux moines chrétiens, de même que les croyants seront privés des avantages contenus dans le Koran.

« 4o. C’est pourquoi je conjure mon peuple, au nom de Dieu et par son prophète, d’entretenir fidèlement toutes ces choses et de les accomplir en quelque lieu de la terre qu’ils soient, et le messager de Dieu les en récompensera, pourvu qu’ils les observent inviolablement jusqu’au jour du jugement et jusqu’à la dissolution du monde.

« 5o. Les témoins des présentes conditions dont Mahomet le messager de Dieu est demeuré d’accord, sont : Abu-Bacre, Assadiqu, Ormor-ben-Aleharab, Ithman-ben-Asssan, Atiben-Abi-Taleb et plusieurs autres ; le secrétaire qui les a écrites est Moavia-be-Abi-Sossian, soldat du messager de Dieu, le dernier jour de la lune du quatrième mois, la quatrième année de l’hégire, à Médine.

« Dieu veuille récompenser ceux qui sont témoins de cet écrit. Gloire à Dieu seigneur de toutes les créatures. »

FIN.