Arrête un peu, mon Cœur, où vas-tu si courant ?


II


DIALOGUE


Arreste un peu, mon cœur, où vas-tu si courant ?
— Je vay trouver les yeux qui sain me peuvent rendre.
— Je te prie, atten-moi. — Je ne te puis attendre,
Je suis pressé du feu qui me va dévorant.

— Il faut bien, ô mon cœur ! que tu sois ignorant,
De ne pouvoir encor ta misere comprendre :
Ces yeux d’un seul regard te réduiront en cendre :
Ce sont tes ennemis, t’iront-ils secourant ?

— Envers ses ennemis, si doucement on n’use

Ces yeux ne sont point tels. — Ah ! c’est ce qui t’abuse :
Le fin berger surprend l’oiseau par des appas.

— Tu t’abuses toy-mesme, ou tu brûles d’envie,
Car l’oiseau mal-heureux s’envole à son trespas,
Moi, je vole à des yeux qui me donnent la vie.