Architecture rurale, second cahier, 1791/Du prix de la toise du pisé

Du prix de la toise du pisé.

On vient de voir que deux ouvriers peuvent conſtruire dans une journée à-peu-près une toiſe de mur de piſé : il ne s’agit donc pour en reconnoître ſa valeur que de ſavoir ce que coûtent leurs journées ; mais chaque pays a ſes uſages. Cependant partout on diſtingue deux eſpèces d’ouvriers pour la maçonnerie des bâtimens, celui qui poſe & celui qui ſert ; le premier eſt titré de compagnon maçon, le ſecond de manœuvre ou de journalier : ce dernier eſt moins cher, parce que tout homme ſait porter, péler & piocher ; mais pour bâtir un mur, il faut de l’adreſſe, beaucoup d’habitude & une certaine ſcience qui fait qu’il y a des compagnons maçons plus ou moins habiles. C’eſt cette habilité, que l’on pourroit preſque nommer théorie-pratique, qui fait que les uns gagnent plus que les autres, lorſqu’ils poſsèdent, outre la pratique, l’idée ſcientifique de la conſtruction.

Il en eſt de même pour l’art du piſé : on diſtingue les compagnons piſeurs d’avec les manœuvres ou journaliers : on donne aux premiers 10 à 15 ſols de plus par journée, & on a raiſon, parce que ce ne ſont pas les piocheurs & porteurs de terre qui créent ou forment les murs de piſé ; ce ſont les compagnons placés dans le moule qui les bâtiſſent & conduiſent l’ouvrage ; & par leur ſoin & leur dextérité, on ſe procure des habitations d’une très-longue durée.

Avant de donner l’évaluation du prix de la toiſe du piſé, il eſt néceſſaire à beaucoup de propriétaires de ſavoir ce que l’on entend par toiſes quarrées de mur.