Application des rayons de Röntgen à la mesure des forces électromotrices de contact


Application des rayons de Röntgen à la mesure des forces électromotrices de contact
Notes aux comptes-rendus de l'Académie des Sciences, 1897



PHYSIQUE. — Application des rayons de Röntgen à la mesure des forces électromotrices de contact
Note de M. Jean Perrin, présentée par M. Violle.

I. Les rayons de Röntgen, ionisant les gaz qu'ils traversent, y détruisent les lignes de force qu'ils rencontrent. Cette propriété subsiste pour des champs très faibles et peut être appliquée à la mesure des forces électromotrices de contact. Deux lames parallèles, formées par les métaux P et P', sont liées l'une à l'aiguille, et l'autre à la cage d'un électromètre, liée elle-même au point milieu d'une batterie de piles dont les deux pôles sont unis aux deux paires de quadrants. Un pont métallique permet de réunir ou de séparer les deux lames. Après la séparation, les faces en regard sont chargées d'électricités contraires, sous l'influence de la force électromotrice de contact. Si l'on fait maintenant passer entre les plaques un pinceau de rayons de Röntgen qui ne les rencontrent pas, ces rayons détruiront les lignes de force qu'ils atteignent, jusqu'à destruction complète des charges portées par les plaques. Le potentiel dont variera l'aiguille sera lu sur l'échelle graduée qui repère les positions de cette aiguille. Cette variation de po


tentiel est précisément égale à la différence initiale entre les potentiels des deux couches de gaz situées au contact immédiat de P et de P', c'est-à-dire à la force électromotrice cherchée.

II. Les mesures sont d'une extrême facilité; les potentiels s'égalisent en quelques secondes, après lesquelles l'aiguille reste immobile, et la sensibilité de l'électromètre employé paraît limiter seule la précision de ces mesures. Je me suis borné à employer un électromètre donnant pour 1 volt 50 mm de déplacement sur une échelle graduée. Voici les valeurs de forces électromotrices ainsi mesurées; entre de l'iridium pur et différents métaux, soigneusement nettoyés avant chaque expérience :

  • Platine: -0,02 volt
  • Palladium: +0,01 volt
  • Cuivre: +0,18 volt
  • Zinc: +1,06 volt
  • Aluminium: +1,33 volt

La loi des métaux intermédiaires fut d'ailleurs vérifiée avec soin; par exemple on s'assura que Ir/Zn = Ir/Cu + Cu/Zn à 0,015 volt près. Les mesures donnent 0,88 volt pour le couple zinc-cuivre, et 1,08 volt pour le couple platine-zinc. Les mesures faites antérieurement par M. Pellat donnent 0,86 volt pour le premier couple et 1,02 volt pour le deuxième. J'insiste sur ce fait que ces nombres s'obtiennent alors que les métaux P et P' ne sont pas rencontrés par les rayons, ce qui est en parfait accord avec les théories que j'ai données, toute ligne de force rencontrée dans un gaz en repos par les rayons de Röntgen étant détruite, même quand elle est rencontrée en un seul point, pour toute la portion située dans ce gaz. Au reste, même quand les métaux P et P' sont rencontrés par les rayons, les mesures ne paraissent pas altérées, du moins au degré de précision de l'électromètre employé.

III. Au lieu de relier les plaques P et P' à la cage et à l'aiguille d'un électromètre, on peut les laisser en communication permanente par un qui traverse un galvanomètre. Si alors on fait passer entre ces plaques un faisceau de rayons X, il se forme une véritable pile et le galvanomètre dévie. J'ai réalisé l'expérience en associant en surface douze éléments, où chaque couple était formé par une lame de cuivre et une lame, de zinc d'à peu près 100 cq de surface et distantes de quelques millimètres. J'ai obtenu sur l'échelle graduée qui donnait les déplacements de l'équipage mobile d'un galvanomètre Thomson, une déviation permanente de 50 mm, correspondant à un courant de 7.10^(-9) ampères. L'énergie de ce courant est probablement due à la réaction chimique des métaux sur le gaz ionisé; toutefois, même après un courant prolongé, je n'ai pu déceler dans la pile une force contre-électromotrice due à la polarisation des électrodes (Travail fait au laboratoire de Physique de l'École Normale).