Antiquités judaïques/Livre II/6

Œuvres complètes
Traduction par Julien Weill.
Ernest Leroux (1p. 117-137).

3[1]. Amaram(ès)[2], qui appartenait à une famille noble parmi les hébreux, craignant que sa race tout entière ne s’éteignit par suite de l’insuffisance de la prochaine génération, et très tourmenté pour son compte, car sa femme était enceinte, se trouvait dans un profond désarroi. Il recourt aux prières à Dieu, le supplie de prendre enfin un peu en pitié des hommes qui n’ont rien négligé dans les honneurs qu’ils lui rendent, de les délivrer des misères qu’ils souffrent en ce moment et de leurs soucis touchant l’extinction de la race. Dieu a compassion de lui et, se laissant fléchir par cet appel suppliant, il lui apparaît pendant son sommeil[3], l’exhorte à ne pas désespérer de l’avenir et dit qu’il garde le souvenir de leur piété et qu’il les en récompensera toujours. Déjà il avait accordé à leurs ancêtres cette singulière multiplication d’une race issue de quelques hommes. Abram, parti seul de Mésopotamie pour venir en Chananée, avait eu toutes les félicités et, de plus, sa femme, précédemment stérile, était par la suite devenue féconde, grâce à la volonté divine ; elle lui avait donné des enfants : il avait laissé à Ismaël et à ses descendants le pays des Arabes, aux enfants de Chetoura la Troglodytide et à lsac la Chananée. « Tous les succès, dit-il, qu’il a eus à la guerre, grâce à mon intervention, ce serait impie à vous de n’en pas conserver la mémoire. Jacob, lui, est devenu célèbre même chez des impies étrangers, par le haut degré de prospérité où il parvint pendant sa vie et qu’il a transmis à ses enfants. Lui et soixante-dix personnes, en tout, arrivèrent en Égypte, et vous voilà déjà plus de six cent mille ! Et maintenant sachez que je veille à vos intérêts à tous et en particulier à ta renommée : cet enfant, dont la venue a inspiré tant de crainte aux Égyptiens, qu’ils ont décrété de faire mourir tous ceux qui naîtraient des Israélites, cet enfant, ce sera le tien ; il échappera aux gens qui le guettent pour le perdre ; élevé dans des circonstances merveilleuses, il délivrera la race des Hébreux de la contrainte des Égyptiens et, aussi longtemps que durera le monde, on se souviendra de lui dans l’humanité, non seulement parmi les Hébreux, mais même chez les peuples étrangers ; c’est la faveur que j’accorde à toi et à ceux qui naîtront de toi : il aura aussi un frère digne d’occuper mon sacerdoce, lui et ses descendants à perpétuité ».

4. Après que l’apparition lui eut fait ces révélations, Amaram se réveilla, en fit part à Jochabél(é)[4] sa femme, et leur crainte ne fit que s’accroître par les prédictions de ce songe. Ce n’était pas seulement pour l’enfant qu’ils étaient anxieux, c’était pour cette haute fortune à laquelle il était destiné. Cependant ils ajoutèrent foi aux promesses divines quand la femme accoucha ; en effet, elle put tromper la surveillance, grâce à la bénignité de son accouchement, qui ne donna pas lieu chez elle à de violentes souffrances[5]. Ils élèvent l’enfant trois mois en secret : après cela, Amaram, craignant d’être pris sur le fait et d’encourir ainsi la colère du roi, ce qui le perdrait, lui et son fils, et ferait évanouir la promesse divine, résolut de s’en remettre à Dieu du soin de préserver l’enfant et de veiller sur lui plutôt que de se lier à une dissimulation, expédient peu sûr et qui eût été dangereux, non seulement pour l’enfant élevé en cachette, mais pour lui-même : il estimait que Dieu ferait tout pour leur sécurité, afin que rien ne se démentit de ce qu’il avait prononcé. Ayant pris cette résolution, ils fabriquent une tresse de fibres de papyrus, qu’ils arrangent en forme de corbeille. Ils lui donnent les dimensions suffisantes pour que le nouveau-né s’y trouve au large. Ensuite ils l’enduisent de bitume — le bitume a pour propriété d’empêcher l’eau de passer à travers les mailles, — ils y déposent l’enfant et, la lançant sur le fleuve, confient à Dieu le soin de le préserver. Le fleuve reçoit l’objet et l’emporte ; Mariamme[6], sœur de l’enfant, sur l’ordre de sa mère, va longer l’autre rive du fleuve pour voir où il entraînerait la corbeille. Là, Dieu fit voir clairement que l’intelligence humaine ne peut rien, mais que tout ce qu’il entend accomplir finit par se réaliser heureusement et que ceux qui, en vue de leur propre sécurité, décrètent la mort d’autrui échouent malgré toute l’ardeur qu’ils déploient, tandis que ceux-là se sauvent d’une façon inattendue et, au milieu presque de leurs malheurs, rencontrent le succès, qui courent des dangers selon le dessein de Dieu. C’est ainsi que la destinée de cet enfant manifesta la puissance divine.

5. Le roi avait une fille, Thermouthis[7]. Jouant près des rives du fleuve et apercevant la corbeille que le courant emportait, elle dépêche des nageurs avec l’ordre de lui rapporter cette corbeille. Quand ceux-ci furent revenus, elle vit l’enfant et se prît pour lui d’une grande tendresse à cause de sa taille et de sa beauté. Telle était la sollicitude dont Dieu entoura Moïse que ceux-là même qui avaient décrété à cause de lui la perte de tous les enfants qui naîtraient de la race des Hébreux crurent devoir l’élever et prendre soin de lui. Thermouthis ordonne aussi qu’on fasse venir une femme pour allaiter l’enfant. Mais comme, loin de prendre le sein, il se détournait[8] et qu’il témoigna de même sa répugnance pour plusieurs autres femmes, Mariamme, qui était venue sur ces entrefaites sans dessein apparent et comme une simple curieuse : « C’est peine perdue, dit-elle, ô reine, que d’appeler pour nourrir cet enfant des femmes qui n’ont aucun lien d’origine avec lui, si tu faisais venir une femme de chez les Hébreux, peut-être prendrait-il le sein d’une femme de sa race ». Son avis parut judicieux et la princesse la pria de lui rendre ce service et d’amener une nourrice. Elle use de la permission, et revient, amenant la mère, que nul ne connaissait. Alors l’enfant, avec une sorte de joie, s’attache au sein et, sur la demande de la reine, la mère se charge entièrement de le nourrir.

6. Dans la suite, la princesse lui donna un nom qui rappelait son immersion dans le fleuve ; car les Égyptiens appellent l’eau et ceux qui sont sauvés ysès[9]. ils lui donnent donc un nom composé de ces deux termes. Et conformément aux prédictions de Dieu, il fut le plus illustre des Hébreux par la grandeur de son intelligence et son mépris des épreuves. [Abram était le septième de ses ascendants ; car il était fils d’Amaram, lequel était fils de Caath, et le père de Caath était Lévi, fils de Jacob, fils d’Isac, fils d’Abram[10].] Son intelligence n’était pas celle d’un enfant de son âge ; elle était bien plus profonde et plus mûre que cet âge ne le comporte ; il en fit voir clairement toute l’étendue dans ses jeux, et présagea par ses premiers actes les choses plus grandes qu’il allait accomplir à l’âge d’homme. Quand il eut trois ans[11], Dieu le fit grandir d’une façon étonnante. Quant à la beauté, personne n’y était assez indifférent pour n’être pas frappé, en apercevant Moïse, du charme de ses traits et il arrivait à bien des gens, quand ils rencontraient Moïse sur leur chemin, de se retourner pour regarder l’enfant et d’abandonner leurs affaires pressantes pour le considérer à loisir : la grâce enfantine était chez lui si parfaite et si pure qu’elle retenait les regards[12].

7[13]. Cet enfant si remarquable, Thermouthis l’adopte, le sort ne lui ayant pas donné de progéniture ; un jour, elle amène Moïse à son père pour le lui faire voir et, comme il se préoccupait de son successeur, la volonté de Dieu lui ayant refusé un fils légitime, elle lui dit : « J’ai élevé un enfant d’une beauté divine et d’un esprit généreux ; je l’ai reçu merveilleusement de la grâce d’un fleuve et j’ai songé à en faire mon fils et l’héritier de ta royauté ». Cela dit, elle met l’enfant entre les bras de son père ; celui-ci le prend, le presse avec bienveillance contre sa poitrine et, par amitié pour sa fille, lui met sur la tête son diadème ; mais Moïse jette le diadème à terre après l’avoir ôté de dessus sa tête par une espièglerie d’enfant et le foule même aux pieds[14]. Et l’on voulut voir là un présage relatif à la royauté. À ce spectacle, le hiérogrammate qui avait prédit que la naissance de l’enfant entraînerait l’abaissement de la puissance égyptienne se précipite pour le tuer en poussant des cris violents : « C’est lui, dit-il, Ô roi, c’est cet enfant qu’il faut tuer, selon ce que le Dieu a révélé, pour nous délivrer d’inquiétude ; il rend témoignage à cette prédiction en foulant aux pieds ton autorité et en marchant sur ton diadème. En le faisant disparaître, dissipe la crainte qu’il inspire aux Égyptiens et enlève aux Hébreux l’espérance de son audacieuse initiative ». Mais Thermouthis s’empresse de lui arracher l’enfant des mains ; et le roi était peu disposé au meurtre, indécision qui lui était inspirée par Dieu, car il veillait au salut de Moïse. Il grandit donc, entouré de tous les soins, et les Hébreux pouvaient, grâce à lui, concevoir toutes les espérances, tandis que les Egyptiens le voyaient élever pleins de défiance. Mais, comme il n’y avait aucun motif visible pour qu’il fût tué soit par le roi — dont il était parent par adoption — soit par quelque autre, qui eût le droit d’être plus hardi dans l’intérêt des Egyptiens et par prévision de l’avenir, ils s’abstinrent de le faire disparaître[15].



Chapitre X.

1. L’invasion Éthiopienne en Égypte. — 2. Succès et mariage de Moïse.

1. Moïse donc, né et élevé de la manière que nous avons dite, parvenu à l’âge d’homme, donna aux Égyptiens une preuve éclatante de son mérite et montra qu’il était né pour leur propre déchéance et pour l’élévation des Hébreux : voici quelle en fut l’occasion[16]. Les Ethiopiens, qui sont établis près des Égyptiens, faisaient irruption dans leur territoire et ravageaient les possessions des Égyptiens ; ceux-ci, indignés, partent en expédition contre eux pour venger l’offense et, vaincus dans une bataille, les uns succombent, les autres s’enfuient et se sauvent honteusement dans leur pays. Mais les Éthiopiens les poursuivent, leur donnent la chasse, estimant qu’il y aurait de la lâcheté à ne pas s’emparer de toute l’Égypte et ils s’étendent dans le pays ; puis, ayant pris goût à ses richesses, ils ne voulurent plus y renoncer et, comme à leurs premières incursions sur les territoires limitrophes on n’osa pas leur opposer de résistance, ils s’avancèrent jusqu’à Memphis et jusqu’à la mer ; aucune des villes ne put tenir contre eux. Accablés par ces revers, les Égyptiens ont recours aux prédictions des oracles : le dieu leur ayant conseillé de prendre pour allié l’Hébreu, le roi prie sa fille de lui donner Moïse pour en faire le chef de l’armée. Celle-ci, après que son père eut juré qu’on ne lui ferait aucun mal, le lui confie ; elle tenait que ce serait un grand bienfait pour eux qu’une telle alliance et voulait humilier les prêtres, qui, après avoir parlé de le mettre à mort, ne rougissaient pas maintenant d’implorer son secours.

2. Moïse, à l’invitation de Thermouthis et du roi, accueille cette mission avec plaisir ; ce fut une joie également pour les hiérogrammates des deux peuples : pour ceux des Égyptiens, parce que, une fois que sa valeur les aurait fait triompher de leurs ennemis, ils pourraient se débarrasser aussi de Moïse par la même ruse, et pour ceux des Hébreux, car il leur serait loisible de fuir les Égyptiens, ayant Moïse pour chef. Celui-ci prévient l’ennemi et, avant que celui-ci soit informé de son approche, il prend son armée et la dirige, non par la voie du fleuve, mais à travers les terres. Là, il donna une merveilleuse preuve de sa perspicacité : la route était pénible à suivre à cause des nombreux serpents dont cette région produit une quantité ; il en est qu’on ne trouve pas ailleurs, qu’elle est seule à nourrir et qui se distinguent par leur force, leur malignité et leur aspect étrange ; quelques-uns même sont volatiles, de sorte qu’ils se cachent à terre pour attaquer et peuvent nuire aussi avant qu’on les ait aperçus, en s’élevant en l’air. Moïse imagine donc, pour assurer à son armée une route exempte de dangers, un merveilleux stratagème : il prépare des espèces de cages avec de l’écorce de papyrus et les emporte remplies d’ibis — c’est un animal très ennemi des serpents, qui s’enfuient quand il fond sur eux, et, s’ils résistent, ils sont saisis et engloutis comme par des cerfs[17]. Les ibis sont, d’ailleurs, apprivoisés et n’ont de férocité que pour la race des serpents. Mais c’est assez parler d’eux, car les Grecs connaissent bien les caractères de l’ibis. Donc, quand il pénétra dans ce pays infesté de bêtes, il se servit des ibis pour se défendre contre les serpents, en les lâchant sur eux et en profitant de ces auxiliaires[18]. C’est de cette façon qu’il poursuit sa route ; il arrive sur les Éthiopiens, qui ne s’y attendaient pas, en vient aux mains avec eux, les défait dans une bataille, anéantit les espérances qu’ils nourrissaient à l’égard des Égyptiens et pénètre dans leurs villes, qu’il saccage ; il se fit un grand carnage d’Ethiopiens. Ayant pris goût aux succès que Moïse leur fait remporter, l’armée des Égyptiens se montre infatigable, de sorte que les Éthiopiens étaient menacés de la servitude et d’une ruine complète. À la fin, les ayant poursuivis jusqu’à la ville de Saba, capitale du royaume d’Éthiopie, que Cambyse plus tard appela Méroé d’après le nom de sa sœur, ils en font le siège. Mais c’était une place extrêmement difficile à enlever : le Nil l’entourait d’un cercle, et d’autres fleuves, l’Astapos et l’Astaboras, rendaient l’attaque malaisée à ceux qui tentaient d’en franchir le cours. La ville, se trouvant à l’intérieur, est comme une île ; de fortes murailles l’enserrent et, contre les ennemis, elle a pour abri ses fleuves, ainsi que de grandes digues entre les remparts, de sorte qu’elle ne peut être inondée si la crue vient à être trop violente ; et c’est ce qui rendait la ville imprenable même à ceux qui avaient passé les fleuves. Tandis que Moïse considérait avec ennui l’inaction de l’armée, car les ennemis n’osaient en venir aux mains, il lui arriva l’aventure suivante. Tharbis, la fille du roi des Éthiopiens, en voyant Moïse amener l’armée près des remparts et lutter vaillamment, admira l’ingéniosité de ses opérations et comprit que les Égyptiens, qui désespéraient déjà de leur indépendance, lui devaient leurs succès, et que les Éthiopiens, si vains des avantages qu’ils avaient remportés contre eux, se trouvaient par lui dans une situation tout à fait critique ; elle s’éprit d’un violent amour pour Moïse. Comme cette passion persistait, elle lui envoie les plus fidèles de ses serviteurs pour lui offrir le mariage, il accepte la proposition, moyennant la reddition de la ville, et s’engage par serment à prendre Tharbis pour femme et, une fois maître de la ville, à ne pas violer le pacte ; l’évènement suit de près ces pourparlers. Après avoir défait les Éthiopiens, Moïse rend grâce à Dieu, effectue ce mariage et ramène les Égyptiens dans leur pays[19].



Chapitre XI.

1. Fuite de Moïse au pays de Madian. — 2. Moïse et les filles de Ragouël.

1[20]. Les Égyptiens, tirés d’affaire par Moïse, n’en conçurent que de la haine pour lui et ne mirent que plus d’ardeur à poursuivre sa perte, le soupçonnant de vouloir profiter de ses succès pour innover en Égypte et suggérant au roi de le faire mourir. Celui-ci, de son côté, méditait une vengeance, parce qu’il était jaloux de la glorieuse campagne de Moïse[21] et qu’il craignait de se voir abaissé ; poussé, d’autre part, par les hiérogrammates, il était capable de prendre l’initiative du meurtre de Moïse. Celui-ci, informé à l’avance du complot, s’éloigne en secret et, comme les routes étaient gardées, il dirige sa fuite à travers le désert, là où ses ennemis ne pouvaient soupçonner sa présence ; il était sans vivres et dompta sa faim à force d’endurance et de mépris du besoin.

Il arrive dans la ville de Madian (Madiané), située sur les bords de la mer Érythrée, et qui portait le nom d’un des fils d’Abram né de Chatoura ; il s’assied au bord d’un puits, à peu de distance de la ville, et s’y repose de sa fatigue et de ses misères — c’était vers le milieu du jour. Il eut là, à cause des mœurs des habitants, à jouer un rôle qui fit valoir son mérite et fut l’origine pour lui d’une meilleure fortune.

2. Comme ces terres manquaient d’eau, les bergers se disputaient les puits, dans la crainte que l’eau, une fois épuisée par d’autres, ne vint à faire défaut pour leurs troupeaux. Or, voici qu’arrivent au puits sept sœurs, filles de Ragouël(os)[22], un prêtre tenu en haute vénération chez les habitants du pays ; elles surveillaient les troupeaux de leur père ; car ce soin revient aussi aux femmes chez les Troglodytes. Elles se hâtent de retirer du puits la quantité d’eau nécessaire à leurs troupeaux et la mettent dans les auges destinées à la recueillir. Mais des bergers étant survenus et voulant chasser les jeunes filles pour s’emparer eux-mêmes de l’eau, Moïse, s’indignant à l’idée d’assister impassible à cette iniquité et de laisser triompher la force de ces hommes sur le droit des jeunes filles, repoussa les insolentes prétentions des premiers et fournit à celles-ci une aide opportune. Après ce bienfait, elles s’en vont chez leur père, lui racontent l’outrage des bergers et l’assistance que l’étranger leur a prêtée, et le supplient de ne pas laisser cette bonne action sans fruit et sans récompense. Le père approuva ses filles de leur zèle pour leur bienfaiteur et les pria d’amener Moïse en sa présence pour qu’il reçût les remerciements qu’il méritait. Quand il fut arrivé, il invoqua le témoignage de ses filles au sujet de l’intervention de Moïse, et, admirant son courage, lui dit qu’il n’avait pas obligé des ingrats, mais bien des personnes capables de lui rendre service pour service et de surpasser même par la grandeur de la récompense l’étendue du bienfait. Il l’adopte pour fils, lui donne une de ses filles en mariage et le désigne comme intendant et maître de ses troupeaux, car c’est en cela que consistaient anciennement toutes les richesses des barbares.


Chapitre XII.

1. Le buisson ardent. — 2. Crainte de Moïse. — 3. Dieu le rassure par des miracles. — 4. Le nom divin.

1[23]. Moïse, ayant reçu ces bienfaits de Iothor(os)[24] — tel était le surnom de Ragouël — vécut là en faisant paître les troupeaux. Quelque temps après, il les mena paître sur la montagne appelée Sinaï[25] : c’est la plus haute montagne de cette région. Elle a les meilleurs pâturages, car il y pousse une herbe excellente et, comme la renommée voulait que la divinité y eût son séjour, elle n’avait pas jusque-là été affectée au pacage, les bergers n’osant pas la gravir. C’est là qu’il fut témoin d’un prodige étonnant : un feu brûlait un buisson d’épines et laissait intacte la verdure qui le couronnait, ainsi que ses fleurs ; il n’anéantissait aucun de ses rameaux chargés de fruits, quoique la flamme fût très grande et très intense. Moïse s’effraye de ce spectacle étrange, mais il est frappé bien davantage encore d’entendre ce feu émettre une voix, l’appeler par son nom et lui adresser la parole, l’avertissant de la hardiesse qu’il y avait à oser s’avancer dans un lieu où nul homme n’était venu auparavant à cause de son caractère divin et lui conseillant de s’éloigner le plus possible de la flamme, de se contenter de ce qu’il avait vu, en homme vertueux issu d’ancêtres illustres, et de garder là-dessus quelque discrétion. Il lui prédit aussi qu’il acquerra une gloire extraordinaire et sera comblé d’honneurs par les hommes, grâce à l’assistance divine, et lui ordonne de s’en retourner avec confiance en Égypte, où il deviendra le chef et le guide de la foule des Hébreux et délivrera ceux de sa race des tourments qu’ils y subissaient. « Car, dit-il, ils occuperont cette terre fortunée qu’Abram, votre ancêtre, habita et ils y jouiront de tous les biens et c’est toi, c’est ton intelligence qui les y conduira ». Toutefois, il lui ordonne, après qu’il aurait fait sortir les hébreux de l’Égypte, d’offrir des sacrifices de reconnaissance en arrivant à cet endroit-là. Voilà les avertissements divins qui sortirent du feu.

2. Moïse, frappé de stupeur par ce qu’il avait vu et surtout par ce qu’il avait entendu : « Seigneur, dit-il, manquer de foi en ta puissance que je vénère moi-même et qui, je le sais, s’est manifestée à mes ancêtres, ce serait une folie trop indigne, à mon avis, pour que j’en conçoive la pensée. Mais je me demande comment moi, simple particulier, dépourvu de toute puissance, je pourrai persuader mes frères par mes discours d’abandonner le pays qu’ils occupent actuellement pour me suivre dans celui où je pense les mener et, quand même ils m’écouteraient, comment je forcerai Pharaôthès à leur accorder de partir, à eux dont les efforts et les travaux concourent à la prospérité de ses Etats. »

3[26]. Mais Dieu l’exhorte à se rassurer entièrement et lui promet de l’assister lui-même ; quand il faudrait parler, il lui donnerait la persuasion, et quand il faudrait agir, il lui procurerait la force ; il lui commande de jeter à terre son bâton et de prendre confiance en ses promesses. Moïse obéit, alors un serpent se met à ramper, se contracte en spirales et dresse la tête comme pour se défendre d’une attaque ; puis il redevient bâton. Ensuite Dieu lui ordonne de placer sa main droite dans son sein : il obéit et la retire blanche et d’une couleur semblable à celle de la chaux ; puis elle reprit son aspect naturel. Enfin, il reçoit l’ordre de prendre de l’eau à la source voisine et de la verser a terre, et il la voit devenir couleur de sang. Comme il s’étonne de ces merveilles, Dieu l’exhorte à se rassurer, à croire qu’il sera toujours pour lui le plus grand des secours, et à user de miracles « pour convaincre tout le monde, dit-il, que c’est moi qui t’envoie et que tu agis en tout selon mes instructions. Et je t’ordonne d’aller sans plus tarder en Égypte, de marcher en toute hâte, nuit et jour, et, sans perdre de temps davantage, d’accomplir cette mission pour les Hébreux, qui souffrent dans l’esclavage ».

4[27]. Moïse ne peut pas ne pas ajouter foi aux promesses de la divinité, après avoir vu et entendu tant de témoignages rassurants ; il prie Dieu et lui demande de faire l’épreuve de ce pouvoir en Égypte ; il le supplie de ne pas lui dénier la connaissance de son nom particulier, et, puisqu’il avait été admis à lui parler et à le voir, de lui dire aussi de quelle manière il fallait l’appeler, afin que, en sacrifiant, il pût l’inviter par son nom à présider à la cérémonie sacrée. Alors Dieu lui révèle son nom qui n’était pas encore parvenu aux hommes, et dont je n’ai pas le droit de parler[28]. Ces miracles, Moïse ne les pas seulement alors, mais en général toutes les fois qu’il était nécessaire. Tous ces signes lui firent croire davantage à la véracité de l’oracle du feu, et, confiant en l’aide bienveillante de Dieu, il espéra pouvoir sauver les siens et précipiter les Égyptiens dans le malheur.



Chapitre XIII.

1. Retour de Moïse en Égypte. — 2. Moïse devant le nouveau Pharaon. — 3. Miracle des bâtons-dragons. — 4. Obstination du Pharaon.

1. Instruit de la mort du roi d’Égypte Pharaôthès, celui-là même sous le règne duquel il avait été exilé, il demande à Ragouël de lui permettre, dans l’intérêt des gens de sa race, de s’en aller en Égypte ; il prend avec lui Sapphôra[29], sa femme, fille de Ragouël, et les enfants qu’il avait d’elle, Gersos et Eléazar(os) ; de ces deux noms, l’un, Gersos[30], signifie sur une terre étrangère ; l’autre, Eléazar[31],

que c’est avec l’assistance du Dieu de ses pères qu’il avait échappé aux Egyptiens. Quand il arrive près de la frontière, son frère Aaron vient à sa rencontre sur l’ordre de Dieu ; Moïse révèle à Aaron ce qui lui est advenu sur la montagne et les instructions divines. Tandis qu’ils s’avancent, arrivent au-devant d’eux les plus illustres des Hébreux, qui avaient appris son arrivée ; Moïse, ne pouvant les convaincre par le seul récit des signes miraculeux, les leur fait voir. Frappés de ce spectacle merveilleux, ils prennent confiance et espèrent que tout ira bien puisque Dieu veille à leur sécurité.

2[32]. Une fois sûr de l’adhésion des Hébreux, de leur disposition unanime à se conformer à ses ordres et de leur amour de la liberté, Moïse se rend chez le roi, récemment investi du pouvoir, et lui représente les services qu’il a rendus aux Égyptiens[33], quand les Éthiopiens les humiliaient et ravageaient leur pays, comment il avait commandé et chef l’armée et s’était efforcé, comme s’il s’agissait des siens ; il lui apprend les périls que ceux-là mêmes lui faisaient courir et comme il était mal payé de retour. Et tout ce qui lui était arrivé sur le mont Sinaï, les paroles de Dieu et les signes miraculeux qu’il lui avait montrés pour lui inspirer confiance dans ses commandements, il le lui raconte en détail et le prie de ne pas faire obstacle en incrédule aux desseins de Dieu.

3. Comme le roi le raillait, Moïse lui fait voir, réalisés devant lui, les miracles qui s’étaient produits sur le mont Sinaï. Le roi s’emporte, le traite de scélérat, déclare que d’abord il avait fui l’esclavage des Égyptiens, puis était revenu maintenant par fraude et tentait d’en imposer par des prodiges et des sortilèges. Et, ce disant, il enjoint aux prêtres[34] de lui montrer les mêmes phénomènes, car les Égyptiens sont versés aussi dans ces sortes de sciences[35]… Ces prêtres ayant jeté alors leurs hâtons, ceux-ci deviennent des dragons. Mais Moïse sans se troubler : « Moi non plus, dit-il, Ô roi, je ne méprise pas la science des Égyptiens ; mais je déclare que ce que j’ai fait moi-même surpasse autant leur magie et leur art qu’il y a de distance entre les choses divines et les choses humaines. Et je montrerai que ce n’est pas du charlatanisme et d’une dépravation de la vraie doctrine, mais de la providence et de la puissance divine que mes miracles procèdent ». Disant cela, il jette à terre son bâton, en lui commandant de se métamorphoser en serpent ; le bâton obéit, fait le tour des bâtons des Égyptiens, qui semblaient des dragons, et les dévore jusqu’à ce qu’il les ait fait tous disparaître ; ensuite il reprend son aspect normal et Moïse s’en saisit.

4. Mais le roi n’est pas plus frappé de ce fait-là ; il se fâche, et, après lui avoir déclaré qu’il ne lui servirait de rien d’employer sa sagesse et son habileté contre les Égyptiens, il ordonne au surveillant[36] des Hébreux de ne point leur accorder de relâche dans leur travail, mais de les assujettir à des traitements encore plus durs que précédemment. Et celui-ci, qui leur fournissait auparavant de la paille pour la confection des briques, cesse de leur en fournir. Le jour, il les oblige à peiner sur leur tâche, la nuit à ramasser la paille. Ainsi deux fois malheureux, ils rendaient Moïse responsable de ce surcroît de labeur et d’infortune. Mais lui[37], sans s’affecter des menaces du roi, sans céder aux récriminations des Hébreux, tient bon de part et d’autre et met tous ses efforts à procurer aux siens la liberté. Il va se présenter devant le roi et cherche à lui persuader de laisser aller les Hébreux sur le mont Sinaï pour y sacrifier à Dieu, qui l’avait ordonné, et de ne point faire opposition aux volontés divines ; il devait mettre la faveur de Dieu au-dessus de tout et les autoriser à partir, de peur qu’en les en empêchant, il ne devint, sans le savoir, responsable envers lui-même, quand il subirait les peines qui frappent d’ordinaire ceux qui contreviennent aux ordres de Dieu ; car ceux qui s’attirent le courroux divin voient surgir des maux terribles de partout ; pour ceux-là, plus rien d’ami, ni la terre, ni l’air ; il ne leur naît plus d’enfants selon la loi naturelle ; tous les éléments leur sont contraires et hostiles ; les Égyptiens, déclarait-il, seraient mis à de pareilles épreuves en même temps que le peuple des Hébreux sortirait de leur pays contre leur gré.



Chapitre XIV.

1. Les plaies d’Égypte. Le Nil. — 2. Les grenouilles. — 3. Vermine et bêtes féroces. — 4. Ulcères, grêle, sauterelles. — 5. Ténèbres. — 6. La Pâque. Mort des premiers-nés.

1[38]. Comme le roi dédaignait ces discours de Moïse et n’y prêtait plus aucune attention, des fléaux terribles accablèrent les Égyptiens ; je les exposerai tous, d’abord parce que des malheurs inconnus jusque-là furent éprouvés par les Égyptiens, ensuite parce que Moïse voulait faire connaître qu’il n’y avait rien de mensonger dans ses prédictions et qu’il est utile aux hommes d’apprendre à se garder d’une conduite telle que Dieu s’en irrite et dans sa colère les punisse de leurs iniquités.

Le fleuve, sur l’ordre de Dieu, devint couleur de sang et roula des eaux qu’il était impossible de boire ; or, d’autres eaux potables, ils n’en avaient point, et ce n’était pas seulement par la couleur que le fleuve était devenu répugnant : quiconque tentait d’y boire était saisi de maladie et de cruelles souffrances. Tel était l’effet qu’il produisait sur les Égyptiens ; mais pour les Hébreux ses eaux étaient douces douces et potables et n’avaient pas changé de nature. Le roi, troublé par ce prodige et inquiet pour les Égyptiens, permit aux Hébreux de s’en aller ; mais, dès que le fléau s’apaisa, il changea d’idée et s’opposa à leur départ.

2. Dieu, voyant que l’ingrat, après qu’il est délivré de cette calamité ne veut plus se montrer raisonnable, inflige une autre plaie aux Égyptiens : une multitude innombrable de grenouilles[39] dévora leur pays ; le fleuve même en était plein, elles s’y entassaient et la boisson qu’on prenait se trouvait corrompue par le sang de ces bêtes qui mouraient et pourrissaient dans l’eau ; et le pays qui en était infesté devenait un affreux limon où elles se développaient et mouraient ; tous les vivres qu’on avait dans les maisons, elles les détruisaient ; on les trouvait dans tous les aliments solides et liquides ; elles se répandaient jusque sur les couches ; une odeur intolérable et fétide se dégageait de ces grenouilles, soit en vie, soit mourantes, soit en décomposition. Voyant les Égyptiens accablés par ces maux, le roi pria Moïse de s’en aller en emmenant les Hébreux, et, sitôt qu’il eut dit cela, cette multitude de grenouilles disparut et la terre et le fleuve reprirent leur aspect naturel. Mais Pharaôthès, dès que le pays est délivré de cette calamité, en oublie l’origine et retient les Hébreux, et, comme s’il eût voulu faire l’épreuve de plus grands maux encore, il ne permet plus à Moïse et aux siens de partir c’était par crainte plutôt que par raison qu’il le leur avait accordé.

3[40]. Alors la divinité envoie un autre fléau pour punir cette déloyauté. Une multitude infinie de vermine vint à se développer sur le corps des Égyptiens et fit périr misérablement ces misérables ; ni les baumes, ni les onguents ne pouvaient détruire ces bêtes. Effrayé par cet horrible fléau, craignant la perte de son peuple et songeant à l’ignominie d’une telle destruction, le roi des Égyptiens est forcé d’entendre raison, et encore, à moitié seulement, tant sa méchanceté était grande : il accorde bien aux Hébreux l’autorisation de partir, mais, comme aussitôt le fléau s’apaise, il exige[41] qu’ils laissent femmes et enfants comme gages de leur retour. Ainsi il ne fait qu’irriter Dieu davantage, en prétendant en imposer à sa sagesse, comme si c’était Moïse et non Dieu lui-même qui punissait les Égyptiens à cause des Hébreux. Dieu, envoyant toutes sortes d’animaux divers, qu’on n’avait jamais rencontrés auparavant, infesta leur pays, de sorte que les hommes périrent sous leurs dents et que la terre fut privée des soins des laboureurs, et tout ce qui échappait à leurs ravages était détruit par la maladie, encore que les hommes, eux, pussent la supporter.

4[42]. Mais comme cela même ne fit pas céder Pharaôthès à la volonté divine, et que, tout en permettant que les femmes s’en allassent avec leurs maris, il voulut que les enfants lui fussent abandonnés, Dieu ne fut pas en peine de l’éprouver et de le poursuivre par des punitions plus variées et plus terribles que celles qu’il avait subies jusque-là ; leurs corps furent frappés d’horribles ulcères, les organes internes se décomposaient et la plupart des Égyptiens périrent ainsi[43]. Mais comme celle plaie elle-même n’assagissait pas le roi, une grêle, inconnue jusque-là au climat égyptien et qui ne ressemblait pas aux pluies d’hiver qui tombent ailleurs, une grêle plus considérable encore que celles des régions tournées vers le septentrion et l’Ourse s’abattit, au cœur du printemps, et brisa tous les fruits. Ensuite[44] une légion de sauterelles acheva de dévorer ce qui avait été laissé intact par la grêle, de façon à ruiner à la lettre toutes les espérances que pouvaient avoir les Égyptiens sur la récolte de leur pays.

5. Il eût suffi de tous ces malheurs pour ramener à la raison et à l’intelligence de ses intérêts un insensé dénué de méchanceté, mais Pharaôthès, moins insensé que scélérat — car sachant le motif de tout cela, il ne s’en posait pas moins en rival de Dieu et trahissait de gaîté de cœur le bon parti — ordonne bien à Moïse d’emmener les Hébreux, y compris les femmes et les enfants, mais il veut qu’ils laissent leur butin[45] aux Égyptiens dont les biens étaient détruits. Moïse déclare qu’il ne trouve pas cette prétention légitime, car il leur fallait offrir à Dieu des sacrifices[46] avec ce butin, et tandis que les choses traînent là-dessus, une nuit profonde, dénuée de toute clarté, se répand sur les Égyptiens ; l’épaisseur en est telle qu’ils en ont les yeux aveuglés et les voies respiratoires obstruées ; ils périssent d’une mort lamentable et chacun craint d’être étouffé par ces nuées. Elles se dissipent après trois jours et autant de nuits, et comme Pharaôthès ne changeait pas d’avis, relativement au départ des Hébreux, Moïse s’avance et lui dit : « Jusqu’à quand vas-tu résister à la volonté de Dieu ? Il te commande de laisser aller les Hébreux ; vous ne pourrez être délivrés de vos maux qu’en agissant ainsi ». Le roi, furieux de ce langage, menace de lui faire trancher la tête s’il revient encore le troubler à ce propos. Moïse répond qu’il cessera, quant à lui, d’en parler et que c’est le roi lui-même, avec les premiers des Égyptiens, qui priera les Hébreux de s’en aller. Cela dit, il se retire.

6. Dieu montra encore par une plaie qu’il obligerait les Égyptiens à libérer les Hébreux. Il ordonne à Moïse d’avertir le peuple de tenir prêt un sacrifice dès le dix[47] du mois de Xanthicos pour le quatorzième jour (ce mois s’appelle Pharmouthi chez les Egyptiens, Nisan chez les hébreux ; les Macédoniens l’appellent Xanthicos) et d’emmener les Hébreux munis de tous leurs biens. Moïse, tenant les Hébreux prêts au départ, les range en phratries et les réunit tous ensemble ; quand se lève le quatorzième jour, tout le monde est en état de partir ; ils sacrifient ; avec le sang, ils purifient les maisons en y joignant des touffes d’hysope et, après le repas, ils brûlent le reste des viandes, en gens qui sont sur leur départ. De là vient qu’encore aujourd’hui nous avons coutume de faire ainsi ce sacrifice ; nous appelons la fête Pascha[48], ce qui veut dire passage par-dessus, car, ce jour-là, Dieu passa par-dessus les Hébreux et accabla les Égyptiens de la maladie. La mort sévit sur les premiers-nés des Égyptiens durant cette nuit-là, de sorte que beaucoup de ceux qui habitaient autour du palais du roi vinrent conseiller à Pharaôthès de laisser partir les Hébreux. Celui-ci, ayant mandé Moïse, lui ordonne de partir, pensant que, s’ils quittaient le pays, l’Égypte cesserait de souffrir ; ils gratifient même les Hébreux de présents, les uns, par impatience de les voir partir, les autres, à cause des relations de voisinage qu’ils avaient entretenues avec eux[49].



  1. Ex., II, 1
  2. Amram n’est nommé dans la Bible qu’au chapitre VI, 20, de l’Exode. LXX. Ἀμβράμ.
  3. Tout ce passage est surajouté au récit biblique. Le songe d’Amram est connu cependant de la tradition. Voir Mekhilta (le plus ancien commentaire halachique de l’Exode), éd. Weiss, p. 52. Dans le Talmud, Meguilla, 14 a, c’est Miriam, sœur de Moïse, qui prévoit ses destinées, selon une opinion de Rab Nahman (Amora babylonien du commencement du IVe siècle). Cette légende est reproduite dans la Chronique de Moïse (Jellinek, Bet hamidrasch, II. p. 2) et le Séfer hayaschar.
  4. Héb. et LXX : Jocabed.
  5. Cf. Sota, 12 a (sur Ex., II, 2) ; il y eût dit aussi que Jocabed accoucha sans douleurs.
  6. Héb. : Miriam
  7. La Bible ne nomme pas la fille de Pharaon. Le Talmud (Meguilla, 13 a), l’appelle Bithia, se fondant sur le verset, I Chr., IV, 18 : « Et tels sont les fils de Bithia, fille de Pharaon ». Elle a encore d’autres noms ailleurs : Merris dans Artapanos (Eus., Praep. ev., IX, 27). Le Syncelle l’appelle a différentes reprises Pharié. Le nom de Thermouthis est certainement égyptien (voir sur ce nom G. Ebers, Durch Gosen zum Sinaï ; pp. 84, 539). C’est le nom d’une divinité égyptienne et aussi d’une localité de la Basse Égypte d’après Étienne de Byzance.
  8. Cf. Sota, 12 b ; Ex. Rabba, I. Pour expliquer le verset, Ex., II, 7, on dit aussi que Moïse ne voulait pas de nourrice égyptienne.
  9. Josèphe substitue ici à l’étymologie biblique de ce nom (Ex., II, 10 : « Car je l’ai tiré des eaux », la racine hébraïque בישה signifiant « tirer » ) une étymologie égyptienne ou prétendue telle (cf. C. Apion, I, § 286). Cette étymologie n’a probablement pas plus de valeur historique que celle qu’il donne de Jérusalem par exemple (v. Ant., I, § 180 et la note). Comparer l’étymologie donnée par Philon dans le De Vita Moysis, 4, M., II, p.  83. Sur l’origine égyptienne du nom de Moise, consulter G. Ebers, op. cit., p.  539
  10. Cette phrase a été condamnée par Eruesti et la plupart des éditeurs ; elle interrompt, en effet, le développement. Mais peut-être trouvait-elle sa place ailleurs et le texte présente-t-il une lacune.
  11. Le Midrash (Ex. R., I) dit que sa mère l’allaita 24 mois et qu’il grandit d’une façon extraordinaire. Dans un texte cité par le Yalkout, I, 168, Rabbi Yehouda ( ?) dit qu’à cinq ans Moïse, pour la taille et l’intelligence, en paraissait onze.
  12. Le Midrash Tanhouma, sur Ex., II, 7 (cf. Ex. R., I), dit : « Telle était la beauté de Moïse que la fille de Pharaon ne voulait pas le faire sortir du palais, car tout le monde désirait le voir et quiconque le voyait avait peine à détacher ses regards de son visage ».
  13. Ex., II, 10.
  14. La même légende se lit dans Tanhouma (ibid.) : tandis que le roi Pharaon caressait l’enfant, celui-ci se saisissait du diadème et le jetait à terre, comme il était destiné à le faire plus tard. La Chronique de Moïse fait un long récit où l’on voit également Moïse, en présence de Pharaon et de toute la cour, s’emparer et se coiffer du diadème, ce qui effraye les assistants. Alors Balaam, un des devins, rappelle à Pharaon un songe où celui-ci avait vu la même scène et l’avertit du danger que Moïse lui fera courir.
  15. Le texte parait altéré.
  16. Le singulier récit qui suit est probablement emprunté à Artapanos (v. Eusèbe, Praep. ev., IX, 27, p. 431) ou à une tradition utilisée déjà par ce dernier. Moïse était devenu, dans la littérature judéo-alexandrine, le héros de légendes destinées à présenter sa vie sous le jour le plus favorable. Dans le récit d’Artapanos, le roi d’Égypte se nomme Chénéphrès.
  17. ὑπ’ἐλάφων. Naber propose ὑπὸ νεφῶν (par des nuées).
  18. La Chronique de Moïse raconte une histoire analogue, avec cette différence que c’est aux Éthiopiens que Moise rend service. Il leur donne le moyen de rentrer, au retour d’une guerre, dans leur ville, que le devin Balaam avait investie de hautes murailles et dont il avait infesté les abords de serpents et de scorpions : Moïse conseille aux Éthiopiens de dresser des petits de cigognes à la chasse ; puis de monter à cheval et de lâcher les oiseaux contre les serpents. Ce qu’ils firent avec plein succès.
  19. Cette légende romanesque doit sa naissance au souci d’expliquer le verset des Nombres (XII, 1) : « Et Miriam et Aaron jasèrent sur Moïse à cause de la femme, éthiopienne qu’il avait prise, car il avait pris une femme éthiopienne ». Le Pseudo Jonathan dit que Moïse avait épousé la reine d’Éthiopie (dont il s’était ensuite séparé). La Chronique de Moïse raconte que Moïse régna quarante ans en Ethiopie, où il avait épousé la veuve du précédent roi, Nikanos (Kikanos d’après le Séfer hiyaschar). Cette femme se plaignit aux grands de ce que Moïse ne voulait pas avoir commerce avec elle, et leur demanda de nommer un autre roi, le fils de Nikanos. Alors Moïse fut congédié, d’ailleurs avec beaucoup d’égards, et s’en alla dans le pays de Madian.
  20. Ex., II, 15.
  21. Dans le récit d’Artapanos, Chénéphrès veut aussi faire périr Moïse, par jalousie pour ses vertus ; c’est ce qui lui donne l’idée de l’envoyer en expédition contre les Éthiopiens, Josèphe a dérangé ce récit. En expliquant, au contraire, l’animosité de Pharaon par les succès que Moïse avait remportés à la guerre, il évitait de donner la raison de l’exil de Moïse à Madian, à savoir le meurtre de l’Égyptien, raconté dans la Bible (Ex., II, 15).
  22. Héb. : Reouel. L’Écriture dit : « deux sœurs ».
  23. Ex., III, 1.
  24. Héb. : Yithro. LXX. Ἰοθόρ.
  25. Dans l’Exode, c’est le mont Horeb. Horeb et Sinaï désignent, d’ailleurs, la même montagne, comme le prouve un autre verset (Ex., III, 12).
  26. Ex., IV, 1.
  27. Ex., VI, 2.
  28. Il s’agit du nom ineffable ou tétragramme, dont les consonnes hébraïques seules (י, ה, ו, ה) se sont conservées. La remarque de Josèphe fait penser que la prononciation de ce nom lui était connue, ce qui n’a rien d’étonnant puisqu’il était d’une famille de prêtres ; on sait que seul le grand-prêtre avait le droit de le prononcer. La défense relative au nom divin se trouve dans le Lévitique, XXIV, 16. La prérogative du grand-prêtre est énoncée dans la Tosifta de Sota, XIII, 8 (éd. Zuckerm.) ; Yoma, 39 b ; cf. Philon, De mut. nom., § 2, M., I, p. 580, et De vit. Moys., VII, 25 (M., II, p. 166).
  29. Héb. : Çippôra ; LXX : Σεππφώρα.
  30. Héb. : Gersôm ; LXX : Γηρσάμ. L’étymologie du nom donnée ensuite par Josèphe concorde avec Ex., II, 22, et XVIII, 3.
  31. En hébreu et LXX : Eliezer. L’étymologie est la même que dans le verset Ex., XVIII, 3. Josèphe remplace seulement le « glaive de Pharaon » dont il est parlé dans la Bible par les Égyptiens. À noter la transcription du nom hébreu par Eléazar, qui correspond à la variante אלֶעְוַז : Josèphe l’adopte parce qu’elle était plus répandue sans doute de son temps. Eliezer et Eléazar ne diffèrent, d’ailleurs, que par l’orthographe.
  32. Ex., V, 1.
  33. Voir plus haut chapitre X.
  34. Ex., VII, 11.
  35. Nous retranchons avec Dindorf les mots qui suivent et qui paraissent altérés. On peut, à la rigueur, les interpréter ainsi : « et Moïse n’est pas la seule personne à connaître ces secrets, et s’il s’avise d’en attribuer à Dieu le merveilleux, il ne sera cru que des ignorants » [T. R.]
  36. Ex., V, 6.
  37. Ex., V, 22.
  38. Ex., VIII, 13.
  39. Ex., VII, fin et VIII.
  40. Ex., VIII, 12.
  41. Ce détail se trouve dans Ex., X, 11.
  42. Ex., IX, 8.
  43. Josèphe omet de parler d’une des dix plaies, la peste (Ex., IX, 18). Ce qui suit correspond à Ex., IX, 8.
  44. Ex., X, 1.
  45. À savoir leur bétail (Ex. X, 24)
  46. Ex., X, 25
  47. Ex., XII, 3.
  48. Même transcription que dans les LXX du mot Péçah.
  49. L’expression assez obscure de l’Écriture (Ex., XII, 36) : וישארום « ils leur prêtèrent » a donné lieu dans l’exégèse agadique à diverses interprétations. Dans la Mechilta (14 b), R. Natan (Tanna du IIIe siècle) explique que les Égyptiens donnèrent beaucoup d’objets aux Israélites, sans en avoir été priés. Dans Berachot, 9 b, R. Ammi (Amora palestinien du commencement du IVe siècle ap. J.-C.) déduit du verset que les Égyptiens ont été contraints de se dépouiller.