Anthologie japonaise ; poésies anciennes et modernes/Man-yo-siou/Vers composés par une femme à l’occasion de la mort de l’empereur
み | ぞ | な | な | に | き | さ | あ | た | う |
え | き | く | ら | ま | み | か | さ | へ | つ |
つ | ぞ | わ | ば | き | た | り | な | ね | せ |
る | の | が | ぬ | も | ま | い | げ | ば | み |
よ | こ | ぐ | ち | な | て | く | は | し | |
い | い | と | い | ら | わ | き | な | か | |
め | ん | き | て | ば | が | み | れ | み | |
に | き | も | き | て | ご | い | に | ||
み | ぬ | ふ | て | ||||||
る |
Utu semi-si kami-ni tayeneba, hanareïte asa-nageku kimi, sakariite wa-ga kôru kimi, Tama-naraba, te-ni maki motsiite ; kinu-naraba, nugu toki-mo naku, wa-ga ko-’in kimi zo kizo-no yo, ime-ni mi-ye tsŭru[1].
on corps abandonné, ne pouvant suivre celui qui est devenu Esprit, séparé de toi, dès le point du jour, je soupire de tristesse, ô mon prince ! éloignée de
toi, je suis (violemment) agitée, ô mon prince.
Si tu étais pierre précieuse, je te porterais en bracelet ; si tu étais vêtement, je ne trouverais pas le temps de me déshabiller. Ô mon prince ! c’est toi que mon amour a vu en songe la nuit dernière[2].
Utsŭ-semi 空蟬 littéralement « la cigale vide », est une expression du langage poétique qui, par allusion à la cigale, qui a abandonné son enveloppe, veut dire « un corps abandonné par la vie ». Le commentaire japonais l’explique ainsi : utsŭ-sémi-wa utsŭtsŭ-no mi nari « par l’expression utsŭ-semi, il faut entendre le corps dans sa condition matérielle (l’enveloppe terrestre de l’âme) ». C’est dans ce sens qu’on dit utsŭtsŭ-no yo « le monde de la réalité, l’existence d’ici-bas ».
Si, abréviation de simo, est une particule euphonique qui sert à compléter les vers et à conserver le rhythme.
« Par l’expression kami-ni tayeneba, on veut dire : l’empereur est devenu un esprit (kami) et réside au ciel ; mon corps, que l’âme a abandonné, ne peut le suivre (au delà de ce monde) et demeure séparé de lui ». (Kami-ni tayeneba wa, kami-to narite, ame kakeri tamayeba, wa-ga utsŭtsŭ-no mi site, sitagaï tatematsŭru-ni-wa taï-zu-site, hanare oru to nari.)
Le mot kami répond au mot chinois 神 sin, et se rend généralement par « génie ». C’est ainsi qu’on appelle la religion nationale du Nippon « culte des génies » (japon, kami-no mitsi). Néanmoins il serait peut-être préférable de traduire par « esprits » le mot kami, qui semble se rattacher à une racine entraînant l’idée de « en haut, supérieur ». C’est l’état dans lequel se trouvent, au delà de ce monde matériel, les hommes qui ont accompli leur devoir durant leur vie. Suivant certaines écoles, les animaux eux-mêmes peuvent parvenir à l’état de divinité, à l’exception du chat. « À l’époque où le bouddha Çâkya-mouni entra dans le Nirvâna, tous les oiseaux et les animaux terrestres se trouvèrent à ses côtés ; seul, le chat n’obtint pas la permission d’y assister. C’est pourquoi l’on dit que le chat ne peut point devenir un bouddha. » (Sakya-muni-bŭtsu go ne-han-no toki, arayeru kin-tsyû on soba-ni arisi-ga ; hitori neko nomi sono seki-ni idzŭru-wo yurusi tamawazu. Kore-ni yotte neko-va zyô-butsŭ suru-koto atama-wazu to ii tsŭtayeri.)
Asa-nageki veut dire « je me lamente de ce que hier j’ai vu en songe » (asa-nagéki-wa yumé-ni mi-tate-matsŭri-taru asita-ni nageku nari).
Sakariité, etc., a la même signification que honaruru « se séparer » (sakariite un-un, sakaru-mo hanaruru to onadzi-koto nari).
Ki-zô veut dire « la nuit dernière » (ki-zô-no yô-wa yŭbe nari). Cette expression manque dans la plupart des dictionnaires. Je l’ai trouvée, mais orthographiée différemment dans le vocabulaire de la langue ancienne Syô-tsyu Ko-gon-teï, où on l’explique par le mot chinois saku-ban « hier soir », avec renvoi au recueil de poésies intitulé Man-yô-siû.
- ↑ Man-yô-siû ryak-kaï, vol. II, fo 30 ; Si-ka-zen-yô, p. 4.
- ↑ Comparez à cette pièce les vers suivants du gracieux poëte lyrique de Téos (ode xx) :
Έγώ δ’ ἔσοπτρον εἴην,
Ὅπως ἀεἰ βλέπῃς με.
Έγὠ χιτὠν γενοίμην,
Ὅπως ἀεἰ φορῇς με.
Μύρον, γύναι, γενοίμην,
Ὅπως ἐγώ σ’ ἀλείψω,
Καί ταινίη δέ μαστῶν,
Καὶ μάργαρον τραχήλψ.