Anthologie féminine/Carmen Sylva

Anthologie féminineBureau des causeries familières (p. 388-390).

LIVRES DE PENSÉES


CARMEN SYLVA
(Pseudonyme de la Reine de Roumanie)


« J’aurais du plaisir à ce qu’on chantât mes compositions sans que l’on sût de qui elles sont. »

C’est bien là le cri d’une jeune reine qui est poète et écrivain, et qui connaît le prix de la sincérité !

Quoique Carmen Sylva soit étrangère, elle a été couronnée par l’Académie française ; nous lui donnons place avec plaisir ; elle a publié jusqu’ici un volume de pensées très remarquable ; un livre de contes roumains et plusieurs romans, tous empreints d’une mélancolie qui ne la quitte pas depuis la mort de sa fille, son unique enfant.

« Je prie Dieu de pouvoir mourir pleurée, après une vie de travail, si je ne devais avoir ni enfants, ni petits-enfants. »

Tel était le souhait qu’elle formait avant que son mariage l’eût placée sur un trône, et alors qu’elle vivait simplement dans le château de ses pères, à Neuwied, où nous l’avons connue, joyeuse fillette, où elle est retournée aujourd’hui, malade et exilée.

Elle écrit encore à la date du 2 janvier 1869 :

« Rien qu’une action de grâces pour l’année chaude, ensoleillée qui vient de passer. Pas de vœu pour l’année commencée, sinon que le travail de mes mains soit béni. »


PENSÉES


Le moins que l’on fasse, il faut le faire tout à fait, si l’on veut que cela réussisse ; le moins que l’on soit, il le faut être tout entier, si l’on veut être quelque chose.

Tout travail bien terminé est un échelon sur lequel on peut poser le pied solidement et sûrement pour monter plus haut.

L’homme détruit à coups de cornes comme le taureau, ou à coups de pattes comme l’ours ; la femme à coups de dents comme la souris, ou par une étreinte comme le serpent.

La toilette n’est pas une chose indifférente, elle fait de vous un objet d’art animé, à condition que vous soyez la parure de votre parure.

Une femme incomprise est une femme qui ne comprend pas les autres.

N’épousez pas une femme aux coins de la bouche pendants, la bouche elle-même fût-elle une cerise, vous trouveriez le fruit amer !