Anthologie des poètes français du XIXème siècle/Saint-Cyr de Rayssac

Anthologie des poètes français du XIXème siècle, Texte établi par (Alphonse Lemerre), Alphonse Lemerre, éditeur** 1818 à 1841 (p. 394-395).

SAINT-CYR DE RAYSSAC


1840-1875


Saint-Cyr de Rayssac, né à Castres en 1840, fut élevé dans le Lyonnais, à Saint-Chamond. Après un premier séjour à Paris, il visita l’Italie ; de retour à Paris il s’y maria et mourut ires jeune. Ses poésies ont été publiées après sa mort par les soins de sa veuve qui les avait souvent inspirées et toujours comprises. « Voici donc ce qui nous reste de lui, a dit M. Hippolyte Babou, dans la préface de ses œuvres, un volume de vers élégants et naturels, énergiques et tendres, négligés et parés, et pour tout dire en un mot, écrits dans une langue qui ne se parle plus guère, mais que les esprits cultivés et les âmes d’élite comprendront toujours. »

Ses œuvres ont été publiées par A. Lemerre.

A. L.



À LA BEAUTÉ



Immortelle beauté, sourire de tendresse
Que la forme à l’esprit donne éternellement,
Toi qui dans un contour caches une caresse,
Ec d’un rayon des cieux fais un enchantement ;


Blanche divinité, fille du sentiment,
C’est ton unique amour qui troubla ma jeunesse.
Dès que je te connus, je te cherchai sans cesse,
Et ton premier baiser fut mon premier tourment ;

Aussi, je vais à toi, désespérante amie ;
Je vais sur cette terre où tu fus tour à tour
La force et la splendeur, la grâce et l’harmonie ;

Immortelle beauté, puissé-je à mon retour,
Quand j’aurai mis mon front sur ta bouche endormie,
Emporter le secret pour te créer un jour !




UNE PIETA


Oh ! non, pas un blasphème et pas un désaveu ;
Mais je tombe, Seigneur, et je me désespère,
Mais quand ils ont planté le gibet du Calvaire,
C’est dans mon cœur ouvert qu’ils enfonçaient le pieu.

Crois-tu que je t’aimais, moi, dont le manteau bleu
T’abrita quatorze ans comme un fils de la terre ?
Oh ! pourquoi, juste ciel, lui donner une mère,
Qu’en avait-il besoin puisqu’il était un Dieu ?

L’angoisse me dévore ; au fond de ma prunelle
Roule toujours brûlante une larme éternelle
Qui rongera mes yeux sans couler ni tarir.

Seigneur, pardonnez-moi, je suis seule à souffrir :
Ma part dans cette épreuve est bien la plus cruelle,
Et je peux bien pleurer sans vous désobéir.