Anthologie des poètes français du XIXème siècle/Achille Millien

Anthologie des poètes français du XIXème siècle, Texte établi par (Alphonse Lemerre), Alphonse Lemerre, éditeur** 1818 à 1841 (p. 326-328).




ACHILLE MILLIEN


1838




Achille Millien est né à Beaumont-la-Ferrière (Nièvre) en 1838.

« Ô mon beau Nivernais, pays des vallons verts ! » a dit le poète, qui a consacre le meilleur de son talent à peindre les paysages de sa province.

Il a donné : La Moisson (1860), Chants agrestes (1862), Les Poèmes de la Nuit (1864), Musettes et Clairons (1866), Légendes d’aujourd’hui (1870), Voix des Ruines (1874), Poèmes et Sonnets (1879). Ces divers recueils ont été refondus en deux volumes : Premières Poésies (1859-1863), Nouvelles Poésies (1864-1873).

Achille Millien est lauréat de l’Académie française.

Dans ses poèmes descriptifs, bien que rentrant un peu trop dans le détail technique de la Flore agreste et des travaux divers de la campagne, il a cependant bien rendu les scènes de la vie rurale, parfois avec émotion, toujours avec sincérité.

A. L.





LA RENTRÉE DES FOINS




Des prés que la faux tondit jusqu’à terre
Les bœufs attelés sortent à pas lents,


Et les chariots, grinçant sur la pierre,
Roulent les foins secs en amas branlants.

De la fauchaison voilà donc le terme ;
Bientôt l’on mettra la faucille aux blés,

Et tous les faneurs, ce soir, à la ferme
Pour le grand repas seront attablés.

« Déjà le couchant rougit le nuage,
Sortons vivement des sentiers ombreux… »

Mais un ancien veut que, suivant l’usage,
Tous jusqu’au fenil escortent les bœufs :

« Réjouissons-nous de ce temps propice !
Et qu’un bon chanteur au faîte du foin,

« Pour nous faire honneur, lestement se hisse
Et commence un air qui résonne au loin.

« Toi, de rameaux verts recouvre la tête
Des bœufs accouplés qui vont ruminant.

« Où sont les rubans gardés pour la fête ?
Qu’on me les apporte ici, maintenant.

« Très bien. Les voici, prends-les, Madeleine,
Mêle les couleurs, et pare à ton goût

« Fins corsets, chapeaux et bonnets de laine,
Les jeunes, les vieux, — oui, les vieux surtout !…


« Souffle, toi, Fanchy, dans ta cornemuse,
Souffle à pleins poumons, au devant des bœufs ;

« Ce soir c’est liesse, on rit, on s’amuse,
Et, comme à la noce, on va deux à deux ! »

Les voilà partis, le chariot crie,
Ils chantent en chœur un vieil air d’amour ;

Et dans le buisson qui clôt la prairie
Les merles railleurs sifflent tour à tour !