Anonyme - Vincent ou le Prisonnier plus malheureux que coupable, 1813.djvu/Préface



PRÉFACE.


Le malheur a ses droits, ils sont écrits dans tous les cœurs généreux et sensibles : c’est à ceux que la nature a doués des qualités heureuses qui honorent l’existence, que je m’adresse. Je vais présenter les traits les plus saillans de la vie d’un Prisonnier plus infortuné que coupable. Puissent-ils être accueillis avec l’indulgence que réclame le malheur ! Cet infortuné est mort pour la société ; il n’espère plus s’y représenter, qu’on ne reconnaisse la sévérité avec laquelle il a été jugé. Sa faute n’a point eu, d’après les circonstances, la forme d’un crime. Que l’on se pénètre de sa position, que l’on envisage sa modération, avant qu’une violente aggression le forçât à punir ; il fallait choisir meurs ou tue. Le destin l’aurait-il favorisé un moment, pour le faire repentir toute sa vie de son imprudence ? Il reconnaît ses torts. Ses remords, ses afflictions pourront-ils les faire oublier ? C’est l’espoir qu’il aime à nourrir dans son cœur. Puisse cet exposé fidèle, mais faiblement tracé, contribuer à réaliser ses espérances !

Si ce récit véritable offre de ces traits qui caractérisent un roman, et que sous ce rapport on désire connaître le dénouement ; je le promets au lecteur, si des jours plus heureux font oublier à Vincent ses malheurs. Mais si son automne est aussi orageuse que son printemps, je n’offrirai point un nouveau tableau des disgraces dont il pourrait encore être la victime. Je sais qu’on n’aime point à s’appesantir sur des idées sombres ; ma plume est encore trop peu exercée pour commander la sensibilité : je craindrais qu’on ne se mît à rire d’un moraliste de vingt-quatre ans ; mais si l’on blâme mon esprit, je ne crains pas qu’on accuse mon intention. Sans connaître Vincent, et sans être connu de lui, ses chagrins m’ont intéressé ; et la sensation qu’ils ont faite sur moi, m’a porté à croire qu’ils feront sur bien d’autres la même impression. Cette espérance seule m’a engagé à publier cet écrit sous le voile de l’anonyme. Puisse-t-il atteindre son but, et procurer quelques douceurs au malheureux qui en est l’objet ! C’est un appel que je fais à la bienfaisance des Lyonnais : ils ont trop d’humanité, pour ne pas y répondre.