Annales de pomologie belge et étrangère/Poire Duchesse d’Angoulême panachée




Poire Duchesse d’Angoulême panachée.


(Spécimen récolté sur pyramide.)

Nous venons de voir comment était née la poire duchesse d’Angoulême ; de même que le bon-chrétien d’hiver, le Saint-Germain et quelques autres poires, la duchesse d’Angoulême a sa variété panachée. Cette panachure est résultée d’un accident qui s’est produit dans les pépinières de M. Audusson, à Angers, l’un des fils de M. Audusson qui a mis le type dans le commerce, au moyen des greffes prises sur le pied mère de M.  le comte d’Armaillé.

Nous n’avons rien à dire des qualités de cette poire, qui ne diffère du type que par les panachures assez irrégulières qui la distinguent, et par un pointillé brun plus multiplié. Elle a été signalée la première fois par le comice horticole d’Angers, il y a trois ou quatre ans ; elle mûrit à la même époque que la duchesse d’Angoulême.

Il serait fort intéressant de rechercher la cause des panachures dans les fruits ; mais jusqu’à présent la physiologie végétale, malgré les progrès remarquables que les travaux des botanistes lui ont fait faire, n’a pu établir que des hypothèses plus ou moins ingénieuses pour expliquer les phénomènes qui ont lieu dans cette circonstance. Les panachures sont produites, les unes par les lois naturelles qui président à l’organisation des corps, les autres par des accidents aussi imprévus que peu connus. Il est certain que la lumière est l’unique cause de la coloration des feuilles, des fleurs et des fruits. Mais son influence, d’autant plus marquée que sa pureté est plus parfaite, est modifiée par les variations de la température, les qualités bonnes ou mauvaises de l’eau et du sol, et enfin par la spécialité des sucs propres à chaque végétal. Dans les panachures qui résultent de la volonté du créateur, les sucs propres ou les liquides particuliers qu’elle a doués de la faculté de se colorer, exercent cette faculté sous l’influence du fluide lumineux. Des accidents peuvent modifier ces panachures et en créer en dehors des prescriptions régulières de la nature. Les fruits sont, comme les feuilles et les fleurs, munis d’utricules sous-épidermiques pleines de fluides, capables de recevoir la coloration que la lumière leur communique ; et c’est ainsi que se produisent les marbrures pointillées et maculées qui en bigarrent quelques-uns. Les anomalies qui ont lieu dans l’organisation des utricules, peuvent permettre une plus grande affluence de sucs propres ou la restreindre au point de modifier, en plus ou en moins, la réflexion ou l’absorption de la lumière ; de là, les accidents panachés qu’on voit se déclarer inopinément.

C’est ainsi que se sont produites les variétés panachées dans la bergamotte suisse, le bon-chrétien d’hiver, le Saint-Germain, etc., dans quelques raisins et dans quelques pommes. C’est aussi inopinément que s’est manifesté l’accident qui a donné naissance à la poire qui nous occupe. Les panachures qui affectent les fruits, se conservent identiques au moyen de la greffe, qu’il faut toujours prendre sur les rameaux qui les portent, car les rameaux voisins peuvent ne pas en être pourvus. Il n’en est pas de même dans les plantes annuelles, qui, en se reproduisant de graines, varient à l’infini.

Nous nous contenterons de l’aperçu que nous venons d’exposer sur ce phénomène, parce qu’il faudrait, pour y donner tout le développement qu’il comporte, et qui peut-être ne le rendrait pas plus clair, un espace dont nous ne pouvons disposer. Ce que nous affirmerons, sans crainte de nous tromper, c’est que le hasard est le plus grand inventeur des panachures, comme il l’est des variétés.

L. de Bavay.