Annales de pomologie belge et étrangère/Mûrier noir




Mûrier noir.

(Morus nigra) (Lin.).

Arbre de 7 à 14 mètres, selon le climat et la nature du terrain, se formant en tête plus ou moins arrondie, à branches et rameaux tortueux et à bourgeons courts et serrés. Feuilles pétiolées, cordiformes, aiguës, dentées, glabres et rudes en dessus, pubescentes en dessous, entières ou quelquefois lobées ou découpées. Chatons solitaires ou par deux ou trois ensemble, de forme oblongue, à axe et calices pubescents, dans les fleurs mâles ; ovales, à courts pédoncules, dans les fleurs femelles. Fruits ovales-oblongs, de grosseur variable, d’un pourpre-noirâtre, dont la saveur mucilagineuse, sucrée et acide, est assez agréable. Les fleurs paraissent en juin et les fruits mûrissent successivement de juillet en septembre.

Le mûrier noir est originaire de la Perse, mais l’époque de son introduction en Europe est inconnue, puisque les auteurs anciens n’en font aucune mention. Il a probablement été importé par la Grèce et l’Italie, d’où les Romains l’auront apporté dans les Gaules à une époque qu’on ignore également.

Les poëtes de l’antiquité ont dit que son fruit a été blanc. D’après Ovide (Métamorphoses, livre IV), c’est depuis que Pyrame s’est donné la mort au pied d’un mûrier que ses fruits, arrosés par une pluie de sang, sont devenus noirs, et que sa racine ensanglantée a donné la couleur de pourpre à la mûre qui pend à ses rameaux.

Les mûres fraîches étaient en usage à Rome, où on les mangeait au commencement des repas, et l’on en faisait une préparation médicale, espèce de panacée universelle, à laquelle on attribuait la vertu de guérir tous les maux.

De notre temps, on les mange fraîches pendant tout le mois d’août. Elles sont rafraîchissantes et un peu astringentes, de même que le sirop que l’on prépare avec parties égales de sucre et de mûres noires cueillies avant leur parfaite maturité. Ce sirop s’emploie en gargarismes, comme spécifique contre les maux de gorge. Étendu d’eau, il forme une boisson que l’on administre dans les fièvres bilieuses.

L’écorce du mûrier est noire-acre et amère ; on peut en faire des cordes et du papier. Pline a vanté sa propriété purgative ou vermifuge ; mais la médecine moderne n’en fait aucun usage.

Ses feuilles sont, dit-on, employées en Sicile et en Calabre pour la nourriture des vers à soie dont on veut obtenir un fil plus grossier mais plus solide.

Son bois, qui, au dire de Pline, noircit en vieillissant, s’emploie à des ouvrages de menuiserie et de tour. Il y a quelques années qu’à Londres, à la vente de la veuve du médecin Garrick, un vase de ce bois, sculpté et monté en vermeil, fut vendu 600 francs, et un fauteuil sculpté et fait du même bois, atteignit le prix de 3, 800 francs. Il convient d’ajouter que ces objets provenaient du bois d’un mûrier planté par Shakspeare.

Le mûrier noir est presque toujours relégué dans les basses-cours, où il trouve un abri contre les vents du nord et un terrain mêlé de décombres, ce qui lui convient parfaitement. On le laisse croître en liberté, en le débarrassant seulement du bois mort ; on ne le taille que pour le rajeunir ou lorsque ses fruits ont perdu leur qualité.

Il y a des mûriers dont les récoltes sont alternes, c’est-à-dire très-abondantes une année sur deux.

On reconnaît facilement l’année d’abondance au grand nombre de fleurs femelles et à la rareté des fleurs mâles.

Les mûriers noirs d’une certaine force, qu’on lève dans les pépinières, sont d’une reprise assez difficile, s’ils n’y ont subi quelques transplantations préalables. C’est pourquoi il est bon de pratiquer des trous assez grands et de les y planter, en remblayant avec des détritus de couche ou d’autres terres légères et substantielles.

L. de Bavay.