Agnès de Navarre-Champagne - Poésies, 1856.djvu/Rondeaux

Poésies d’Agnès de Navarre-Champagne, dame de Foix
Texte établi par Prosper Tarbé (p. 3-8).


RONDEAUX.



i.

  Celle qui onques ne vous vit (1)
  Et qui vous aime loyalment,
  De tout son cuer vous fait présent,
  Et dit qu’à son gré pas ne vit
  Quant veoir ne vous peut souvent :
  Celle qui onques ne vous vit
  Et qui vous aime loyalment.
Quar, pour tous les biens que de vous dit
  Tout lè mondes communément,
  Conquise l’avez bonnement :
  Celle qui onques ne vous vit
  Et qui vous aime loyalment,
  De tout son cuer vous fait présent.


ii.

  Amis, venez vers moy seurement (2),
Quar il n’est riens où tant mes fins cuers tende.
  Veus serez très amoureusement ;

  Amis, venez vers moy seurement.
  Ce vous jure et premet loyalment,
Que pour vos maulz faut que joye vous rende.
  Amis, venez vers moy seurement ;
Quar il n’est riens où tant mes fins cuers tende.


iii.


  Très doulz amis, quant je vous voy,
  Tout faites mon cuer resjouïr :
  Nulle doleurs ne maint en moy,
  Très doulz amis, quant je vous voy.
  Et il n’est tristesse, ne anoy,
  Ne meschief qui me peult venir,
  Très doulz amis, quant je vous voy,
  Tout faites mon cuer resjouïr.


iv.


Amis, vois bien que tu perds tous déduis(3),
Pour ce qu’il faut que face ceste voie :
Dolente sui, quant si po te déduis,
Amis, vois bien que tu perds tous déduis.
Mais au retour, si Dieu plait et je puis,
  Je te donrai paix, solas et joie :
Amis, vois bien que tu perds tous déduis,
Pour ce qu’il faut que face ceste voie.


v.

  Amis, si Dieu me confort,
  Vous arez le cuer de mi


   Qui sur tout vous aime fort,
   Amis, si Dieu me confort.
   Or laissiez tout desconfort,
   Car vous l’avez sans demi.
   Amis, si Dieu me confort,
   Vous arez le cuer de mi.


vi.


Sans cuer de moi pas ne vous partirez (4),
Ainsois arez le cuer de vostre amie.
Car en vous yert, partout où vous serez :
Sans cuer de moy pas ne vous partirez.
Certaine suy que bien le garderez,
Et li vostre me fera compagnie.
Sans cuer de moi pas ne vous partirez ;
Ainsois arez le cuer de vostre amie.


vii.


Vostre langueur sera par moi sanée (5),
Très doulz amis, que j’aim sans repentir,
Si moi laissiez et amour convenir ;
Je vous le jur comme amie et amée,
Vostre langueur sera par moi sanée.
Si me devez tenir pour excusée,
Car il me faut malgré mi obéir ;
Mais je tenrai convent en revenir ;
Vostre langueur sera par moi sanée,
Très doulz amis, que j’aim sans repentir,
Si moi laissiez et amour convenir.

— 6 —

VIIL

Autre de vous jamais ne quiers amer,
Très doulz amis, qui j’ai donné m’amour.
Car à mon gré je ne puis miex trouver,
Autre de vous jamais ne quiers amer.
Et si sai bien5 sans le plus esprouver,
Que vostre cuer fait en moi son demour.
Autre de vous jamais ne quiers amer,
Très doulz amis, qui j’ai donné m’amour.

Merveille fu que mon cuer ne parti (6)
Quant de moi vi mon doulz ami partir ;
Car tel doleur unques mais ne senti,
Merveille fu que mon cuer ne parti.
Tant com je pos de regart le suivi,
Mais en po d’eure ne le pos plus veyr.
Merveille fu que mon cuer ne parti
Quant de moi vi mon doulz ami partir.

As

L’amour de vous qui en mon cuer remaint,
Très doulz amis, jamais ne peut estaindre.
Car sans cesser en ma pensée maint
L’amour de vous qui en mon cuer remaint.
Et nulle rien n’est qui tant mon cuer taint :
Si croist adès que jamais n’yert maindre
L’amour de vous qui en mon cuer remaint,
Très doulz amis, jamais ne peut estaindre.

7 —

Xï.

Très doulz amis, j’ai bonne volenté
De vous donner joie et paix et mercy,
Et d’acroistre vos bien et vos santé,
Très doulz amis, j’ai bonne volenté.
Car dedans vous ai mon fin çuer enté,
Pour ce que voi qu’il me veut à mercy
Très doulz amis, j’ai bonne volenté
De vous donner joie et paix et.mercy.

xn.

Pour vivre en joieuse vie (7),
J’ai mis mon cuer en amer,
Le meilleur qu’on puist trouver,
Si n’ai fait point de folie,

Nulz ne m’en doit blasmer :
Pour vivre en joieuse vie
J’ai mis mon cuer en amer.
Et quant jeunesse m’en prie,
amour le vuelt commander,
Je ne m’en doi descorder j
Pour vivre en joieuse vie,
J’ai mis mon cuer en amer,
Le meilleur qu’on puist trouver.

xm.

Amis, comment que m’aiez en oubli (8)b
Ne suy je pas vers vous fausse ne double.

— 8 —

Le désir, qu’ay de vous veoir, double y,
Amis, comment que m’aiez en oubli.
Certes voyez qu’onques ne vous oubli,
Dont vraie amour en moy s’avive et double
Amis, comment que m’aiez en oubli >
Ne. suy je pas vers vous fausse ne double.

xiv.

Puisqu’en oubli suy de vous, dous amis (9),
Vie amoureuse et joie à Dieu commant.
Marri le jour que m’amour en vous mis,
Puisqu’en oubli suy de vous, dous amis.
Mais ce tenray que je vous ay promis,
C’est que jamais n’aray nul autre amant.
Puisqu’en oubli suy de vous, dous amis,
Vie amoureuse et joie à Dieu commant.

xv.

Cinq, sept, douze, un, neuf, onze et vint (10)

M’a de très fine amour esprise,

Dès qu’à ma congnoissance vint

Cinq, sept, douze, un, neuf, onze et vint.

Je suis sienne, il tout miens devint

Pour sen renom que chacuns prise ;

Cinq, sept, douze, un, neuf, onze et vint

M’a de très fine amour esprise.

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