Action des rayons β de (204)Tl et de (90)Sr sur les films photographiques ordinaires
On sait que la masse d’une feuille mince quelconque peut être mesurée, dans la plupart des cas, avec une précision de l’ordre de 1 %, par la méthode d’absorption des particules β émises par un radioélément convenable. Ce procédé est couramment utilisé dans l’industrie, par exemple dans les fabriques de papier, pour contrôler sans contact direct l’épaisseur de la matière en cours de fabrication. Or, une telle méthode paraît devoir être exclue pour déterminer l’épaisseur d’émulsion des films photographiques, sous peine de les voiler. A notre connaissance, il n’existe pas de méthode industrielle pour effectuer avec précision ce genre de mesures. Jusqu’ici on s’est contenté de régler l’épaisseur de la couche sensible par la vitesse de consommation de la matière humide déposée sur le support d’acétate de cellulose. Cependant, on sait que dans un film ordinaire à couche d’émulsion mince, chaque grain de bromure d’argent doit, pour devenir développable, absorber un certain nombre de particules β. Il semble donc qu’en exposant les grains pendant un temps assez court, on puisse appliquer la méthode d’absorption sans risquer de voiler le film et le rendre ainsi inapte aux usages courants.
A l’aide d’un système de poulies entraînées par un petit moteur, nous avons réalisé un montage analogue à celui utilisé dans l’industrie pour faire défiler le film à une vitesse constante devant une source radioactive. La vitesse minimum a été réglée à 6, 6 cm/s, ce qui correspond aux vitesses couramment adoptées dans l’industrie photographique : de 4 à 10 m/mn.
Nous avons utilisé deux émetteurs de rayons β purs, le (204)Tl et le (90)Sr d’énergie maximum différente, chacun d’eux d’intensité égale à 5 mc. Chaque source était déposée sur un support en laiton de 7 cm de diamètre. La distance entre l’émetteur et le film a été maintenue à 2, 5 cm. Deux séries de films ont été étudiées : l’une dite « Panchro Studio », dont la sensibilité est de 33 degrés Scheiner environ ; l’autre dite « Radio normal », beaucoup plus sensible à l’action des électrons.
Pour chaque pose, nous avons déterminé au centre du film une zone témoin définie par une pastille de Pb qui arrêtait complètement les particules β. Après développement, nous avons enregistré les densités optiques par rapport à celle de la zone témoin à l’aide d’un microphotomètre.
Pour la série des films « Panchro Studio », les courbes d’enregistrement montrent qu’aucune modification apparente n’est produite par l’action de l’une ou l’autre source, dans les conditions définies ci-dessus. Par contre, les films « Radio normal » dont la richesse en grains de bromure d’argent est beaucoup plus grande, ont été légèrement impressionnés.
En diaphragmant la source par deux fentes de 6 mm de hauteur et de 9 cm de largeur, nous avons étudié les densités optiques en fonction du temps d’exposition. Nous donnons ci-contre les courbes caractéristiques des films « Panchro Studio ». La courbe I est obtenue par le (204)Tl et la courbe II par (90)Sr. Comme dans le cas de particules monocinétiques, la source ayant la plus faible énergie maximum a produit un noircissement plus marqué du film. Il est à noter que pour le (204)Tl dont l’énergie maximum est de 0, 78 meV, la courbe obtenue coïncide avec celle donnée par E. S. Jetter et H. Blatz[2] qui utilisent des électrons monocinétiques de 0, 8 meV, bien que ces auteurs aient employé des films d’une marque différente.
D’après les expériences ci-dessus, nous pouvons conclure qu’il est possible de contrôler l’épaisseur d’émulsion des films ordinaires par la méthode d’absorption des particules, d’ailleurs nos essais ont été effectués sur des films secs, alors que les films en cours de fabrication présentent, du fait de leur humidité, une sensibilité encore moindre à l’action du rayonnement. Remarquons que la formation d’images latentes dues à cette action accroît la sensibilité, mais il n’en résulte aucun inconvénient si l’on se borne ultérieurement aux usages courants de la photographie.
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