Actes et Paroles volume1 Notes Secours aux artistes



Actes et parolesJ. Hetzel & Cie1 (p. 223-224).


NOTE 7

secours aux artistes
3 avril 1849.

Le discours sur les encouragements dus aux arts, prononcé par M. Victor Hugo, le 11 novembre 1848, fut combattu, notamment par l’honorable M. Charlemagne, comme exagérant les besoins et les misères des artistes et des lettrés. Peu de mois s’écoulèrent, la question des arts revint devant l’assemblée le 3 avril 1849, et M. Victor Hugo, appelé à la tribune par quelques mots de M. Guichard, fut amené à dire :

Les besoins des artistes n’ont jamais été plus impérieux. Et, messieurs, puisque je suis monté à cette tribune, — c’est l’occasion que M. Guichard m’a offerte qui m’y a fait monter, — je ne voudrais pas en descendre sans vous rappeler un souvenir qui aura peut-être quelque influence sur vos votes dans la portion de cette discussion qui touche plus particulièrement aux intérêts des lettres et des arts.

Il y a quelques mois, lorsque je discutais à cette même place et que je combattais certaines réductions spéciales qui portaient sur le budget des arts et des lettres, je vous disais que ces réductions, dans certains cas, pouvaient être funestes, qu’elles pouvaient entraîner bien des détresses, qu’elles pouvaient amener même des catastrophes. On trouva à cette époque qu’il y avait quelque exagération dans mes paroles.

Eh bien, messieurs, il m’est impossible de ne pas penser en ce moment, et c’est ici le lieu de le dire, à ce rare et célèbre artiste qui vient de disparaître si fatalement, qu’un secours donné à propos, qu’un travail commandé à temps aurait pu sauver.

Plusieurs membres. — Nommez-le !

M. Victor Hugo. — Antonin Moine.

M. Léon Faucher. — Je demande la parole.

M. Victor Hugo. — Oui, messieurs, j’insiste. Ceci mérite votre attention. Ce grand artiste, je le dis avec une amère et profonde douleur, a trouvé plus facile de renoncer à la vie que de lutter contre la misère. (Mouvement.)

Eh bien ! que ce soit là un grave et douloureux enseignement. Je le dépose dans vos consciences. Je m’adresse à la générosité connue et prouvée de cette assemblée. Je l’ai déjà trouvée, nous l’avons tous trouvée sympathique et bienveillante pour les artistes. En ce moment, ce n’est pas un reproche que je fais à personne, c’est un fait que je constate. Je dis que ce fait doit rester dans vos esprits, et que, dans la suite de la discussion, quand vous aurez à voter, soit à propos du budget de l’intérieur, soit à propos du budget de l’instruction publique, sur certaines réductions que je ne qualifie pas d’avance, mais qui peuvent être mal entendues, qui peuvent être déplorables, vous vous souviendrez que des réductions fatales peuvent, pour faire gagner quelques écus au trésor public, faire perdre à la France de grands artistes. (Sensation.)