Académie des sciences – Séance hebdomadaire/11

22 septembre 1873

29 septembre 1873

6 octobre 1873

ACADÉMIE DES SCIENCES
Séance du 29 septembre 1873. — Présidence de M. Bertrand.

Le pouls redoublé. — Le pouls redoublé, que présentent certains malades, n’est que l’exagération de l’état physiologique récemment découvert, comme nous l’avons dit, par M. Bouillaud, et en vertu duquel le pouls doit être comparé à un instrument d’hydraulique à quatre temps. Laissant de côté, au moins pour le moment, l’explication de cette faculté nouvelle des artères de posséder un vrai mouvement de systole, l’auteur étudie aujourd’hui les principaux traits des phénomènes qu’il signale. Il montre surtout comment ce phénomène jette du jour sur la variation que présente la circulation chez les divers sujets où on peut l’étudier. Ces variations, connues depuis longtemps se rapportent à la vitesse, à la force et au rhythme. — On sait que la vitesse des pulsations est extrêmement différente chez les diverses personnes ; mais il y a lieu de remarquer combien ces différences doivent être prises en considération dans le diagnostic des maladies. Par exemple, on peut trouver des malades atteints de fièvre typhoïde et n’offrant cependant que 72 pulsations, c’est-à-dire la vitesse normale moyenne. Or on reconnaît qu’à l’état physiologique, ces sujets ne représentent que 40 pulsations, parfois beaucoup moins, comme ce meunier, cité par M. Bouillaud, et dont le pouls ne battait que 32 fois par minute. — Ces mêmes variations se retrouvent par la force des pulsations, et la cause en est la même que précédemment, c’est-à-dire qu’elle tient à l’hypertrophie des artères. — Enfin, le rhythme offre des modifications qu’on ne peut expliquer sans supposer certaines lésions du système nerveux, M. Bouillaud va même plus loin et admet l’existence d’un centre nerveux spécial affecté à la coordination des mouvements circulatoires.

Action de la chaleur sur le virus charbonneux. — Pour arriver, d’une manière rationnelle, à un traitement propre à la guérison de la pustule maligne, M. Davaine étudie d’abord l’influence de divers agents sur le virus charbonneux. Il commence par la chaleur et, comme réactif, il emploie un lapin dans les veines duquel il injecte du sang infecté et préalablement additionné d’eau. Après avoir constaté l’action toxique d’une pareille injection, l’auteur soumet le liquide virulent à une température progressivement croissante. À 52 degrés, les propriétés actives de la substance sont absolument anéanties et l’injection peut se faire sans danger. Ce résultat est d’autant plus intéressant qu’il ne se répète pas à l’égard de certains autres virus analogues. Ainsi le virus septicémique peut être soumis à une ébullition prolongée sans perdre quoi que ce soit de son activité. Quoiqu’il en soit, et pour en revenir au charbon, on voit que la cautérisation peut être remplacée par réchauffement à un degré tout à fait supportable. Ainsi M. Davaine, ayant inoculé le virus dans l’oreille d’un lapin, a pu le détruire en soumettant cette oreille, dans l’eau, à une température de 52 degrés ; mais pour que le succès se produise, il faut que la circulation soit arrêtée dans la partie en traitement, car elle s’opposerait à un échauffement suffisant, et dans ce cas on s’expose à voir périr la région privée du liquide nourricier. Peut-être les observations de M. Davaine conduiront-elles à certaines prescriptions dans les cas de rage.

Le goître et le sulfate de chaux. — Un régiment arrivant à Saint-Étienne, 250 hommes sont subitement pris de goître. Le docteur Bergeret, témoin du fait, l’étudie et arrive à des conséquences extrêmement dignes d’intérêt si elles sont légitimes. Il faut dire que ce praticien a antérieurement étudié le goître dans sa patrie d’élection, c’est-à-dire en Valais ; et il a cru reconnaître que cette cruelle maladie est due à la présence du sulfate de chaux dans les eaux. À Lyon, les eaux sont très-séléniteuses. À Saxon, il y avait beaucoup de goître tant qu’on puisait l’eau au-dessous d’une certaine couche de gypse ; depuis qu’on la prend au-dessus la maladie a disparu. — Ceci étant constaté, revenons à Saint-Étienne : ici pas de plâtre dans l’eau, celle-ci est si pure qu’on peut la comparer à de l’eau distillée. Mais M. Bergeret n’en trouve pas moins la confirmation de son système ; suivant lui, en effet, l’urine des soldats malades renferme une quantité inusitée de sulfate soluble et la proportion d’acide sulfurique suit très-exactement la marche de la matière, croissant et diminuant avec elle. Que conclure de là ? D’après l’auteur, que, sous l’influence de la fatigue, les militaires ont fabriqué du sulfate de chaux aux dépens du soufre contenu dans les tissus de leur corps et que, cela fait, ils subissent l’action malfaisante de ce plâtre qu’ils ont fabriqué à si grand’peine, comme ils subiraient celle de gypse apporté par de l’eau. — Comme on voit, cela est très-joli. Mais M. Larrey déclare avoir maintes fois assisté à ces épidémies de goître dans l’armée, et cela, non pas sous l’influence de certaines eaux, mais tout simplement sous l’action mécanique d’un col d’uniforme très-dur qui détermine l’inflammation du corps thyroïde. Le général Morin raconte, à son tour, un cas dont il a été à la fois acteur et spectateur et qui confirme pleinement cette conclusion ; de façon que l’épidémie stéphanaise, malgré les savantes théories de M. Bergeret lui-même, ne paraît pas concerner le goitre, proprement dit, mais une affection beaucoup moins grave, que l’on guérit en desserrant sa cravate et que l’un peut désigner sous le nom de thyroïdite.

Stanislas Meunier.