Académie des sciences, janvier 1833

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Anonyme
Académie des sciences, janvier 1833

ACADÉMIE DES SCIENCES.


JANVIER 1833.


Séance du 7 janvier. — M. Valz, nommé récemment correspondant de l’Académie pour la section d’astronomie, adresse ses remercîmens et communique en même temps quelques détails sur la comète de 6 ans 314 qu’il a observée jusqu’au 25 décembre, époque où elle a cessé d’être visible. Il fait remarquer d’ailleurs que cet astre, dans sa dernière apparition, a toujours été très faible. Il résulte des derniers calculs qu’il a faits, que la diminution de la période est d’environ 5/6 de jour, c’est-à-dire qu’elle est environ 5 fois plus grande que pour la comète de 3 ans 3/10. Les différences sur l’inclinaison, le nœud et le périhélie vont de 2′ à 7′ seulement.

M. Persoz, à l’occasion de la communication faite dans la précédente séance, relativement à la fabrication de l’outremer artificiel, déclare qu’un paquet cacheté qu’il avait déposé, il y a quelques mois, à l’Académie contient la description d’un procédé pour fabriquer l’outremer, des échantillons de ce produit obtenu par lui, et des matières nécessaires pour le former. Il annonce qu’il a présenté à M. Biot, en juin 1831, des spécimens de son outremer artificiel, et que, dès le mois de mars de la même année, il avait communiqué son procédé à M. Thénard.

M. Biot, présent à la lecture de cette lettre, confirme l’assertion de M. Persoz en ce qui le concerne, et dépose un flacon d’outremer d’une très belle nuance obtenue par ce jeune chimiste. M. Thénard se trouve en ce moment hors de la salle et ne peut joindre son témoignage à celui de M. Biot.

La lettre de M. Persoz contient en outre l’indication de divers autres travaux dont un, relatif à l’analyse de diverses substances tinctoriales, a conduit l’auteur à regarder, contre l’opinion de M. Robiquet, la matière colorante du chaya-ver comme essentiellement différente de celle de la garance. Un autre a rapport à un procédé pour séparer, dans les résidus de platine, l’osmium de l’iridium.

M. Pelletan adresse une communication relative aux effets dynamiques d’un jet de vapeur, et aux moyens d’en faire une application simple et peu coûteuse aux arts industriels.

La force élastique de la vapeur, dit M. Pelletan, a été jusqu’ici employée en pression, et ce mode d’application d’une part exigeait des machines compliquées, nécessairement très dispendieuses, de l’autre entraînait une grande perte de puissance par suite des frottemens toujours très considérables dans de pareilles machines. La vapeur en mouvement, au contraire, produit tout son effet dans des machines si simples, que désormais on pourra faire fonctionner avec le feu du ménage une machine à vapeur de la force d’un homme. En détaillant ainsi la force de la vapeur, on la mettra à la portée des moyens pécuniaires de l’ouvrier, qui en tirera directement parti pour augmenter le produit utile de sa journée, tandis que dans les divers systèmes d’application qu’on en avait jusqu’à présent, elle ne servait qu’à augmenter les avantages des grands capitalistes.

L’auteur indique plusieurs applications de la vapeur, pour remplacer les fourneaux d’appel dans la conduite de la fumée, faire le vide dans les ateliers d’évaporation, remplacer les soufflets dans les forges, etc.

Ces propriétés du jet de vapeur, dit M. Pelletan, ont été découvertes et appliquées par moi dès 1829, et je les ai consignées dans une note adressée à l’Académie des sciences : ainsi les Anglais n’ont point droit à prétendre à la priorité, dans l’application qu’ils viennent de faire de ce moyen aux voitures à vapeur.

M. Pelletan se sert encore du jet de vapeur comme d’un moteur pour la navigation : un bâtiment sur lequel on fait à Cherbourg l’application de ce principe a déjà fait trois nœuds et demi avec une machine qui ne représente qu’un dixième de la machine d’un autre bateau à vapeur qui fait sept nœuds et demi. On augmentera la vitesse en augmentant la force de la machine ; on fait maintenant pour cela les préparatifs nécessaires. La machine est à réaction ; placée au-dessous de la flottaison et à l’abri du boulet, elle dispense des roues à aubes et de toute pièce extérieure ; elle occupe très peu de place, et l’on calcule que son poids ne sera pas au-dessus du dixième du poids du chargement total que peut recevoir le bâtiment.

M. Leuret annonce qu’il a rédigé un mémoire contenant l’exposé de ses découvertes sur la structure du cerveau ; il demande à être admis à le lire le plus promptement possible.

Le nombre des personnes inscrites pour lecture de mémoires ne permettait pas d’accorder de long-temps la parole à M. Leuret, il sera invité à déposer son mémoire qu’on renverra à l’examen d’une commission.

M. Chevreul fait, en son nom et celui de M. Dumas, un rapport très favorable sur le mémoire de MM. Robiquet et Lagier, relatif à la comparaison des principes colorans de la garance et du chaya-ver.

M. Cossaz lit un mémoire sur les inconvéniens qui résultent, pour l’étude de la géographie physique, de l’usage qu’ont les savans des différentes nations d’exprimer les hauteurs des lieux au-dessus du niveau de la mer, chacun suivant le système de mesure adopté dans son pays. L’auteur pense qu’on pourrait convenir d’une unité de mesure qui serait la même pour tous, et il pense qu’on éviterait les résistances qui pourraient provenir de l’amour-propre, et empêcheraient d’adopter notre mètre, par exemple, en prenant une autre fraction des dimensions du globe terrestre, laquelle ne serait pas plus mesure française que russe, anglaise ou italienne ; il propose, en conséquence, de prendre pour unité la cent millième partie du diamètre de la terre. Il donne à cette mesure le nom de stège, et la divise, suivant le système décimal, en décistège et centistège.

On ne peut guère espérer, quand on voit les nations éclairées de l’Europe s’obstiner à compter les longitudes chacune d’un premier méridien différent, malgré l’incommodité perpétuelle qui en résulte, qu’elles s’entendront pour adopter une commune mesure destinée à exprimer les hauteurs au-dessus du niveau de la mer, puisque ces hauteurs, quoique fort importantes à considérer dans beaucoup de cas, sont cependant de trois élémens à l’aide desquels on détermine la position d’un lieu sur la surface du globe, celui dont on a le moins souvent besoin.

L’Académie procède à la nomination d’un vice-président pour l’année 1833. M. Lacroix, qui a terminé son année de présidence, cède le fauteuil à M. Geoffroy Saint-Hilaire, vice-président de l’année précédente. Sur quarante-six votans, M. Gay-Lussac obtient trente suffrages, et est déclaré élu.

Séance du 14 janvier. — L’Académie procède à l’élection d’un nouveau membre pour la place devenue vacante, dans la section de chimie, par la mort de M. Chaptal. Au second tour de scrutin, M. Robiquet réunit trente-un suffrages, et est déclaré élu. Sa nomination sera soumise à l’approbation du roi.

M. Geoffroy Saint-Hilaire fait un rapport verbal très favorable sur un ouvrage de M. Ménétrier, conservateur du muséum zoologique de Saint-Pétersbourg. L’ouvrage a pour titre : Catalogue raisonné des objets d’histoire naturelle, recueillis dans un voyage au Caucase exécuté par ordre de l’empereur de Russie.

M. Biot lit, en son nom et celui de M. Persoz, un mémoire sur les modifications que la fécule et la gomme éprouvent sous l’influence des acides. Comme, pour constater ces modifications, les auteurs se sont servis d’un moyen proposé par M. Biot, dans un mémoire antérieur dont nous n’avons fait alors qu’indiquer le titre, nous devons, avant d’aller plus loin, dire comment un caractère optique peut fournir des données sur les changemens qui se produisent dans l’état moléculaire d’une substance organique.

Lorqu’un rayon de lumière simple est réfléchi spéculairement par une surface polie non métallique, et sous un certain angle, qui est constant pour chaque substance, mais variable de l’une à l’autre ; si on l’analyse au moyen d’un prisme achromatique, doué de la double réfraction, on le voit manifester, tant à droite qu’à gauche du plan suivant lequel il a été réfléchi, des propriétés symétriques. Il est, comme on le dit, polarisé suivant ce plan.

La symétrie n’est point détruite lorsque le rayon, avant d’être analysé, traverse un cristal à un axe optique, suivant la direction de cet axe. La seule exception a lieu dans le cas où le cristal interposé est un cristal de roche ; dans ce cas, quoique le trajet du rayon se fasse suivant l’axe optique même, où toute action dépendante de la double réfraction est nulle, la symétrie primitive du rayon est détruite, et le plan de polarisation primitif est dévié, soit vers la droite soit vers la gauche de l’observateur, d’un angle proportionnel à l’épaisseur de la plaque. Ce mouvement angulaire, cette rotation ainsi imprimée aux plans de polarisation primitifs des rayons lumineux, constitue ce que l’on a nommé la polarisation circulaire. C’est dans le cristal de roche que les premiers phénomènes de la polarisation circulaire ont été signalés, en 1811, par M. Arago ; et ce cristal est encore, de toutes les substances inorganiques la seule connue, jusqu’à présent, comme produisant cette polarisation. Parmi les substances organiques, certaines aiguilles, avons-nous dit, opèrent la rotation à droite, d’autres l’opèrent à gauche ; mais les unes et les autres le font avec une énergie sensiblement égale. Ainsi, si l’on interpose dans le trajet du rayon lumineux deux plaques d’égale épaisseur et douées d’affections contraires, l’un détruit entièrement l’effet de l’autre, et la déviation est nulle. Si l’épaisseur est inégale, la déviation a lieu dans le sens de la plus forte plaque, et est précisément celle que produirait une plaque dont l’épaisseur serait égale à la différence des deux plaques employées.

M. Biot a reconnu que certains liquides produisent également le phénomène de la polarisation circulaire, et même qu’ils offrent entre eux, sous ce rapport, l’opposition qu’on remarque entre les diverses aiguilles de cristal de roche, les unes opérant la déviation vers la droite, les autres vers la gauche. On voit de même leurs actions se compenser lorsque, étant d’affections contraires, ils sont combinés suivant des épaisseurs réciproques à leurs énergies. Ce qui est très remarquable, c’est que la compensation a encore lieu lorsque les deux liquides, au lieu d’être placés dans le trajet du rayon lumineux, l’un à la suite de l’autre, sont mêlés dans un même tube, du moins quand leur mélange ne donne pas lieu à des réactions chimiques qui en altèrent la constitution.

Une autre observation non moins curieuse, c’est que, si après avoir constaté l’angle de déviation produit par l’interposition d’une certaine colonne liquide douée du pouvoir rotatoire, on augmente la longueur de cette colonne liquide par le mélange d’autres fluides tels que l’eau, l’éther ou l’alcool, dont l’action propre est sensiblement nulle, on trouve après ce changement l’angle de rotation exactement le même qu’auparavant ; d’où il résulte évidemment que l’action exercée par les liquides dont il s’agit n’est point une action de masse, mais une action moléculaire, c’est-à-dire exercée par leurs dernières particules et uniquement dépendante de leur constitution individuelle, sans aucune relation avec les positions de ces particules entre elles ni avec leur mutuelle distance.

Les liquides reconnus par M. Biot, comme produisant la polarisation circulaire, étaient jusqu’ici en très petit nombre, ce qui tenait à la nature même des caractères que ce physicien employait pour reconnaître l’existence de la rotation. Depuis il en a trouvé de beaucoup plus sensibles qui sont des conséquences mathématiques des lois qu’il avait établies précédemment, et il a pu constater ainsi le pouvoir de rotation dans un très grand nombre de substances où il n’avait pas cru jusqu’alors qu’il existât.

Dans le premier mémoire dont nous parlons, M. Biot, après avoir exposé les méthodes qu’il emploie pour observer ces phénomènes, les mesurer, les soumettre au calcul et en déduire le pouvoir rotatoire moléculaire de chaque substance, passe aux applications et étudie successivement les différentes classes de corps naturels qui produisent ces phénomènes. Quelques exemples suffiront pour montrer quel avantage on peut tirer dans les recherches de chimie organique des indications fournies par la polarisation circulaire. Proust et presque tous les chimistes après lui, ont considéré comme identiques, les camphres qui se tirent des laurinées et ceux qu’on obtient des labiées. Cependant les premiers exercent la rotation vers la droite, et les autres dans le sens opposé ; c’est donc déjà un moyen de les distinguer, c’est aussi une raison de soupçonner que leurs modes d’action sur l’économie animale pourraient bien différer, et qu’ainsi on se serait trop hâté en avançant qu’ils pouvaient être indifféremment employés en thérapeutique.

La gomme arabique est considérée par les chimistes comme très voisine par sa composition des matières sucrées ; toutefois on reconnaît entre elles certaines dissimilitudes, et le caractère optique dont nous parlons suffirait seul pour l’indiquer : la gomme se distingue nettement des sucres en ce qu’elle opère la déviation à gauche quand les sucres l’opèrent à droite. Ceux-ci à leur tour se différencient par l’inégalité qu’on remarque dans l’angle de rotation produit, toutes choses égales d’ailleurs. Les chimistes ont trouvé que le miel des abeilles est un mélange de deux produits : l’un, incristallisable et analogue aux gommes par son apparence ; l’autre, cristallisable et qui présente plusieurs propriétés du sucre. Eh bien ! ce dernier produit opère la rotation à droite comme les sucres, l’autre la rotation à gauche comme les gommes.

Si l’on soumet aux épreuves dont nous parlons les sucs naturels des fruits, on voit que ceux qui peuvent donner du sucre analogue au sucre de cannes, exercent la rotation vers la droite, tandis que ceux qui donneront un sucre analogue à celui de raisin, l’exercent vers la gauche. On a donc ainsi un moyen très direct et très sûr de distinguer les sucs qui appartiennent à une classe de ceux qui se rangent dans l’autre. Mais il y a une remarque importante à faire relativement au sucre de raisin : c’est qu’en se solidifiant, il change brusquement de constitution, et que dans cet acte il prend un état moléculaire tel, qu’il exerce la rotation à droite, même quand on lui rend la liquidité en le dissolvant dans l’alcool ou dans l’eau.

Ce que nous venons de dire suffit pour faire voir comment on peut trouver dans les phénomènes de la polarisation circulaire des indications immédiates non-seulement sur la similitude ou la différence de constitution moléculaire des corps, mais encore sur la variation ou la permanence de cette constitution. M. Biot, ainsi que nous l’avons dit, a eu l’idée de s’en servir pour suivre les modifications successives qu’éprouvent la fécule et la gomme sous l’influence des acides étendus, et c’est l’objet du mémoire dont nous allons maintenant donner l’analyse, mémoire qui lui est commun avec M. Persoz, préparateur de chimie au collège de France.

Le mémoire commence par un résumé des travaux dont la fécule a été l’objet depuis le temps de Leuwenhoeck. Les auteurs insistent particulièrement sur l’importance des résultats obtenus par M. Raspail, et sur l’utilité dont sera désormais pour l’étude des produits organiques l’usage du microscope, usage remis en honneur par ce chimiste qui, marchant sans le savoir dans la même route que l’observateur hollandais, mais soutenu par des connaissances plus étendues sur l’organisation des végétaux et muni d’instrumens plus parfaits, s’y est avancé beaucoup plus loin. M. Raspail avait, entre autres choses, confirmé le fait découvert d’abord par Leuwenhoeck, que les farines ne sont pas des poussières informes telles que celles qu’on obtient communément par la trituration, mais qu’elles consistent en globules transparens, recouverts d’une enveloppe corticale dans laquelle était contenue une substance qu’il considéra comme la matière alimentaire, et dans laquelle il reconnut certaines propriétés qui semblaient la rapprocher des gommes. M. Kirchoff avait vu, en 1811, qu’en faisant bouillir de l’amidon avec un mélange d’eau et d’acide sulfurique, il en résultait une matière gommeuse, laquelle ensuite se transformait en sucre, Il remarqua que ni la gomme ni le sucre ne retenaient absolument rien de l’acide employé. Quelque temps après, M. Théodore de Saussure annonça quelque chose de plus étrange encore : c’est que la quantité de sucre ainsi obtenue était plus grande que la quantité d’amidon employée, et il prouva ce fait par des expériences d’une grande délicatesse et d’une précision qui ne permettait pas de conserver le plus léger doute. Le même observateur se livra plus tard à des recherches sur la décomposition spontanée que l’amidon de blé éprouve à la température atmosphérique, par les seules influences de l’air et de l’eau. Il obtenait par ce moyen, entre autres produits, une portion de la matière gommeuse dont nous avons parlé plus loin. M. Guibourt retira également de l’amidon une certaine quantité de cette substance en n’employant que le moyen mécanique de la trituration pour rompre les enveloppes des grains de fécule.

La science en était à ce point relativement à la fécule, lorsque MM. Biot et Persoz entreprirent de suivre et de déterminer, à l’aide des indications que fournirait la polarisation circulaire, les altérations progressives ou soudaines qui se produisent lorsque cette substance se transforme en sucre sous l’influence des acides. Nous rapporterons une de leurs premières expériences.

Les proportions étaient : fécule de pomme de terre, 500 grammes, eau 1390, acide sulfurique du commerce, 120. L’acide étant mêlé avec une portion d’eau suffisante pour empêcher la violence de son action, on la chauffa jusqu’à l’ébullition, puis on y versa graduellement la fécule étendue avec le reste d’eau. Cette opération ayant refroidi le mélange, on le chauffa progressivement jusqu’à ce que la température fût revenue à 85° centigr. ; à ce point, on le sépara en trois parties, A, B et C. La portion A fut laissée pour refroidir, mais elle se prit en gelée, et il fut nécessaire, pour la rendre constamment liquide, de la faire chauffer de nouveau jusqu’à 90°. B fut chauffé jusqu’à 95° ; C jusqu’à 100°. Ces trois portions furent aussitôt filtrées et passèrent limpides. Une portion de la liqueur C qui avait été portée, comme nous venons de le dire, à 100°, fut séparée du reste, et maintenue à un état d’ébullition pendant deux heures, en y ajoutant progressivement la quantité d’eau nécessaire pour empêcher une trop grande concentration, et fut ramenée, à la fin de l’expérience, à son volume primitif, par une addition ou quantité convenable du même liquide. Cette portion, que nous désignerons par D, fut, ainsi que les trois autres, soumise à l’épreuve de la rotation circulaire. Voici quels furent les résultats :

La portion A, dont la couleur était d’un blanc verdâtre, offrit une rotation à droite, de 66°,083 ; la portion B, ayant même couleur, offrit une rotation également à droite et de 62°,250. Les deux liqueurs A et B, traitées par l’alcool, donnaient un précipité abondant, et dont la proportion était la même. La différence entre leur pouvoir de rotation était, comme on le voit, très petite, et tenait peut-être à des circonstances accidentelles.

La portion C, au contraire, qui, pour la couleur, aurait pu être confondue avec les deux autres, s’en distinguait par une diminution très marquée dans le pouvoir de rotation ; qui n’était plus que de 41°,389, et par la manière dont elle se conduisait avec l’alcool, qui n’y déterminait qu’un précipité à peine appréciable.

La portion D, enfin, qui avait été soutenue deux heures à l’état d’ébullition, se distinguait de toutes les autres par sa couleur d’un rouge foncé, et par un pouvoir de rotation encore moindre, l’angle n’étant plus de 25°,750.

D’autres expériences, faites avec les mêmes proportions d’acide et de fécule, confirmèrent ces résultats, et montrèrent qu’il existe, pour ces proportions, une limite de température comprise entre 90° et 96° où la force rotatoire est plus énergique qu’au-delà de ce terme ; entre 96° et 100°, cette force subit une réduction brusque très considérable ; enfin que l’ébullition, continuée pendant un certain temps, lui imprime une autre réduction qui l’affaiblit encore, après quoi, elle se soutient au même degré d’intensité, quel que soit le temps pendant lequel on entretient l’ébullition, pourvu qu’on remplace à mesure l’eau enlevée par l’évaporation, et que le liquide, à la fin de l’expérience, se trouve ramené à son volume primitif.

Des opérations semblables à celles que nous venons de décrire, mais dans lesquelles les proportions d’acide étaient différentes, ont conduit à ce résultat, que, pourvu qu’à volume égal la quantité d’amidon soit la même, si l’on arrête l’action de l’acide au moment où l’amidon devient liquide, on a une liqueur dont le pouvoir rotatoire est toujours le même, et que, si on la traite par l’alcool, elle donne un précipité dont la proportion à la masse totale est constante.

Il était intéressant de savoir si cette matière précipitée était un produit dû à une combinaison de l’acide sulfurique avec l’amidon, ou si ce n’était que la substance intérieure des globules, rendue libre par une rupture de leurs enveloppes due à l’action de l’acide. Les observations microscopiques et l’examen chimique ont confirmé cette dernière conjecture, et il a été reconnu que non-seulement l’acide sulfurique, mais encore l’acide nitrique, la potasse, l’eau bouillante, produisaient le même effet, de sorte qu’il devenait évident que leur action se réduisait à faire éclater les enveloppes et à mettre en liberté la matière intérieure qui est la seule qui se dissout. Quant aux enveloppes, elles restent sur le filtre où un peu de la matière soluble qui y adhère par sa viscosité les réunit en masse ; des lavages répétés débarrassent ces enveloppes du reste de la matière soluble, et une ébullition prolongée, les racornit, les ramasse en pelottes, dont quelques-unes sont assez petites pour passer à travers le filtre.

La substance soluble, la substance intérieure et d’apparence gommeuse, a reçu de MM. Biot et Persoz le nom de dextrine, à cause de l’énergie avec laquelle elle dévie à droite les plans de polarisation ; par ce seul caractère optique, elle se distinguerait suffisamment des vraies gommes, qui produisent la rotation en sens contraire ; un caractère chimique non moins précis, celui de ne pas donner d’acide mucique, l’en sépare également.

La dextrine est susceptible de fermentation, mais sa propriété la plus remarquable est la facilité avec laquelle elle passe, sous l’influence des acides faibles, à un autre état moléculaire et se convertit en sucre. Cette transformation, comme on l’a vu dans l’expérience précédemment rapportée, n’exige rien de plus qu’une élévation de quelques degrés dans la température.

Un autre changement qui mérite aussi de fixer l’attention, est celui qu’elle éprouve sous l’influence prolongée de l’eau. Après s’y être dissoute très aisément, elle cesse, après un temps qui varie d’après des circonstances jusqu’ici non appréciées, d’être complètement soluble dans ce liquide ; la portion précipitée et lavée convenablement se redissout dans l’eau chaude sans donner d’empois, ce qui la rapproche de l’inuline ; mais elle diffère de ce principe en ce qu’elle opère, comme la dextrine, la rotation à droite, tandis que l’inuline l’exerce à gauche.

La seconde partie du mémoire de MM. Biot et Persoz est relative à des expériences sur la gomme. Si l’on soumet aux épreuves de la polarisation circulaire une dissolution concentrée de gomme, on remarque qu’elle exerce le pouvoir rotatoire à gauche. Qu’on y ajoute de l’acide sulfurique, il ne se produira d’abord aucun changement appréciable, et le pouvoir rotatoire restera le même ; mais au bout de dix minutes environ, on voit la liqueur se troubler et donner un précipité qui est du sulfate de chaux. La liqueur filtrée et soumise à l’épreuve optique présente encore le même pouvoir rotatoire. Si alors on la chauffe, on voit, lorsque le thermomètre arrive à 40° environ, se former un précipité qui devient plus abondant à mesure que la température s’élève. En prenant des portions de la liqueur à différens points de température, et les soumettant, après les avoir filtrés, à l’épreuve de la polarisation, on s’est assuré que depuis le moment où le précipité se formait, il s’opérait dans la puissance rotatrice du liquide un changement progressif, l’angle de rotation à gauche devenant de plus en plus petit, puis nul, puis enfin se marquant dans le sens inverse et croissant dans ce sens jusqu’au moment où la liqueur, s’échauffant graduellement, atteint une température de 100 degrés, point après lequel l’angle de rotation ne croît plus. L’application de la chaleur, dans cette expérience, ne fait guère autre chose que d’en hâter les résultats, et un mélange d’eau de gomme et d’acide, dans les mêmes proportions, abandonné à lui-même, a offert, après plusieurs mois, le même changement dans le sens de la rotation, et un précipité non moins abondant, quoique plus lent que dans l’expérience à chaud.

La liqueur qui a été portée à l’ébullition, puis filtrée, donne, quand on la traite par l’alcool, un précipité abondant qui, purgé par des lavages convenables de l’acide qui s’y trouvait mêlé, se présente sous la forme d’une masse nacrée, très soluble dans l’eau froide, insoluble dans l’alcool, donnant de l’acide mucique, et jouissant en un mot de toutes les propriétés de la gomme à cela près qu’elle ne donne pas autant d’onctuosité à l’eau, et qu’elle dévie les plans de polarisation dans un sens opposé.

Si au lieu de traiter la liqueur par l’alcool, on se contente de la maintenir en ébullition, ajoutant à propos de l’eau, afin de prévenir la concentration, on obtient, après un certain temps, une liqueur qui ne précipite presque plus par l’alcool, et qui, saturée par le carbonate de chaux, puis filtrée et évaporée, donne un sirop très sucré, qui a la propriété de fermenter comme le sirop de sucre, quoiqu’un peu plus lentement.

Séance du 21 janvier. — M. Mayer adresse un fascicule contenant les figures et la description en latin des préparations les plus remarquables qui se trouvent dans le musée anatomique de Bonn. M. de Blainville en fera l’objet d’un rapport verbal.

M. V. Audouin fait hommage à l’Académie d’un opuscule ayant pour titre : Notice sur Georges Cuvier, membre honoraire de la société entomologique de France. Un fac-simile de la lettre par laquelle M. Cuvier accepte le titre de membre honoraire de la société est joint à la notice.

Le ministre de l’instruction publique demande que l’Académie présente un candidat pour la place de professeur adjoint à la chaire de pharmacie vacante à l’école de pharmacie.

M. Soubeirau, élu candidat de l’école pour cette place, sollicite les suffrages de l’Académie et rappelle ses titres.

On lit un fragment d’une lettre de M. Herschell où se trouve l’indication d’une observation nouvelle sur la double réfraction de la lumière, par M. Hamilton, astronome de Dublin.

M. Poisson annonce que M. Herschell a terminé la rédaction de ses calculs sur les étoiles doubles, et qu’il se prépare en ce moment à partir pour le Cap de Bonne-Espérance, afin de continuer dans l’autre hémisphère ses observations sur cette classe d’astres.

M. Becquerel donne l’indication de quelques nouveaux résultats qu’il a obtenus dans ses recherches sur l’action de petites forces électriques.

Depuis long-temps, dit l’honorable académicien, on s’occupe de déterminer l’action de l’électricité sur les végétaux ; mais les observations qui ont été faites sur ce sujet sont tellement dépourvues de preuves positives, qu’elles n’ont pas pris place dans la science. Davy a essayé aussi de résoudre cette question, en employant des forces électriques énergiques, qui lui avaient servi à faire un grand nombre de découvertes importantes ; mais ses tentatives ne pouvaient qu’être infructueuses, attendu que ces mêmes forces finissent par désorganiser les plantes soumises à leur action.

M. Becquerel a suivi une autre direction, il a appliqué à la végétation les petites forces et les appareils qui lui ont servi à former un grand nombre de produits nouveaux. Le succès a répondu à son attente, et il est parvenu à constater l’influence que peuvent avoir ces petites forces, pour accélérer ou ralentir la végétation des plantes. En faisant cette communication à l’Académie, il annonce qu’il se propose, d’ici à peu de temps, de lui présenter un travail étendu sur cette importante question, dont la solution ne peut manquer d’intéresser les physiciens et les physiologistes, puisqu’elle laisse entrevoir la possibilité de passer de la nature inorganique à la nature organique.

M. Ampère fait une communication relative aux courans qui se produisent dans un fil métallique roulé en hélice autour d’un aimant dont on fait varier la température. Il rappelle que Fresnel avait autrefois reconnu l’existence de courans qui tenaient certainement aussi à une variation dans la température de l’appareil magnétique, mais qu’il ne soupçonna pas la cause à laquelle ils étaient dus. Son appareil se composait d’un aimant autour duquel était enroulé en hélice un fil métallique dont les deux extrémités plongeaient dans un vase d’eau légèrement chargée de sulfate de chaux. Après un certain temps, il trouvait qu’un des bouts du fil était couvert d’un dépôt calcaire, tandis que l’autre bout portait des signes manifestes d’oxidation. Il regarda, avec raison, ces effets comme l’indice d’une décomposition produite dans le liquide par des courans qui se développaient dans le fil sous l’influence de l’aimant. Il répéta l’expérience plusieurs fois et toujours avec le même succès ; l’espace d’une nuit suffisait pour donner des effets sensibles. Cependant la présence du sulfate de chaux dans l’eau lui paraissant compliquer les résultats, il chercha à les rendre plus nets en se servant d’eau distillée. Qu’arrive-t-il alors ? C’est qu’on n’obtint aucun effet. Cela devait être, puisque l’eau distillée n’est pas conductrice. Nous le savons maintenant, mais on l’ignorait alors, et Fresnel, regardant cette dernière expérience comme décisive, crut que dans les précédentes il y avait quelque cause d’erreur dont il ne s’était pas aperçu, et renonça à des recherches qui sans doute l’auraient conduit bientôt à des résultats importans. M. Ampère ne doute point que les effets observés par Fresnel ne fussent dus à des courans déterminés par les variations de température qu’éprouvait l’aimant aux différentes époques de la journée.

L’honorable académicien rappelle encore à cette occasion une observation très curieuse faite, il y a plusieurs années, par M. Savart. Ce physicien ayant fait flotter un barreau aimanté sur un bain de mercure, dont il éleva progressivement la température, vit ce barreau tourner comme l’aiguille d’une montre, mais d’un mouvement bien plus rapide. Quoique ce phénomène ait beaucoup moins d’analogie que celui de Fresnel avec les faits récemment observés par M. Ampère, ce savant ne doute pas qu’on n’arrive plus tard à découvrir la manière dont il s’y lie ; quant à ces derniers faits eux-mêmes, nous n’en parlerons pas maintenant, M. Ampère devant en faire l’objet d’un mémoire qu’il lira prochainement.

M. Geoffroy Saint-Hilaire, président de l’Académie, dépose sur le bureau un mémoire sur les glandes abdominales de l’ornithorhinque dont la détermination comme mammaires fut en Allemagne, et est de nouveau en Angleterre un sujet de contestation.

M. Chevreul, en son nom et celui de M. Dumas, fait sur un mémoire de M. Bussy, relatif à l’examen chimique de la saponaire d’Égypte, un rapport très favorable qu’il termine en ces termes.

« Nous pensons que dans le mémoire que nous venons d’examiner, l’auteur a fait preuve d’habileté, et d’un très bon esprit, en soumettant la matière qu’il a décrite à des expériences dirigées vers un but auquel doivent tendre tous ceux qui se livrent à de pareils travaux, s’ils veulent donner à la science des résultats qu’on ne soit pas continuellement obligé de remanier, de contrôler par de nouvelles épreuves, avant d’en faire usage pour des recherches ultérieures. »

M. Girard fait un rapport verbal aussi très favorable sur un ouvrage ayant pour titre : Code administratif des établissemens dangereux, insalubres ou incommodes ; l’auteur, M. A. Trébuchet, avocat à la Cour royale de Paris, et membre du conseil de salubrité, fait l’histoire des modifications que les progrès des sciences et de l’industrie ont obligé d’introduire successivement dans cette branche de la législation ; son livre renferme une collection des lois et ordonnances relatives à ce sujet, des jugemens portés par les tribunaux dans les cas douteux, des rapports des commissions scientifiques, etc.

Le ministre de l’instruction publique adresse ampliation de l’ordonnance royale qui confirme la nomination de MM. Savary et Robiquet, comme membres de l’Académie.

M. Habasque fait hommage du premier volume de sa Statistique historique, géographique et agronomique du littoral des Côtes-du-Nord.

M. A. Comte présente une nouvelle feuille de son règne animal de Cuvier, distribué en tableaux méthodiques. Cette feuille offre la distribution des oiseaux grimpeurs. L’Académie reçoit de même la deuxième livraison des Illustrations de zoologie, par M. Lesson ; le premier numéro des Archives de botanique, par M. Guillemin ; la seizième livraison de l’ouvrage sur la Morée, par M. Bory-Saint-Vincent et les autres membres de l’expédition scientifique envoyée dans ce pays, etc.

MM. Dumas et Gay-Lussac sont chargés de rendre compte d’un mémoire de M. Felouze sur l’action mutuelle de l’acide phosphorique et de l’alcool.

Un nouvel instrument que l’inventeur, M. de Riquehem, désigne sous le nom de chronoscope solaire, et qu’il présente comme pouvant tenir lieu de cadran horizontal, est renvoyé à l’examen de MM. Bouvard et Mathieu.

L’Académie procède à l’élection d’un académicien libre en remplacement de M. Rosily-Mesros. Les noms des candidats portés sur la liste de la commission par ordre alphabétique sont : MM. Danthouard, Bory-Saint-Vincent, Eyriès, de Rivoli, Séguier. À un premier tour de scrutin, M. Séguier obtient vingt-trois suffrages ; M. Bory, vingt ; M. Danthouard, dix ; MM. Eyriès et de Rivoli, chacun un. Aucun des candidats n’ayant obtenu la majorité absolue, on passe à un second tour de scrutin, dans lequel M. Séguier obtient trente-deux voix, et est déclaré élu.

M. de Freycinet fait un rapport verbal favorable sur un ouvrage de M. le capitaine de vaisseau Letourneur, relatif à la théorie générale de la manœuvre des vaisseaux et autres bâtimens de guerre.

M. de Mirbel fait, en son nom et celui de M. Silvestre, un rapport très favorable sur un mémoire de M. Soulange Bodin, relatif aux greffes herbacées.

Le baron de Tschudy, dans un ouvrage publié en 1819, fit connaître les succès qu’il avait obtenus dans l’opération de la greffe exécutée soit entre des espèces herbacées, soit entre les jeunes pousses d’espèces ligneuses. Ce procédé, entièrement neuf, ne fut pendant plusieurs années mis en pratique que par l’inventeur, et M. Soulange Bodin paraît être le premier, en France, qui ait senti tout le parti qu’on en pouvait tirer. Non content d’avoir constaté par de nombreuses expériences le mérite de cette découverte, il en a accru l’utilité en traitant les greffes herbacées comme on avait coutume de traiter les boutures de certaines espèces réfractaires ; il a obtenu des résultats supérieurs à tout ce qu’il avait pu se promettre d’avance. C’est ainsi qu’il a uni des végétaux toujours chargés de feuilles à des végétaux qui se dépouillent chaque année, des arbres et des arbrisseaux d’orangerie à des arbres et arbrisseaux de pleine terre. Parmi les expériences qu’il a faites, la plus curieuse, peut-être, est celle de la greffe de la tomate sur la pomme-de-terre. Les fruits de la tomate et les tubercules de la pomme-de-terre, provenant des sujets ainsi greffés, furent aussi nombreux, aussi gros, aussi bons, que s’ils fussent nés de pieds francs.

M. Soulange Bodin espère trouver, dans l’emploi du procédé qu’il a perfectionné, le moyen de hâter la fructification de certaines plantes dont les graines venaient trop tard pour mûrir dans nos climats, et faire disparaître ainsi l’obstacle qui s’était opposé jusqu’à présent à la naturalisation de plusieurs espèces utiles.

M. Dumas fait, en son nom et celui de M. Brongniart, un rapport sur un mémoire de M. Gaultier Claubry, relatif aux calcaires nitrifiables des environs de Paris. Dans la première partie de son mémoire, la seule qu’il ait jusqu’à présent communiquée, M. Gaultier Claubry décrit le terrein dans lequel se trouvent les nitrières, et insiste sur les diverses circonstances qui lui paraissent venir à l’appui de l’opinion qu’il s’est formée sur le phénomène de la nitrification. Cette opinion est, suivant lui, pleinement confirmée par les expériences qui font l’objet de la partie non encore communiquée de son travail.

On sait que parmi les chimistes qui se sont occupés du phénomène de la nitrification, les uns considèrent l’intervention de matières animales comme indispensable, tandis que d’autres soutiennent qu’elle est seulement utile ; et M. Gaultier Claubry est au nombre de ces derniers. Ce qui est remarquable, c’est que les nitrières de la Roche-Guyon, qui fournissent à l’auteur du mémoire des argumens en faveur de la doctrine qu’il soutient, ont été également citées, comme fournissant des preuves à l’appui de la doctrine contraire. Cela tient à ce que les phénomènes présentés par les nitrières dont nous parlons, sont équivoques et peuvent être interprétés par chacun dans le sens de l’opinion qu’il a déjà.

À coup sûr, dit le rapporteur, on ne saurait attribuer à la quantité très petite de matières animales que l’analyse découvre dans les craies de la Roche-Guyon la formation presque indéfinie de nitre qu’on voit s’y opérer, mais de ce qu’on reconnaît cette insuffisance, il ne s’ensuit pas qu’on doive admettre, avec l’auteur du mémoire, que ces craies se nitrifient seules et sans le secours des terreins voisins. On ne serait fondé à conclure qu’elles agissent uniquement sur l’air qu’autant qu’on les aurait isolées, mises à l’abri de l’humidité qu’elles empruntent continuellement aux couches voisines. L’immense surface évaporante qu’elles présentent permet de concevoir que l’eau dont le sol voisin est pénétré, et qui renferme en dissolution des produits organiques vient sans cesse les imprégner et y porte les résidus organiques nécessaires à la formation du nitre. En arrivant à la surface, l’eau s’évapore en abandonnant les matières organiques qu’elle avait charriées, et est remplacée par d’autres, qui agissent de même. La couche de craie agit donc à la manière d’une éponge se desséchant à la surface, et reprenant par la capillarité l’humidité aux couches voisines ; ce qui, de proche en proche, fait arriver de loin les matières animales. Cette manière de concevoir la chose rend raison de certains faits, qui, jusqu’à présent, avaient dû embarrasser les partisans de la doctrine dans laquelle on attribue le rôle essentiel aux matières animales : ainsi dans les nitrières dont nous parlons, on voit des cavités creusées par les exploitans et servant de caves, d’écuries ou de pigeonniers, cesser de produire du nitre ; mais on conçoit fort bien que ces cavités sont peu favorables à l’évaporation par leur configuration et quelquefois aussi par la densité du calcaire qui forme leurs parois.

Quelle que soit au reste l’opinion qu’on se forme sur la nature du phénomène, on devra reconnaître, dit le rapporteur, dans le mémoire de M. Gaultier Claubry, des faits exacts et des essais chimiques qui pourront servir un jour à établir la théorie de la nitrification, et nous pensons que l’Académie doit donner son approbation à ce travail, et engager l’auteur à poursuivre ses recherches.

M. Dutrochet lit un mémoire sur la respiration des insectes aquatiques. L’honorable académicien, s’appuyant sur des expériences faites autrefois par MM. Gay-Lussac et de Humboldt, et sur plusieurs qui lui sont propres, expériences qui montrent que si un mélange en proportions variables d’oxigène, d’azote et d’acide carbonique, est renfermé dans un sac organique, à minces parois, qui plonge dans de l’eau aérée, il s’établit entre les gaz dissous dans le liquide, et ceux qui sont contenus dans la cavité, un échange continu, et qui ne s’arrête que lorsque le sac ne contient plus que de l’oxigène et de l’azote dans les proportions où ces deux gaz se trouvent dans l’air atmosphérique. Maintenant les insectes aquatiques qui ne viennent pas puiser à la surface de l’eau l’air, qui sert à leur respiration, sont munis d’appareils superficiels, plongés dans l’eau aérée, où ils exécutent des mouvemens qui accélèrent encore, ainsi que le prouvent les expériences de l’honorable académicien, cet échange des gaz, qui a pour limite la transformation en air atmosphérique le fluide gazeux contenu dans la cavité des trachées ; mais les branchies communiquent librement avec les trachées, et, comme des gaz enfermés dans une même cavité finissent toujours, après un certain temps, par se mêler, quelle que soit la différence de leur pesanteur spécifique, il en résulte que les gaz contenus dans les cavités aériennes des insectes aquatiques sont toujours soumis à une action qui tend à y introduire de l’oxigène en quantité convenable, et à en éliminer en même temps les élémens nuisibles, de manière à leur conserver la composition qui en fait un fluide respirable.