Abdication de Bolivar

PROCLAMATION ET ABDICATION DE BOLIVAR.

La proclamation adressée par Bolivar aux Colombiens contient en substance ce qui suit :

« Après vingt ans consacrés au service de la patrie, je quitte enfin la présidence, et le congrès se réunit pour consolider nos institutions. L’accusation d’aspirer au pouvoir absolu ne m’a pas été épargnée par ceux-là mêmes qui désiraient se partager les lambeaux de l’autorité suprême. Plus d’une fois ils m’ont offert le sceptre de la Colombie, mais j’ai repoussé leur offre avec indignation. Colombiens ! ne vous laissez pas aveugler à votre tour ; réunissez vos efforts à ceux du congrès constituant ; là seulement est l’avenir et l’espoir du peuple ; là doivent converger tous les efforts du patriotisme. Si vous séparez votre pensée de la sienne, les flots déchaînés de l’anarchie ne tarderont pas à submerger votre beau territoire. »

Le message envoyé par le libérateur au congrès n’est qu’une ampliation de la pièce précédente. Bolivar le termine ainsi :

« En vous exprimant ma détermination irrévocable de quitter la présidence, je sais que la sincérité d’une déclaration pareille sera regardée comme suspecte. J’insiste pourtant, et je vous prie de considérer qu’il y va tout autant de votre honneur de ne plus me proposer cette place éminente, que du mien de la refuser désormais. Si vous m’y rappeliez encore, le monde pourrait croire que je ne suis pas étranger à cet événement. Il ne manque pas dans notre patrie de citoyens capables de remplir les devoirs de président, de citoyens qui ne sont pas, ainsi que moi, exposés à la calomnie et accusés d’ambition.

» Il est indispensable qu’un nouveau chef prenne en main la direction des affaires de la république ; car un grand nombre de nos compatriotes veulent savoir si décidément ce poste cessera d’être confié au même homme. Sur l’hémisphère américain comme sur le continent d’Europe, trop de personnes me croient coupable d’arrière-pensées contre la liberté de la Colombie. Hâtez donc votre choix, et qu’un de nos citoyens devienne ce que je ne puis plus être, le point central de la concorde intérieure : ce sera de tout mon cœur que je soutiendrai ce magistrat légitime par l’exemple de mon obéissance, l’appui de mon épée et le concours de l’influence qui m’est acquise.

» Citoyens, il vous reste de grands résultats à conquérir. Les finances réclament vos lumières : la dette nationale est un cancer qui nous ronge. Il est urgent de réorganiser l’armée, d’améliorer l’administration de la justice. L’indépendance, je le dis à notre honte, est encore le seul progrès que nous ayons accompli ; nous ne l’avons obtenue qu’en laissant tout le reste en souffrance : mais elle est la date de tous les perfectionnemens, la première conquête qui force la voie et rend les autres faciles. L’avenir est dans vos mains. »

Quant à la séparation de Venezuela d’avec le reste de la Colombie, Bolivar s’en occupe très-succinctement et conseille aux représentans d’apporter prudence et modération dans l’examen de cette affaire.

Bogota, 20 janvier 1830.