Œuvres posthumes (Verlaine)/Préface de la première édition des Illuminations

PRÉFACE

de la

PREMIÈRE ÉDITION DES ILLUMINATIONS

(1886)


Le livre que nous offrons au public fut écrit de 1873 à 1875, parmi des voyages tant en Belgique qu’en Angleterre et dans toute l’Allemagne.

Le mot « Illuminations » est anglais et veut dire gravures coloriées, — coulourcd plates : c’est même le sous-titre que M. Rimbaud avait donné à son manuscrit.

Comme on va voir, celui-ci se compose de courtes pièces, prose exquise ou vers délicieusement faux exprès. D’idée principale, il n’y en a ou du moins nous n’y en trouvons pas. De la joie évidente d’être un grand poète, tels paysages féeriques, d’adorables amours esquissées et la plus haute ambition (arrivée) de style : tel est le résumé que nous croyons pouvoir donner de l’ouvrage ci-après. Au lecteur d’admirer en détail.

De très courtes notes biographiques feront peut-être bien.

M. Arthur Rimbaud est né d’une famille de bonne bourgeoisie à Charleville (Ardennes) où il fit d’excellentes études quelque peu révoltées. A seize ans, il avait écrit les plus beaux vers du monde, dont de nombreux extraits furent par nous donnés naguère dans un libelle intitulé Les Poètes maudits. Il a maintenant dans les trente-sept ans et voyage en Asie, où il s’occupe de travaux d’art. Comme qui dirait le Faust du second Faust, ingénieur de génie après avoir été l’immense poète vivant de Méphistophélès et possesseur de cette blonde Marguerite !

On l’a dit mort plusieurs fois. Nous ignorons ce détail, mais en serions bien triste. Qu’il le sache au cas où il n’en serait rien. Car nous fûmes son ami et le restons de loin.

Dans un très beau tableau de Fantin-Latour, Coin de table, à Manchester actuellement, croyons-nous, il y a un portrait en buste de M. Rimbaud à seize ans.


« Les Illuminations » sont un peu postérieures à cette époque.